COURSE À LA MAISON BLANCHE: Lors d'un débat d'une rare violence, Trump essaie de stopper l'hémorragie

Par Libération.fr - COURSE À LA MAISON BLANCHE. Lors d'un débat d'une rare violence, Trump essaie de stopper l'hémorragie.

Les candidats républicain Donald Trump (à gauche) et démocrate Hillary Clinton à la présidentielle américaine à Saint-Louis, aux Etats-Unis, le 9 octobre 2016. Photo Tasos Katopodis. AFP.

Par Frédéric Autran, Correspondant à New York

Pour tenter de sauver sa campagne, plombée par ses propos machistes, Donald Trump n’a retenu aucun coup dimanche soir face à Hillary Clinton. Le candidat républicain reste malgré tout plus isolé que jamais.

Lors d'un débat d'une rare violence, Trump essaie de stopper l'hémorragie
En un an et demi de campagne, jamais la détestation que se vouent Donald Trump et Hillary Clinton n’avait à ce point sauté aux yeux. Et ce dès leur entrée en scène. Dimanche soir lors du deuxième débat présidentiel, organisé à Saint-Louis, les deux rivaux ont ostensiblement évité de se serrer la main, un avant-goût d’un échange jalonné d’insultes et d’attaques personnelles. Rapidement, l’un des deux modérateurs, le journaliste vedette de CNN Anderson Cooper, a mis sur la table le sujet le plus attendu de la soirée : les propos obscènes sur les femmes tenus par Donald Trump en 2005, révélés vendredi et qui ont depuis conduit sa campagne - et le Parti républicain - au bord de l’implosion.

«Vous décrivez [dans cette vidéo, ndlr] le fait d’embrasser des femmes sans leur consentement, d’attraper leurs parties génitales. C’est de l’agression sexuelle. Vous vous êtes vanté d’avoir agressé sexuellement des femmes. Est-ce que vous le comprenez ?», a demandé Anderson Cooper à Donald Trump. «Non, je n’ai pas du tout dit ça. Je ne crois pas que vous ayez compris. C’était des conversations de vestiaire. Je n’en suis pas fier. Je m’excuse auprès de ma famille. Je m’excuse auprès du peuple américain», a répondu l’intéressé. Avant d’ajouter, imperturbable : «Personne n’a plus de respect pour les femmes que moi».

Menace de prison
Invitée à réagir, Hillary Clinton a martelé que Donald Trump n’était pas digne d’être président. «Il dit que cette vidéo ne représente pas qui il est. Mais je pense qu’il est clair pour tous ceux qui l’ont écoutée qu’elle représente exactement qui il est», a estimé la candidate démocrate. «Nous l’avons vu insulter les femmes. Nous l’avons vu noter des femmes sur leur apparence, de un à dix. Mais ce n’est pas seulement les femmes. Il a également visé les immigrés, les Afro-Américains, les Latinos, les handicapés, les prisonniers de guerre, les musulmans et tant d’autres», a-t-elle ajouté. Comme il l’avait laissé entendre avant le débat, Donald Trump a répliqué en évoquant les accusations d’agression sexuelles à l’encontre de Bill Clinton. «Bill Clinton a abusé de femmes, a lancé le milliardaire. Il n’y a jamais eu dans l’histoire de la politique de cette nation quelqu’un qui ait autant abusé des femmes».

Distancé dans les sondages, lâché par de nombreux responsables républicains après la divulgation de ses propos outranciers, Donald Trump avait manifestement décidé de marquer les esprits lors de ce deuxième face-à-face. Très agressif, l’index souvent pointé vers sa rivale, il a dégainé une à une toutes ses attaques : le drame de Benghazi, l’échec américain au Moyen-Orient, la gaffe d’Hillary Clinton sur les «pitoyables» électeurs trumpistes et, bien sûr, l’affaire des emails de l’ancienne secrétaire d’Etat. Ce dernier point a donné lieu à l’un des échanges les plus acerbes de la soirée, lorsque Donald Trump a promis, en cas de victoire, de «nommer un procureur spécial» pour enquêter sur sa rivale. «Heureusement que quelqu’un avec le tempérament de Donald Trump n’est pas en charge de la loi dans notre pays», a lancé Hillary Clinton. Si c’était le cas, «vous seriez en prison», a répliqué le représentant républicain.

Vague de défections
En fin de compte, difficile de désigner un vainqueur de ce duel à couteaux tirés. Pour stopper l’hémorragie dans le camp républicain et rassurer ses partisans, Donald Trump avait besoin d’être performant. D’une certaine manière, il l’a été en jouant notamment l’une de ses cartes les plus efficaces : celle du changement face à une Hillary Clinton dans la vie politique «depuis trente ans». En face, l’ancienne Première dame est restée calme. Souvent amusée, parfois déstabilisée par certaines attaques (notamment sur son double langage mis en évidence dans des récentes fuites de Wikileaks), elle a matraqué son message principal : Donald Trump n’a ni le tempérament ni les qualités requises pour être président.

A moins d’un mois de l’élection du 8 novembre, une chose est sûre : Donald Trump reste le grand perdant du week-end. Distancé dans les sondages, il est plus isolé que jamais, lâché par des dizaines de responsables républicains actuels (sénateurs, représentants, gouverneurs) ou passés. Près du tiers des sénateurs républicains ont ainsi annoncé qu’ils ne voteraient pas pour lui, une vague de défection inédite pour un candidat à la présidentielle. Lors du débat de dimanche soir, Donald Trump n’a rien fait pour ramener dans son giron ces déserteurs, qu’il qualifiait plus tôt dans la journée d’«hypocrites moralisateurs». Par son agressivité envers Hillary Clinton, le candidat républicain a sans doute stimulé sa base électorale, mais ne l’a pas élargie. Comme le résume Neil Newhouse, un consultant républicain : «Trump s’adresse à sa base. Il consolide chaque électeur qui était déjà pour lui. Mais 40% du vote ne suffiront pas».

Frédéric Autran Correspondant à New York

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