Côte d'Ivoire: «Le Sénat ivoirien est inconstitutionnel», selon un Député PDCI

Par IvoireBusiness - Côte d'Ivoire. «Le Sénat ivoirien est inconstitutionnel», selon un Député PDCI.

Kouassi Kouamé Patrice dit KKP est un avocat international. Élu, en décembre 2016, député dans la circonscription électorale de Yamoussoukro-commune, en indépendant, il a rejoint le PDCI-RDA, son parti.

Kouassi Kouamé Patrice dit KKP est un avocat international. Élu, en décembre 2016, député dans la circonscription électorale de Yamoussoukro-commune, en indépendant, il a rejoint le PDCI-RDA, son parti. Il jette un regard critique sur les sujets politiques brûlants de l’heure. Une interview tonique. Les indépendants ont le vent en poupe à Yamoussoukro. Vous avez battu le candidat du RHDP et la liste de cette coalition politique a également été vaincue aux sénatoriales. Comment expliquez-vous ces différentes défaites?

Je pense qu’il faut tirer les conséquences de cette défaite du RHDP à Yamoussoukro lors des sénatoriales. Le RHDP ne marche pas à Yamoussoukro. À chaque fois qu’il y a une liste RHDP, la liste a été battue par les indépendants. Je fais le constat, il est factuel. Mais, la liste RHDP perd à Yamoussoukro parce que le RHDP est rejeté.

Pourquoi cette alliance politique est-elle rejetée à Yamoussoukro?

Le principe même du RHDP à Yamoussoukro crée une frustration au niveau des militants. Comment pouvez-vous expliquer que dans les bastions du RDR, ce sont des listes RDR habillées en RHDP et dans les bastions du PDCI, ce soit des listes RHDP? C’est cela la problématique. Vous allez prendre tous les bastions du RDR, vous n’allez pas voir un seul PDCI dans la liste. Ils sont tous RDR et on nous demande, à Yamoussoukro, sous le prétexte du RHDP, d’avoir une liste composée du RDR, du PDCI et de tout le monde. Il faut être cohérent. Si dans les bastions du RDR, il n’y a pas de mixtes PDCI-RDR, pourquoi vouloir avoir des mixtes RDR-PDCI à Yamoussoukro?

Mais à qui la faute? Le PDCI n’est-il pas responsable de cette situation que vous décriez?

Je ne cherche pas les fautes. Je cherche les réponses qu’on peut apporte à ce genre de situations et la réponse qui est apportée à chaque fois, c’est que les listes RHDP sont battues. Voilà la réponse qu’apportent les populations. On oublie parfois la position des populations en regardant seulement les leaders. Mais la position des leaders peut être en déphasage avec celle des populations. Et quand il y a déphasage, la réponse qui est donné c’est celle que nous voyons.

Le RHDP revendique la philosophie d’Houphouët-Boigny. Comment expliquer que cette coalition politique perde dans le village natal d’Houphouët-Boigny?

Je ne sais pas si c’est la philosophie d’Houphouët qui est défendue effectivement, mais je fais des constats. Pourquoi cette philosophie d’Houphouët serait-elle à géométrie variable? Elle est valable seulement à Yamoussoukro et elle n’est pas valable ailleurs? Il faudrait l’appliquer de façon uniforme partout. Au sein de tous les partis du Rassemblement.

Vous qui êtes député, dites-nous quelle est la configuration à l’Assemblée nationale au niveau des groupes parlementaires? Y a-t-il un groupe parlementaire RHDP?

Au niveau de l’Assemblée nationale, il n’y a pas de groupe parlementaire RHDP. Il y a un groupe parlementaire PDCI, un autre RDR et d’autres groupes parlementaires et je pense que cette configuration va évoluer avec l’ouverture de la deuxième session parce qu’on ne sait pas encore s’il y a une recomposition des groupes parlementaires. Mais ce que je note après les débats que nous avons eus sur la question du groupe parlementaire RHDP à l’Assemblée nationale, la position du PDCI est claire et non équivoque. Il y a un groupe parlementaire PDCI à l’Assemblée nationale et il y aura un groupe parlementaire PDCI au Sénat. Je pense que c’est conforme à l’idée qu’on se fait du groupement politique dans lequel nous sommes. Chacun garde son entité, son autonomie.

