Côte d'Ivoire : si jeunesse savait ! Par Raphaël Adjobi

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Côte d'Ivoire, si jeunesse savait ! Par Raphaël Adjobi.

Affrontements entre étudiants et forces de l'ordre le 18 juillet 2016 à l'université Félix Houphouët Boigny de Cocody.

Les étudiants ont annoncé - le 26 juillet - avoir obtenu du gouvernement l'assurance de la libération de leurs camarades emprisonnés. Ils n'ont pas manqué de remercier leurs soutiens, notamment leurs parents. Quant aux revendications pour lesquelles ils sont descendus dans les rues, le pouvoir leur a sans doute promis d'y réfléchir.

Tout cela semble très beau et digne d'un roman pour amuser et faire rêver les enfants. Ces jeunes gens qui ont fait cette déclaration doivent se dire que la satisfaction des revendications par secteurs - alors que tout le monde est dans les rues - est la meilleure arme des gouvernants pour étouffer les grèves et les révolutions. Cela s'appelle tout simplement "diviser pour régner". Et c'est le piège qui les attend.

Alors que tous les Ivoiriens se révoltent sur l'ensemble du territoire, alors que les manifestants sont partout arrêtés et emprisonnés, si les étudiants une fois satisfaits se désolidarisent des revendications du reste de la population et de tous les autres prisonniers, alors la lutte est perdue. Tout le monde est embarqué sur le même bateau fou ! La vie chère que dénoncent les parents dans les rues les concerne également. Les parents et les frères qui meurent dans les prisons les membres gangrenés par manque de soin les concernent ! Le prix exorbitant de l'électricité que dénoncent leurs familles les concerne !

Que cette jeunesse sache que tout cela est intimement lié à ce qu'elle subit sur les campus universitaires. Si le gouvernement autorise la présence des militaires sur leurs lieux d'étude - alors que cela est interdit partout en Europe ; liberté de penser oblige ! - c'est parce qu'il sait qu'il ne fait pas les choses dans les règles. Comme le gouvernement a beaucoup à se reprocher quant aux conditions de leurs études, il prend les devants pour prévenir leurs réactions tout à fait normales. C'est aussi simple que cela.

A tous ces jeunes qui luttent en prenant tous les risques, je dis bravo, courage et persévérance ! A ceux qui pourraient se désolidariser du combat de leurs parents en se laissant bercer par les promesses du gouvernement concernant le secteur estudiantin, je voudrais poser cette question : avez-vous la preuve d'une seule promesse tenue par le gouvernement en place ? Permettez-moi de vous rappeler quelques unes que nous attendons tous depuis que la France a décidé qui doit nous diriger :
1 - On nous a promis, la main sur le cœur, "la démocratie irréversible". Avons-nous cette démocratie en Côte d'Ivoire ?
2 - On nous a promis de juger tout le monde sans distinction et châtier tous les fautifs. L'avons-nous cette justice impartiale en Côte d'Ivoire ?
3 - On nous a promis le retour de nos familles exilées dans les pays voisins. Quel signe ce gouvernement a-t-il fait pour apaiser leurs craintes et encourager leur retour ? Quel gage ce gouvernement donne-t-il à chaque Ivoirien qu'il peut rentrer en Côte d'Ivoire sans risque d'être arrêté et emprisonné ? Quel gage donne-t-il à chaque ivoirien qu'il peut retourner dans sa région, retrouver sa maison et ses terres en toute sécurité ?
4 - On nous a promis des universités sur tout le territoire national. Les avez-vous vues apparaître ? Il serait bon de commencer par savoir bien gérer ce qui existe !

Depuis plus de cinq ans, le gouvernement emprunte de l'argent aux banques et aux pays étrangers pour des travaux qui laissent croire aux Ivoiriens que leur pays se développe, que le monde entier les envie et les admire. En cela, ce gouvernement se comporte comme une famille qui s'endette pour acheter une belle voiture, une télévision haut de gamme, un ordinateur dernier cri donnant l'impression qu'elle est riche ; alors que ses enfants sont mal nourris, mal habillés et fréquentent des écoles de mauvaise qualité. En Europe, nombreuses sont les familles de ce type qui se retrouvent vite à tout vendre, jusqu'à leur maison, pour se retrouver dans un petit appartement et parfois même à la rue.

La Côte d'Ivoire est sur la voie de ces familles en perdition. Elle vend ses terres, les secteurs vitaux de l'indépendance sociale comme la gestion de l'eau, de l'électricité et des grandes voies de communication. Si vous vous désolidarisez de vos parents, si vous ne les soutenez pas dans leur révolte, cela veut dire tout simplement que vous les laissez dans la m... et vous avec. Tenez bon ! Vous êtes le sel de la Côte d'Ivoire ! Obligez donc le gouvernement à mettre du sel dans sa sauce ; c'est-à-dire qu'il tienne compte de vous et de vos besoins avant ceux de la France et de ses entreprises.

Une contribution Raphaël ADJOBI