Côte d’Ivoire affaire «Mafia libanaise du foncier»: Assalé Tiémoko répond à Theophile Kouamo

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Côte d’Ivoire affaire «Mafia libanaise du foncier». Assalé Tiémoko répond à Theophile Kouamo.

Assalé Tiémoko et Théphile Kouamouo. Photomontage.

RÉPONSE À THÉOPHILE KOUAMOUO.

J’ai vu le post de Théophile KOUAMOUO, qui se veut un journaliste panafricainiste (je ne sais pas ce que cela signifie), et dans lequel il commente l’un de mes pots sur le triste scandale de l’expropriation des enfants Bundy, publié il ya quelques jours, avec une volonté manifeste de refaire mon éducation au motif que j’aurais fais des amalgames dangereux dans mon post en parlant de la communauté libanaise. Son post, repris par le site connectionivoirienne.net a été abondamment salué, sa qualité de grand journaliste à été mentionné par ses supporters et c’est moi qui suis passé pour le xénophobe.

Occupé à d’autres choses importantes sur lesquelles il n’a dit aucun mot sinon que me faire passer pour un dangereux adepte des amalgames vis à vis d’une communauté donnée, je n’ai pas voulu répondre à Théophile KOUAMOUO qui a précisé que d’habitude il n’aime pas faire de polémique avec un confrère mais concernant mon post, il n’a pas pu se retenir, appelé par le devoir depuis le lieu où il se trouve, de démontrer les limites de mon raisonnement.
Je voudrais dire à monsieur Théophile KOUAMOUO que s’il est loin des frontières ivoiriennes et donc mal informé sur le dossier Boundy, il a le droit de se taire. Je n’ai aucune leçon de morale à recevoir de lui. Parce que moi, mon indignation devant l’injustice dans ce pays n’a jamais été sélective. Je ne vais pas rentrer dans les allusions à peine voilées de son post qui a dû réjouir Ali Fawaz, le bourreau des enfants Boundy. Qu’il mène son combat pour la libération de l’Afrique et qu’il me laisse mener moi, mon petit combat pour plus de justice dans ce pays.

Théophile KOUAMOUO et moi ne défendons pas les mêmes valeurs. Quand j’ai été emprisonné par le régime Gbagbo pour un article de presse, pendant les 12 mois que j’ai passé en prison, je ne l’ai pas vu un seul jour prendre sa plume pour dénoncer ne serait ce que le fait de condamner quelqu’un aussi lourdement pour un article de presse. Sa conscience de défenseur des libertés des Africains ne l’a pas interpellé devant cette décision de justice inique rendue sur l’initiative de L’ex – procureur Tchimou Raymond.

Mais quand, pour un autre article de presse, il a lui-même était emprisonné en 2009, par le même procureur qui m’avait jeté en prison, non seulement je me suis rendu personnellement dans la prison pour le soutenir moralement et lui demander de tenir bon devant les abus de ce procureur aujourd’hui en exil de peur de recevoir le retour du bâton, mais en plus, dans plusieurs articles de presse, j’ai défendu Théophile KOUAMOUO et ses deux collaborateurs, en dénonçant les abus du procureur Tchimou Raymond avec une telle force que j’ai pensé que j’allais de nouveau retourner en prison. Mais j’ai continué à attaquer l’ex – procureur jusqu’à la libération de Théophile Kouamou deux semaines plus tard, là où, en dehors de son propre organe de presse « bleu », tous les journaux « bleux gardaient un silence refondu.
Les articles que j’ai écris pour dénoncer l’emprisonnement injuste de Théophile Kouamouo et ses deux collaborateurs sont disponibles au Nouveau Reveil et sont consultables.

