Célébration des 25 ans de combat par la plume de Germain Séhoué: « La résistance patriotique par la plume », Par Prof Dédy Seri

Par IvoireBusiness - Célébration des 25 ans de combat par la plume de Germain Séhoué « La résistance patriotique par la plume », Par Professeur Dédy Seri.

Professeur Dédy Seri. Image d'archives.

1er Mai 2017- Maison de la Presse d’Abidjan

Sous le Parrainage des Présidents Bernard Dadié et Abou Drahamane Sangaré

Célébration des 25 ans de combat par la plume au service de la Patrie de Germain Séhoué

« La résistance patriotique par la plume »
Par Prof. F. Dédy Seri*

Excellences Mesdames et Messieurs,
Mesdames et Messieurs les Journalistes,
Mesdames et Messieurs les Invités,
C’est pour moi un honneur d’être associé à la présente célébration des 25 ans de combat par la plume patriotique du journaliste Germain Séhoué. Je me sens d’autant plus honoré que l’évènement est placé sous le parrainage de deux hautes personnalités : d’une part, le Doyen Bernard Dadié, la première figure emblématique de la résistance patriotique par la plume dans notre pays, qui se trouve être en ce moment le leader du Conseil National de la Résistance pour le Démocratie (CNRD), l’homme, qui depuis maintenant huit (08) décennies, n’a de cesse de marteler que sur cette terre des hommes, nul ne devrait s’estimer supérieur à personne, pour la simple raison que tout le monde, à l’exception des prématurés, est né après neuf (09) mois. Encore que la prématurité ne constitue nullement une infirmité et que la différence n’implique pas une hiérarchie ; d’autre part, le Président Abou Drahamane Sangaré, incarnation de la résistance patriotique qui n’a jamais déserté les idéaux de Justice, de Liberté, d’Egalité et de Dignité, pour se réfugier dans les réseaux alimentaires.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais signaler, d’entrée de jeu, que mon intervention n’est pas une conférence à proprement parler. Il s’agit plutôt d’un ensemble de commentaires que m’inspirent et la cérémonie et les symboles qui l’environnent ou l’accompagnent.
Une question centrale surgit ici : que veut dire, au fait célébrer, ses 25 ans de combat par la plume au service de la patrie ? La question centrale appelle trois questions spécifiques : d’abord, qu’est-ce-que le journalisme, sur quelles valeurs repose-t-il ? Ensuite pourquoi et comment Germain Séhoué est-il devenu une plume au service de la patrie ? Enfin, peut-on soutenir aujourd’hui que Germain Séhoué a eu raison de s’engager au service de la Patrie comme il l’a fait il y a de cela un quart de siècle.
I. Ce qu’est le journalisme. Le dictionnaire Le Petit Larousse définit le journalisme comme étant la profession qu’exercent les journalistes c’est-à-dire “ceux qui sont chargés au sein d’un média, de la collecte, du traitement ou de la présentation des informations“. Je ne parle pas des faits divers, je parle des évènements significatifs, qui engagent l’avenir des individus et des groupes. Car, soit dit en passant, on parle de faits divers lorsqu’il n’y a pas d’enjeux ou de signification quant à l’évolution de la société : quand un chien mort son maître on est dans le registre des faits divers ; mais lorsque c’est le maître qui mort son chien, ce fait est un évènement au sens plénier et journalistique du terme.
Le journalisme peut aussi se définir comme un travail de l’esprit dévoué à l’éveil des consciences des citoyens d’une société donnée, permettant aux individus et aux groupes de suivre, en temps réel et de comprendre le sens de leur histoire commune. Sous ce rapport, le journaliste joue un rôle de dévoilement des dynamiques sociales à l’œuvre dans sa communauté de référence : rapport de pouvoir, rapport d’assujettissement économique, voire de chosification des uns par les autres. Le journaliste est pour la liberté, l’égalité, la fraternité et la dignité, ce que représentent le médecin pour la santé et le soldat pour la sécurité de la Patrie, c’est-à-dire la terre de ses Ancêtres, la terre qui l’a vu naître…