Mais honorable, Félix Anoblé, un député PDCI, milite activement pour la mise en place du groupe parlementaire RHDP…

Écoutez, ce n’est pas parce qu’on est dans un parti politique, que c’est la pensée unique !. Chacun garde sa liberté de pensée et d’expression. N’oubliez pas que d’un point de vue constitutionnel, le mandat du député est non impératif. Le député ne reçoit d’instruction de personne. Quand il y a une consigne du parti politique, c’est celui qui veut qui y adhère. Nous voulons rester dans le groupe parlementaire PDCI ; maintenant ceux qui ne veulent pas, qu’ils partent. La porte est ouverte. De la même façon, la porte restera ouverte s’ils veulent revenir. Donc on n’oblige personne à rester dans le groupe parlementaire PDCI.

Avez-vous interpellé votre direction sur les deux défaites du RHDP à Yamoussoukro et quelle a été leur réponse?

J’estime que nous n’avons pas à interpeller la direction. Parce que la problématique que vous posez, c’est de savoir si c’est la direction qui suit la base ou c’est la base qui suit la direction.

Pour vous, qui suit ou doit suivre qui?

Pour être pragmatique, c’est la direction qui doit suivre la base ; elle doit savoir quelles sont les aspirations profondes de la base. Quand la direction est en déphasage avec la base, ça donne ce que nous voyons.

Honorable, le parti unifié sera-t-il possible si même au niveau des députés, la fusion n’est pas facile à se mettre en place?

Je pense que la question du parti unifié a déjà donné la première réponse à 94% à bulletin secret (au 2è Congrès extraordinaire de l’UPCI, parti membre du RHDP, les militants ont rejeté le parti unifié par un vote massif de 94%, le 28 avril 2018). Parce que c’est de cela qu’il s’agit également. Nous sommes dans un système où les gens ont peur. Ils ont peur d’exprimer leurs opinions. Quand vous mettez le cadre pour que leur opinion soit exprimée, ca donne 94% de non au parti unifié sans crainte de représailles. Et je pense que la base n’est pas favorable au parti unifié. C’est ça la réalité.

Donc vous êtes en train de demander au PDCI de suivre la voie de l’UPCI à son prochain Congrès?

Nécessairement, un Congrès doit entériner l’accord politique de principe qui a été signé. D’ailleurs, le RDR a organisé un Congrès extraordinaire sur la question, le 5 mai. Si, pour éviter toute surprise, aucun vote n’a eu lieu pour demander démocratiquement l’avis des militants, des instructions ont été données.

Honorable comment expliquez-vous cette cacophonie au RHDP: l’UPCI a renoncé au mariage, le candidat qui devra défendre les couleurs du RHDP à la présidentielle de 2020 est l’objet de désaccords entre le PDCI et le RDR, le manifeste annoncé a été remplacé par un accord politique?

Moi je n’écoute pas ce que disent les autres partis. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui se dit au PDCI. Dans notre parti, il y a un président qui décide de la direction à prendre. Et quand il a pris la direction, c’est de savoir si les troupes suivent ou pas. Donc les troupes donneront une réponse au Congrès. Donc pour moi, l’accord de principe ne prête pas à conséquence juridiquement. En revanche, la décision de signer un accord politique, prête à conséquence politiquement par rapport à la base. Parce que quand j’ai vu comment les cadres avaient du mal à cerner la subtilité entre manifeste et accord politique, je me suis dit que la base encore moins pourrait comprendre cette subtilité. Donc d’un point de vue politique, ça prêtait à confusion au niveau de la base. Moi, en tant qu’avocat, quand j’ai regardé l’accord qui a été signé, ça ne prêtait pas à conséquence au niveau du parti.

Comment ça ?

Mais parce que ce n’est qu’un accord politique; ce n’est qu’un accord politique de principe! Même si on est président de parti et qu’on le signe, cela doit être ratifié par le Congrès.

Des militants estiment que du côté du RDR, vu que l’accord n’a pas été paraphé par la présidente du RDR mais plutôt par le président d’honneur du parti, ils ne se sentent pas engagés par cela. Qu’en pensez-vous juridiquement?