Alors je voudrais demander à Monsieur Théophile KOUAMOUO de ne pas me distraire s’il ne peut pas s’associer à mon combat pour que des enfants injustement spoliés soient rétablis dans leurs droits. Il est un journaliste d’investigations. Je lui demande d’investiguer plutôt sur cette affaire pour faire éclater sa part de vérité au lieu de faire de l’esprit sur mes posts en me donnant des leçons de morale. Je ne lui reconnais aucune légitimité à le faire parce que son indignation est sélective.
Quelqu’un disait que la souffrance des Africains n’est pas seulement le fait de l’Occident. Elle est aussi le fait que nous refusons de comprendre ce qui nous arrive.
Je suis dans le feu de l’action devant le silence de tous les confrères et Théophile Kouamouo lui, ne trouve pas mieux à faire que de venir me donner des leçons de morale. Alors qu’il sait que j’ai une forte aversion pour toute forme d’injustice. Si monsieur Kouamouo ne peut pas s’associer à notre combat, il a le droit de garder le silence et non de s’en prendre à moi. Je n’ai aucune leçon de morale à recevoir de lui.

Assalé Tiémoko

POST INITIAL DE THEOPHILE KOUAMOUO

Côte-d’Ivoire affaire « Mafia libanaise du foncier »: La réponse de Théophile Kouamouo à Assalé Tiémoko

Je n’aime pas polémiquer sur les réseaux sociaux avec des confrères, surtout quand je les estime. Mais je me sens le devoir d’évoquer la dernière publication d’Antoine Assalé Tiémoko, patron de l’Eléphant Déchaîné, sur Facebook. Une publication dans laquelle il annonce un numéro spécial de son journal sur un scandale : l’expropriation d’une famille ivoirienne par un certain Ali Fawaz, d’origine libanaise. Bien entendu, cette affaire a une résonance particulière dans l’opinion, alors même que de nombreux quartiers précaires habités par des pauvres sont détruits pour être réinvestis dans le cadre de gros projets immobiliers, et que l’on en vient même à tenter de faire casser des écoles pour le grand profit du lobby de l’immobilier.

Mais là où je commence à être mal à l’aise, c’est quand intervient la racialisation d’une question qui relève de l’absence d’Etat de droit. Le confrère parle d’une « mafia libanaise du foncier », admet que « tous les Libanais (…) ne sont pas concernés », mais se plaint qu’ils « ne font rien pour amener leurs compatriotes (…) à arrêter d’humilier des citoyens d’un pays qui les a accueillis ». Il dénonce « la méchanceté de ces gens à qui on a donné un doigt et qui sont en train d’arracher (…) tous les membres de notre corps ». Il parle de mettre fin « à leur corrompu règne dans ce pays ».

– Je trouve que cette manière de présenter les choses masque, volontairement ou pas, les vrais problèmes. Et les vrais responsables.

– Les Libanais ne « règnent » ni directement ni indirectement sur la Côte d’Ivoire. Ils ne contrôlent ni l’exécutif, ni le législatif, ni le judiciaire. Ils n’ont pas d’armée prépositionnée dans le pays ou de coopérants dans les ministères.

– Le vrai propos est donc la corruption des pouvoirs exécutif et judiciaire, face au pouvoir de l’argent. C’est la brutalité et l’âpreté au gain de l’administration, notamment de la police et des services des ministères spécialisés dans ces questions foncières et immobilières.

– Quand on pose ainsi le problème, on se fait comprendre par tout le monde, et on ne risque pas de se faire inutilement diaboliser.

– Pourquoi demander aux membres d’une communauté (concept qui ne peut être qu’officieux en République) de « raisonner » leurs brebis galeuses, faute de quoi ils seront considérés comme leurs complices ? Tout le monde s’indigne quand on demande aux musulmans de France d’affirmer voire de prouver qu’ils ne sont pas d’accord avec les terroristes. C’est cette tentative de fabriquer une sorte de « responsabilité collective » qui a accouché des stigmatisations et assignations à résidence qui ont « fragilisé » la Côte d’Ivoire ces dernières décennies.

– Si on accepte de parler de « mafia libanaise du foncier », ne nous plaignons pas quand d’autres parleront de « mafia dioula du transport » ou de « mafia adjoukrou de l’attiéké ».

– L’expérience montre que l’ethnicisation des questions sociales et politiques bénéficie toujours d’une manière ou d’une autre aux possédants.

– Alors que la vie chère et l’incurie généralisée alimente une colère croissante, la désignation d’un bouc émissaire étranger est une aubaine pour les pouvoirs et une facilité à laquelle succombent trop souvent les peuples.

Théophile Kouamouo