Si l’on prend les choses dans leur ensemble et dans une double perspective anthropologique et historique, on est amené à assurer que le journalisme a toujours existé. En effet, le droit au savoir, le droit à l’information constitue une constante universelle. Et là-dessus, ce ne sont pas les écrits de Dominique Zahan sur La dialectique du verbe chez les Bambara (avec un éclairage saisissant sur l’immunité parolique dont jouit le griot), ni l’œuvre monumentale d’Arnold Hauser sur l’Histoire sociale de l’art et de la littérature (Paris, Editions Le Sycomore, 4 tomes, 1982), qui diront le contraire. Le journalisme prend donc sa source dans le besoin de l’homme de s’informer afin d’agir en toute connaissance de cause.
Mais ce besoin a son contraire : la tendance à occulter, à masquer, à s’illusionner ou à illusionner autrui, afin que le rapport de domination reste statique. Aussi pourrait-on dire qu’il y a journalisme et journalisme. D’un côté, le journalisme de combat pour l’émancipation de l’homme. Ce journalisme-là est un humanisme, un sacerdoce en tant qu’il est le choix de l’insoumission et de la résistance patriotique ; de l’autre côté, le journalisme de connivence qui ruse avec les idéaux déclinés plus haut, au profit des forces de régression. Ce schéma n’a rien de simpliste ou manichéen. En effet, la dialectique enseigne que dans la vie sociale, “ce que chaque individu veut est empêché par chaque autre“ (Friedrich Engels et Karl Marx). D’où la volonté de puissance, de domination et de musèlement et en face de cette tendance, le désir ardent de liberté, de désaliénation et d’affirmation de soi. De quel côté s’est penché le journaliste Germain Séhoué ? Abordons alors l’analyse des facteurs explicatifs de son engagement.
II. Les facteurs explicatifs de l’engagement patriotique de Germain Séhoué. A l’évidence Germain Séhoué s’est engagé du côté des oubliés, des exploités, des humiliés. C’est ce que dit clairement le parcours du journaliste. En effet, Germain Séhoué a travaillé comme journaliste à la Tribune du Banco ; puis au journal Nord Express ; à l’hebdomadaire Le Syndicaliste, au quotidien La Voie (au sens de l’actuel Voie Originale). Il a par la suite travaillé à l’hebdomadaire Nouvel Horizon, au quotidien Le Temps après avoir exercé comme directeur des études à l’Ecole Africaine de Journalisme d’Abidjan. Alors question : pourquoi et comment Germain Séhoué s’est-il rangé au côté de la Patrie, à gauche, plutôt qu’à droite c’est-à-dire au service des forces réactionnaires d’ici et d’ailleurs ?
Pour faire bref, nous dirions que l’engagement de celui que nous célébrons n’est pas une génération spontanée ; il est lié aux pulsions d’une société ivoirienne présentée à l’époque comme un paradis terrestre alors que les Ivoiriens subissaient les affres de la domination néocoloniale. Le contexte était d’autant plus déshumanisant que les Ivoiriens ne se savaient même pas chosifiés étant donné le poids absolu des médias du mensonge ; étant donné la férocité d’une occultation idéologique venant aussi bien du dedans (le système des partis uniques) que du dehors (la Françafrique), les médias français qui ne fonctionnaient pas selon l’éthique enseignée dans les écoles de journalisme.