Alors c’est un peu la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui avec la réponse que l’UPCI a donnée. Il y a un accord politique qui est signé. Que vous soyez mandaté ou pas, les organes qui sont habilités à prendre cette décision-là, vont soit ratifier, soit rejeter. C’est le Congrès au qui a le dernier mot.

Vous faites allusion à la base. Quelle image veut-on donner à la Côte d’Ivoire quand au RHDP, les dirigeants signent un accord sans consulter la base?

Ce qu’il faut savoir, c’est que les présidents des partis politiques ont quand même l’obligation d’indiquer la direction dans laquelle ils veulent partir et envoyer leurs militants. Mais ce n’est qu’une indication. Parce que la décision finale appartient à la base et au Congrès. Donc pour moi, c’est cohérent.

Pour revenir au Congrès, en 2013, le PDCI à travers ses XIIè assises, avait décidé de présenter un «militant actif» à la présidentielle de 2015. Cependant, cette résolution a été battue en brèche par l’appel de Daoukro de Bédié. Que vaut donc une décision d’un Congrès face à la réalité du terrain politique?

Je vous réponds que nous sommes en 2018 et les choses ont évolué. Je ne vous dis pas le nombre de majeurs qu’il y a eu depuis ces quatre dernières années. En plus, je n’étais pas élu à cette époque. Je parle de 2018. Ce qui s’est fait par le passé, c’est le passé. Aujourd’hui, nous sommes en 2018. Et je ne pense pas ces choses-là puissent se reproduire aujourd’hui.

Le PDCI ne se sent-il pas trahi par l’allié du RDR qu’il a soutenu depuis 2010?

Il n’y a pas de trahison! C’est comme dans une association, un mariage ; quand vous n’êtes pas satisfait, mais vous partez ! Il n’y a pas de trahison là.

Mais le PDCI soutient que c’est son tour qui est arrivé parce qu’en 2010 et 2015, il a soutenu Ouattara et le RDR, qui ne l’entend pas de cette oreille, doit lui renvoyer l’ascenseur.

Je n’y étais pas en 2010 et 2015 ; donc je ne sais pas ce qui a été dit en son temps. Mais ce que je note, c’est qu’il n’y a pas d’accord sur ce point. Et le président Bédié, lui-même, a dit que les discussions avec nos partenaires continuent. La question c’est de savoir jusqu’à quel point ou moment, on va constater ce désaccord-là et dire qu’il y a rupture des négociations.

Honorable, je veux revenir sur la signature du document par tous les partis. Au niveau du RDR, est-il juridiquement faisable que le président d’honneur signe cet accord à la place du président de ce parti ?

Je ne répondrai pas à cette question. Parce que cela regarde le RDR. moi, personnellement j’estime que je n’ai pas d’opinion politique sur la question. Si les dirigeants du RDR ne trouvent rien à redire sur le fait que le président de la République signe à la place du président du parti, c’est qu’ils sont confortables avec cela.

Qui est Kouassi Kouamé Patrice pour réussir l’exploit de battre le candidat du RHDP aux législatives dernières?

Je suis un inconnu indépendant et je pense que c’est ce qui plait aux populations. Parce qu’à un moment donné, vous savez, la démocratie aussi, c’est l’alternance. C’est le changement ! Ce n’est pas que ça remet en cause vos compétences, vos qualités. Mais à un moment donné, la population a besoin de changement en fait. Quand en plus de cela et pas seulement à Yamoussoukro, les élus avaient l’habitude de surfer sur leur adoubement par les politiques et estimaient qu’ils avaient la garantie, entre guillemets d’être élus, ils se souciaient très peu de la population. Il y avait des moments où ils ne voyaient les populations que seulement au moment des élections. Donc ce sont les seuls moments véritablement où il y avait l’interaction avec la population. Aujourd’hui, celle-ci a atteint une maturité. Parce qu’également il y a des jeunes majeurs de plus en plus, des intellectuels qui arrivent à comprendre la nuance des choses et qui ne considèrent plus aujourd’hui la consigne de vote des partis politiques. Ils se font eux-mêmes leurs propres convictions et en fonction de leurs convictions, ils choisissent qui ils élisent ou pas.

Vous vous êtes senti appelé pour défendre une certaine cause ?

