Chômage, remous sociaux, démilitarisation, ... : Clash entre un ministre, des jeunes, des universitaires et le maire de Bouaké

Par Linfodrome - Chômage, remous sociaux, démilitarisation, ... Clash entre un ministre, des jeunes, des universitaires et le maire de Bouaké.

Ville de Bouaké. Image d'illustration.

Bouaké, la renaissance de la capitale du Gbêkê au coeur du débat sur Rfi
Le débat a été très chaud entre les invités de Radio France internationale, qui a enregistré sa dernière émission de débat ‘’Appels sur l’actualité’’ ce mercredi 18 avril 2018, à Bouaké sur la situation dans la capitale du Gbêkê.

"Appels sur l'actualité" émission débat de Radio France Internationale (RFI), consacrée aux questions de la vie socio-politique dans le monde, a déposé, pour la première fois, ses valises à Bouaké. Invités à cette grande tribune radiophonique de débat au Centre culturel Jacques Aka, des étudiants, jeunes leaders d'opinion, membres de la société civile, sociologues, autorités politiques locale et membre du gouvernement, …. Tous se sont prêtés à un exercice de réflexion critique sur la vie socio-politique à Bouaké. Comment la 2ème plus grande ville du pays peut-elle retrouver un nouveau souffle après avoir été la capitale des ex-rebelles durant près d'une décennie? Comment avez-vous vécu ces évènements et les mutineries de l'année dernière ? Aujourd'hui, quelles sont vos attentes et priorités ? Telles sont les sujets majeurs sur lesquels ont planché les auditeurs de la chaine française internationale.

Contexte. Sur le volet socio-économique de Bouaké, Djibo Nicolas, le maire de Bouaké ouvre le débat. « J'ai trouvé Bouaké dans une situation déplorable... La population de Bouaké est aujourd'hui plus pauvre qu'en 2002 », a situé Djibo fils avant de poursuivre plus tard en ces termes: « Bouaké a besoin d'investissements majeurs pour créer des emplois massifs ».

Sociologue et enseignant à l'Université Alassane Ouattara, le Professeur Francis Akindès met les pieds dans le plat. « Je suis dans la posture de ceux qui ont fui Bouaké au moment où ce problème est arrivé. L'université a dû fermer pendant 9 ans. Nous étions délocalisés sur Abidjan. Dispersés sur 9 sites. Ce n'était pas facile. Logiquement, les étudiants de l'époque ne devraient plus être là aujourd’hui, puisqu'ils auraient dû terminer leurs études et être dans le monde professionnel. Mais, je vous assure, ce n'était pas facile pour les enseignants et pour les étudiants qui ont tout perdu. A Bouaké, la question du chômage est un problème très sérieux. Si nous voulons créer la quiétude à Bouaké, il faut réveiller la zone industrielle ».

A la suite du professeur de Sociologie, les étudiants, eux aussi, ont eu droit à la parole. A l’instar de Dieudonné, en thèse. Celui-ci a mis l’accent sur la sécurité à Bouaké, qu’il met au compte de l'Etat. « L'insécurité est vraiment la caractéristique essentielle de Bouaké. Il y a un sentiment de peur et d'inquiétude sérieux à Bouaké. Les responsabilités sont très partagées. La faute n'est pas aux autorités communales. C'est une affaire nationale parce que la sécurité c'est une affaire d'Etat... ».

Amadou Koné, Ministre des Transports et ex Directeur de cabinet de Guillaume Soro en 2002, défend la cause de l’ex-rébellion vers laquelle la plupart des regards se tournent. « Tous ceux qui ont pris les armes ne sont pas militaires. Je voudrais aussi dire à Wally qu'il n’y a pas de regret ...J'ai passé mon temps à dire aux plus jeunes qu'il faut continuer à aller à l'école. Je suis de ceux qui ont dit qu'il faut continuer à aller à l'école. Vous n'avez pas de regret à avoir. La question de l'emploi et surtout de l'emploi des jeunes et des militaires qui sont ici, il appartient à l'Etat de faire en sorte que tous ceux qui ont été démobilisés et qui sont laissés de côté ait une situation. Il faut que nous travaillions tous à faire en sorte que la quiétude revienne à Bouaké ».

« J’ai mal fait de n’avoir pas pris les armes »

Pour le collaborateur du Premier ministre Amadou Gon, la démilitarisation peut être une solution. Mais, il se demande comment on peut démilitariser efficacement une ville ou un pays, où il y a encore des armes cachées partout. « Même si le DDR n'a pas été bien mené je pense que nous avons choisi une voie qui est la voie du dialogue. Ce sont nos jeunes frères, ceux sont des Ivoiriens. La démilitarisation par les armes nous n'en voulons pas. Nous voulons la démilitarisation pacifique et nous exhortons les uns et les autres à aller à cette démilitarisation », a lancé Amadou Koné.
Pour sa part, quand il prend la parole, le maire de Bouaké s’attaque à la question du chômage dans sa cité. « Nous avons trop de chômeurs à Bouaké, et particulièrement au sein des jeunes. La réinsertion n'a pas été une totale réussite. Il y a eu des gens qui ont été laissés sur le chemin et je pense qu'il faut arriver à trouver du boulot pour tout le monde » a indiqué Djibo Nicolas, par ailleurs ex président de la Chambre du Commerce et d'Industrie en Côte d'Ivoire. Wally, diplômé, sans emploi, suivra le premier magistrat de sa commune et exprime sa frustration. « En 2002, lorsque la crise éclatait, j'avais 18 ans et j'étais déjà titulaire du Bepc. Je pouvais rejoindre la rébellion. Mais, on nous avait dit que celui sur qui nous comptions en ce moment, qui était un grand économiste et un technocrate de renommée internationale, aurait besoin des gens diplômés. Nous avions préféré avoir de grands diplômes. Là où je vous parle, je suis titulaire d'un Bac + 4. Malheureusement, je crois que j'ai mal fait en 2002 de ne pas prendre les armes. Nous qui avons décidé de continuer les études pour pouvoir contribuer de façon active au développement du pays, dans la répartition des millions d'emplois, Bouaké a été oubliée »

Simon DEBAMELA, à Bouaké