Pour caractériser le contexte, il faut souligner le fait que de 1960 à 1990, les Ivoiriens ont expérimenté le libéralisme autoritaire d’Houphouët-Boigny qui s’est traduit par des paradoxes tragiques. L’un de ces paradoxes, c’est qu’il y a avait une prospérité économique qui n’a pas empêché le creusement des inégalités sociales et des disparités régionales. Cet état de choses inacceptable, l’opposition d’alors incarnée par le FPI, a décidé de l’enrailler non pas par la violence des armes à feu, mais plutôt par la force des idées et donc de la pensée analytique et critique. Les choses souhaitables ont pour nom idéologique la Refondation avec une série d’orientations programmatiques nommées Socialisme Démocratique ou Révolution Culturelle. Celle-ci ambitionnait notamment de mettre en place une société libre, une société libératrice, une société de libertés, une société riche pour elle-même mais ouverte sur l’extérieur c’est-à-dire sur tous les continents, une société saine, une société dévouée à la justice.
Pour avoir subi directement ou indirectement les atrocités du libéralisme autoritaire sous Houphouët, Germain Séhoué n’a pas hésité un seul instant à prendre le train de la Refondation, une autre façon de voir le monde qui cadre avec les idéaux de démocratie, de liberté et de fraternité, inculqués aux journalistes par des formateurs autant que par les leaders du parti unique et les représentants de la Patrie des Droits de l’Homme. Comme la plupart des journalistes de la Galaxie patriotique, Germain Séhoué s’est engagé corps et âme dans le combat de la "rédignification" de sa Patrie la Côte d’Ivoire, quand il s’est aperçu que la presse occidentale plus particulièrement la presse française n’était qu’un journalisme de combat mais exclusivement engagé au service de la France. En fait une presse du mensonge qui faisait de la restriction mentale pour endormir davantage les Africains alors qu’elle se prétendait objective, sérieuse. Il n’en était rien, absolument rien si l’on en croit Laurent Mauduit, journaliste et co-fondateur de Médiapart, ancien directeur adjoint de la rédaction du Monde, auteur de Main basse sur l’information (Editions Don Quichotte, 2016), faisant deux constats dans son livre.
Premier constat : “Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la liberté et le pluralisme de la presse n’ont à ce point été menacés ; jamais le droit de savoir des citoyens n’a à ce point été malmené. Ce droit était pourtant au fondement de notre démocratie garantie par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen“ (P16).
Deuxième constat : L’auteur dénonce la caporalisation de la quasi-totalité des médias français par les puissances d’argent : « Dans le concert des grandes démocraties, la France a l’une des presses les plus dépendantes des puissances d’argent ; de surcroît c’est l’un des pays où les influences du pouvoir se font le plus sentir » et débouchent sur ce qu’il nomme « la presse de connivence » (p412).
Pierre Rimbert abonde dans le même sens que Laurent Mauduit, en dressant un tableau des organes de presse français aux ordres des puissances d’argent et de l’Elysée. Le tout présente, ici, un « journalisme de marché rongé par des connivences, le panurgisme et la précarité ». Ce sont, (excepté Le Canard Enchaîné et Médiapart) : Le Monde, Canal+, Libération, L’Express, BFM-TV, BFM-Business, RMC, Le Nouvel Observateur, Les Inrocks, Radio Nova, Les Echos, Le Parisien, Valeurs actuelles, Europe 1, Paris-Match, Le Journal du Dimanche, TF1, Le Figaro, Le Point, L’Opinion, France Télévisions, Radio France, etc.
Comme on le voit, Germain Séhoué ne pouvait nullement rester indifférent ou les bras croisés face à une vérité historique, à savoir : l’infériorisation de l’Afrique par les médias étrangers au moment où les pays du Nord chantaient les vertus d’une mondialisation après la chute du mur de Berlin. Situation d’autant moins acceptable que c’est tout le contraire qui était mis en œuvre, c'est-à-dire la mondialisation du mensonge et de l’irresponsabilité.