Je ne le dirai pas ainsi. Ce n’est pas un sacerdoce que de venir en politique. Le constat que j’ai fait est très simple. Dans toutes les régions de Côte d’Ivoire, vous savez en général, les gens qui ont réussi ne s’intéressent pas à la politique. Les cadres que vous allez voir, en général, ils font la politique de salon. Ils sont très forts pour critiquer mais jamais de propositions. Alors, quand j’ai regardé cela, j’ai dit mais je ne suis pas moins bon que ceux qui sont là. Pourquoi est-ce que je ne m’intéresserais pas à la gestion de la chose publique en étant candidat? Et comment vous voulez changer les choses si on ne mouille pas le maillot et si on n’est pas sur le terrain? Il n’y a que comme ça qu’on change les choses. Ce sont les hommes qui changent les choses. Si vous voulez changer les choses, il faut vous impliquer.

Mais qu’est-ce qui a fait la différence face à certains qualifiés de dinosaures à cette élection? Parce que la première fois, vous avez perdu et la seconde fois, vous parvenez à battre le candidat du RHDP?

C’est déjà la jeunesse de l’électorat qui est sensible aux discours des jeunes que nous sommes. Ensuite, je me suis présenté la première fois à l’élection seulement trois mois avant l’élection elle-même. Trois mois de campagne, pour moi c’était une tribune qu’il ne fallait pas rater parce que c’était l’opportunité de se faire connaître. Donc, j’en ai profité même si je ne me faisais pas d’illusions sur le résultat. Mais le résultat que j’ai obtenu n’était pas si mal et ca m’a encouragé à continuer. Après cette élection, je me suis mis au travail. La première fois, je n’ai eu que trois mois pour me préparer mais la seconde fois, j’ai eu cinq ans pour me préparer. Donc le résultat, c’est celui d’un travail de cinq ans.

Pourquoi vous êtes-vous présenté en indépendant ?

Parce que pour moi, c’est une aberration qu’on parle de RHDP à Yamoussoukro. Et c’est une question de cohérence pour moi et qui doit s’étendre à tous les partis politiques sur toute l’étendue du territoire national. Il n’est pas normal qu’on me parle du RHDP à Yamoussoukro avec des mixtes de partis politiques et qu’ailleurs, il n’y ait pas de mixtes de partis politiques, même si l’habillage est RHDP.

Monsieur le député, ca a commencé avec les législatives, jusqu’où êtes vous êtes prêt à aller? Est-ce qu’il y a d’autres challenges auxquels vous voulez prendre part?

Le challenge, c’est tous les postes électifs. Tous les postes électifs mais pas en cumulatif. Parce que je ne suis pas dans cette dynamique-là. Quand je dis tous les postes électifs, cela concerne la fonction de député, de maire, de président de conseil régional et de président de la République. Il y a une différence significative aujourd’hui, c’est qu’avant quand vous demandez à un jeune qui est-ce qu’il voit qui pourrait être candidat à la présidentielle, il regarde au-dessus de lui pour voir quel grand-frère, oncle, papa pouvait y prétendre. Nous ne sommes plus à ce stade. Aujourd’hui, nous considérons que nous sommes la jeunesse, nous sommes les jeunes qui pouvons prétendre être élus président de la République, maire, député ou président de conseiller régional. Nous avons toutes les compétences et qualités pour être candidats à des postes électifs, à tous les niveaux.

Quels sont vos rapports avec les anciens à Yamoussoukro la capitale politique? Est-ce que KKP gêne les «grands noms»?

Je rectifie quelque chose, c’est que Yamoussoukro n’est pas la capitale politique de la Côte d’Ivoire. Elle est la capitale de la Côte d’Ivoire selon la loi de 1983. Ici, c’est un gros village, on est plus ou moins tous parentés ; donc on a des relations de famille. Les grands noms dont vous parlez, ce sont soit des oncles, des cousins, donc on a des relations les plus cordiales. En ce qui me concerne, je n’ai pas grand problème avec les anciens, les jeunes, les femmes.

Quand vous regardez Yamoussoukro aujourd’hui, quels sont ses problèmes et que comptez-vous faire pour résoudre un certain nombre d’entre eux?

Alors les problèmes de Yamoussoukro sont multiples et structurels. Nous avons une commune, nous avons un district. Je pense que ça contribue à créer une cacophonie au niveau de la gestion de la commune. Je pense qu’il faudrait trouver une solution rapidement à cela. Vous savez, vous avez une ville comme Paris et vous avez différentes mairies dans la ville. Je pense que c’est ce modèle qu’il faudrait reproduire à Yamoussoukro, où il y a des conflits de compétences. Et même quand il n’y a pas de conflit de compétences, les dirigeants en créent. Ce sont donc des freins au développement de Yamoussoukro. Mais la problématique majeure à Yamoussoukro, c’est que vous avez un transfert de la capitale qui, en tout cas, je peux le dire avec certitude, ne se fera pas d’ici 2020.

Et pourquoi ?

Mais pour des raisons évidentes. Quand on me dit: «On transfère le Sénat à Yamoussoukro, donc le transfert de la capitale est en route», je réponds: «Excusez-moi, dites-le à d’autres personnes, mais n’insultez pas mon intelligence en venant me dire cela». On voit bien qu’il n’y a pas d’infrastructures pour accueillir le Sénat et qu’il est installé à la Fondation Félix Houphouët-Boigny. Je pense que le président Houphouët doit se retourner dans sa tombe s’il voit que le Sénat est hébergé à la Fondation.

Comment expliquez-vous le retard dans le transfert de la capitale?

Écoutez, le transfert de la capitale, c’est une volonté politique tout simplement. Je le redis encore, pour moi, le transfert de la capitale ne se fera pas d’ici 2020. Parce que quand on parle de transfert de la capitale, on parle de politique de transfert de la capitale. Avec un chronogramme, avec la construction d’un certain nombre d’infrastructures. Regardez aujourd’hui, les tours administratives du Plateau, qui sont en train d’être réhabilitées. On prévoit la construction d’une nouvelle tour à près de 250 milliards de Fcfa alors qu’on nous parle de transfert de la capitale. Mais cette nouvelle tour aurait dû être construite à Yamoussoukro. Comment dans ces conditions, ca peut être crédible de dire que le transfert de la capitale se fera à Yamoussoukro ? Je vous dis non, ce n’est pas crédible !

Avez-vous interpellé les décideurs sur les chantiers ouverts qui ont été laissés à l’abandon à Yamoussoukro parce que ces chantiers devaient être menés à terme pour rendre effectif le transfert de la capitale?

Écoutez, le député dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale peut poser des questions écrites au président de la République. L’année dernière, à pareil moment, j’avais adressé un courrier au président de la République pour lui poser la question de savoir pourquoi le transfert de la capitale ne se fait toujours pas. À ce jour, je n’ai pas eu de réponse.

Mais l’avez-vous relancé?

On ne relance pas un président de la République. Je pense qu’un président de la République, est quelqu’un d’organisé, de structuré. Donc il a reçu mon courrier mais la loi ne lui fait pas obligation de me répondre dans un certain délai. En même temps, j’ai pris la population à témoin en lui disant que j’ai écrit au président de la République pour savoir pourquoi le transfert de la capitale ne se faisait pas depuis, mais je n’ai pas eu de réponse. Donc, je pense que la population aura compris également que pas de réponse, c’est également une réponse.

Pensez-vous qu’il y a manifestement un manque de volonté politique pour ce transfert de la capitale ?

Je ne pense pas, je le constate. Parce que d’abord ça a été une promesse de campagne par deux fois. Ensuite, c’est une obligation légale. Ce n’est pas une option pour le président de la République. Quand on prend des lois, on doit les exécuter, soit en prenant des décrets, soit en les mettant en œuvre. Surtout lorsque dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale, un député vous interroge sur la question. Si vous ne donnez pas de réponse, c’est une réponse.

Quel est aujourd’hui le sentiment de la chefferie par rapport à tout ça quand on sait que cette promesse de campagne de transfert de la capitale à Yamoussoukro a été faite en sa présence?

Vous savez, je dois vous dire que culturellement, nos chefs n’ont pas vocation à s’exprimer publiquement. Surtout dans l’arène politique. Ils regardent, ils ne disent rien mais ils n’en pensent pas moins. Ce que je puis dire aujourd’hui, c’est que beaucoup de chefs avaient fondé l’espoir que le transfert de la capitale se ferait. Beaucoup d’habitants et de familles installées de longue date à Yamoussoukro avaient espéré que leurs enfants, leurs neveux auraient des emplois avec le transfert. C’est la préoccupation des populations que nous rencontrons aujourd’hui. La déception vient de là. De l’espoir qui est né et qui n’a pas vu d’aboutissement.

Êtes-vous d’avis que Yamoussoukro est abandonnée depuis la mort d’Houphouët?

Ca, une fois de plus, c’est factuel! Roulez dans la ville et regardez le nombre d’ampoules de lampadaires qui sont grillées et qui ne permettent pas l’éclairage public ; regardez l’état lamentable des routes qui sont dégradées. Je ne parle même pas des bâtiments tels que le Lycée scientifique ou les autres infrastructures qui sont dans un état de délabrement très avancé. La Fondation aujourd’hui, où va être logé le Sénat, c’est 12 milliards de Fcfa pour réhabiliter ce bâtiment-là à ce que j’ai entendu. Regardez-vous-même et vous ferez le constat que Yamoussoukro est à l’abandon depuis fort longtemps.

ll y a débat qui a cours sur la réforme de la Commission électorale indépendante. Quelle est votre position sur cette question?

Avant de donner mon point de vue sur la question, je vais revenir sur la position de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Je pense que cette Cour a donné une position en droit au recours introduit par la l’APDH. C’est une décision qui me semble être assez claire sur la composition de la CEI, pour qu’elle soit une Commission électorale véritablement indépendante. Sur les points qui ont été soulevés par la Cour africaine des droits de l’homme, celui qui me semble le plus important est la représentation des partis politiques et des ministères de tutelle au sein de la Commission. En substance, la Cour a dit que dès lors qu’il y a des représentants au sein de la CEI, ces derniers ne sauraient être indépendants par rapport à leurs mandants. Donc, il est évident que la question de la représentation au sein de la Commission électorale pose problème. J’adhère totalement à cette position parce qu’un mandataire ne peut pas être indépendant de son mandant. Cette position la Cour africaine est donc pertinente, c’est pourquoi nous allons déposer une proposition de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale pour la réforme de la CEI.

Allez-vous déposer cette proposition de loi à titre individuel ou dans le cadre du groupe parlementaire?

La Constitution dit que le Président de la République fait un projet de loi et le député fait une proposition de loi. C’est donc une proposition qui va être déposée par le député de Yamoussoukro commune, Kouassi Kouamé Patrice.

Vous avez parlé de la décision qui a été rendue par la Cour africaine des droits de l’homme. Mais cette décision ne semble pas intéresser l’Etat de Côte d’Ivoire. Comment expliquez-vous cette situation?

C’est le problème que nous avons en droit international, au sujet de l’application des décisions et des conventions internationales qui sont ratifiées par nos États. Donc c’est une exécution qui est volontaire et on ne peut pas obliger un Etat à exécuter une décision si toutefois il n’en a pas la volonté. Mais ce que je pense, c’est que l’Exécutif estime qu’il n’est pas opportun politiquement d’exécuter cette décision immédiatement. Je crois que l’Exécutif doit être confortable avec l’actuelle CEI et ne n’entend pas la changer tant que les échéances électorales locales ne sont pas passées.

Toute cette situation amène à douter du processus électoral en Côte d’Ivoire. Quelle est votre appréciation ?

Je pense qu’on devrait également demander à la Haute autorité pour la bonne gouvernance de s’impliquer dans le processus électoral. Il y a aussi la Société civile. Je pense qu’ils sont les mieux placés pour voir effectivement ce qui se passe en termes d’irrégularités du processus électoral. Je pense que la Haute autorité pour la bonne gouvernance devrait s’impliquer pour soit, prévenir la corruption, soit sanctionner la corruption. Mais il est clair que la corruption gangrène le processus électoral en Côte d’Ivoire. Tout le monde sait que l’argent circule pour corrompre les électeurs. Et rien n’est fait. C’est inscrit dans le jeu politique en Côte d’Ivoire.

Pourquoi est-ce maintenant que vous dénoncez cette situation?

Chaque chose en son temps. Je suis un élu de la nation depuis seulement une année. Nous avons pris fonction au mois d’avril et j’estime que je fais ma part en tant qu’élu.

Vous êtes député de Yamoussoukro-commune mais vous étiez absent à la cérémonie d’installation du Sénat à Yamoussoukro. Avez-vous des explications à donner à cette absence?

Le Sénat, tel qu’il a été installé, est inconstitutionnel et je m’inscris dans la légalité. Le tiers des membres du Sénat qui doit être nommé, n’est toujours pas nommé. Dans ces conditions là, j’ai estimé que le Sénat n’était pas représentatif du Sénat tel que prévu par la Constitution. De surcroît, constitutionnellement, le Sénat devrait être installé une semaine après l’ouverture de la session parlementaire. Cela n’a pas été le cas, il a été installé postérieurement à cette date-là. Voici les deux raisons pour lesquelles je n’ai pas pris part à cette cérémonie.

Nous constatons que nous allons de violation en violation des textes qui régissent notre pays. Quel en est votre commentaire?

Vous savez, le politique a toujours son calendrier qui n’est pas un calendrier légal. Il prend toujours des libertés par rapport à l’application de la loi selon que ses intérêts convergent avec la loi ou pas. Le meilleur exemple que je puisse prendre, c’est la campagne anti-corruption qui est menée à travers tout le pays par la Haute autorité pour la bonne gouvernance, alors que la Haute cour de justice qui devrait juger le Président de la République et les membres du gouvernement, n’est toujours pas installée. Donc on se retrouve dans une situation de deux poids deux mesures. Où le citoyen lambda qui commet un acte de corruption est passible de poursuite devant les tribunaux par rapport cette infraction, alors qu’un membre du Gouvernement qui commet une infraction ne serait passible d’aucune poursuite puisque la juridiction qui doit le juger n’existe pas.

Il y a de nombreuses Institutions existantes dont le fonctionnement laisse à désirer. Par exemple la Grande médiature, l’Inspection générale d’État. Le Sénat n’est-il pas une Institution de trop?

Je vous rappelle que nous sommes dans un régime présidentiel. Conformément à cela, c’est le Président de la République qui définit sa politique. Ce sont les Ivoiriens qui ont élu le Président la République. Je pense que si les Ivoiriens ne sont pas contents, ils devraient interpeller le Président de la République à qui ils devraient poser des questions, en commençant par les élus. Puisque n’oubliez pas que dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale, les députés peuvent poser des questions au président de la République par rapport à l’application des lois.

En tant qu’élu, avez-vous une fois posé ce genre de questions au Président de la République?

Oui, j’ai interrogé le président de la République l’année dernière sur la question du transfert de la capitale. Mais à ce jour, je n’ai pas encore eu de réponse.

Avez-vous posé d’autres questions sur d’autres sujets?

Il faut savoir que le contrôle de l’action gouvernementale se fait par des questions écrites ou des questions orales au président de la République. Alors je ne suis pas le seul député qui a eu à adresser des questions au président de la République. Nous avons plusieurs députés qui ont eu à poser des questions au président de la République. Il faut aussi rappeler que la Constitution n’enferme pas dans un délai légal la réponse du président de la République.

Quel commentaire faites-vous de l’incident qui a lieu entre la dame policière et votre collègue député? On a vu les députés se mobiliser pour réclamer la libération de leur collègue. Ne pourrait-on pas dire que vous êtes au-dessus de la loi ?

Le député ne se met pas au dessus de la loi mais en même temps, ce n’est pas parce qu’on est député que cela devrait nous causer un préjudice. N’importe quel citoyen dans ce pays a le droit de se défendre et bénéficie également de la présomption d’innocence. Mais pourquoi est-ce qu’un député ne devrait pas bénéficier de la présomption d’innocence? Donc, c’est en ce sens que nous disons que certes nous ne sommes pas au-dessus de la loi, mais non plus en dessous de la loi. Quand nous constatons des violations flagrantes de la loi par rapport à un député, on peut également les dénoncer et c’est ce que nous avons fait.

Interview réalisée par S. I. A

Correspondance particulière

Source: Le Journal de Ferro