III. Un quart de siècle après, Germain Séhoué est-il toujours dans la vérité historique lui permettant de poursuivre la résistance patriotique par la plume ?
Là-dessus, notre réponse est affirmative pour trois raisons simples : d’abord, l’état des choses jugé inacceptable au début de la décennie 1990 s’est considérablement dégradé. Ensuite, ceux qui vilipendent le régime ne sont pas de la galaxie patriotique, ce sont plutôt des institutions extérieures telles que certaines ONG internationales, des analystes extérieurs, de plus en plus de médias occidentaux, ainsi que certaines institutions politiques du Nord. Enfin, « A plaie non guérie, remède infini ». Autrement dit, les problèmes s’étant accentués dans la longue durée, il n’y a pas de raison que la sentinelle baisse la garde.
S’agissant de la dégradation exponentielle de l’état des choses, il sied de noter le constat général selon lequel la situation actuelle est pire qu’autrefois : "Gbagbo kafisa " (= Gbagbo était meilleur). Et ce slogan ivoirien est de plus en plus repris par des observateurs extérieurs dont on ne peut dire qu’ils ont une certaine sympathie pour le régime de la Refondation.
Par ailleurs, au nombre des acteurs extérieurs défavorables à la gouvernance RHDP, on note l’ONG internationale HRW (mai 2014, in LG Info N°732 du 12 mai 2014, p10), l’IHEJ (Hélène Calame, chargée de mission de l’IHEJ in La CDVR, une belle coquille vide ?), des médias français dont Libération (in Le Temps n°4019, du 28 février 2017). A cela, s’ajoute le dernier rapport de la Commission des Affaires Etrangères du Parlement français sur la Côte d’Ivoire (Le rapport, février 2017).
Qui mieux que les journalistes africains aidera l’Afrique à se redresser ? C’est au regard de la justesse de ce questionnement et l’exemplarité du combat de Germain Séhoué et ses confrères, que l’opinion nationale rend hommage à ces derniers. A titre illustratif, soulignons que Germain Séhoué est considéré aujourd’hui comme "une plume sacrée". En effet, de l’analyse ses échanges téléphoniques avec des lecteurs, on note une fierté et une satisfaction générale.
Premier correspondant (voix masculine) : « Je vous remercie d’avoir battu en brèche l’information mensongère et tendancieuse de RFI. Vous voyez, ces gens-là ont des missions »
Deuxième correspondant (voix masculine) : « Vraiment je suis fier de vous. Chaque fois que je lis le journal et que je vois vos articles, je les lis avec passion. Et cela apaise mon cœur parce que je suis de l’Ouest, mes parents sont morts. J’ai tellement perdu que depuis le 11 avril 2011, je ne crois même plus au Seigneur Jésus. Je ne vais même plus à l’église, c'est-à-dire je suis meurtri. Et quand je lis vos écris vraiment ma peine est apaisée un peu (…) Ils ne pourront pas vous arrêter parce que vous dites la vérité. Ma femme est européenne donc je sais de quoi je parle. Vous dites la vérité et ils le savent. Continuez comme cela ».
Troisième correspondant (voix masculine) : « Ce combat-là, on doit le mener. Il ne s’agit pas de rester dans les salons pour parler ou se taire. J’étais au Nord, ensuite je me suis déplacé. Je suis de l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Mon village est détruit. Mes parents sont morts. En tout cas je vous félicite Monsieur Germain ».
Quatrième correspondant (Voix féminine) : « Oooh ! C’est pour vous féliciter Monsieur Germain Séhoué. C’est pour vous féliciter pour vos écrits »
Mais, on note aussi des avis contraires face au combat de Germain Séhoué ; avis que l’on doit considérer, ici, comme des louanges dans la mesure où ils relèvent de la passion, ne reposant sur aucun argument.
Premier correspondant hostile (Voix féminine) : « Ecoutez, vous êtes un salaud ! Une pourriture ! (…) vous croyez que ce sont vos conories que vous écrivez, qui vont faire partir le Président Ouattara ! Vous n’êtes qu’un idiot ! Un imbécile ! Un salaud »
Deuxième correspondant hostile (Voix féminine): « C’est vous Monsieur Séhoué ? Vous vous prenez pour qui ? Vous écrivez du n’importe quoi dans les journaux ! Pauvre type ! Vous vous prenez pour qui ? Vous pensez que vous êtes un journaliste ? Pauvre type ! »
Troisième correspondant hostile (Voix masculine) : « C’est Monsieur Séhoué ? C’est vous qui soutenez le dictateur là ? (…) Vous ne me plaisez pas avec vos menaces [vos écrits] ».
Honneur et gloire à Germain Séhoué qui a trouvé déshonorant et inacceptable d’entendre les moutons de Panurge médiatiques d’ici et d’ailleurs, affirmer que "c’est la pluie qui tombe sur le peuple de Côte d’Ivoire alors qu’ils pissent sur lui".
Nous lui rendons hommage parce qu’il a remporté tous les combats engagés contre les imposteurs de tout bord et autres ennemis de la vérité. Très tôt, au journalisme voyou et d’agression dicté par la boulimie néolibérale, il a opposé, sans concession, le journalisme de résistance réfléchie, c’est-à-dire adossé aux valeurs politiques et éthiques telles que proclamées par l’ONU et enseignées dans les Instituts de presse et de sciences de l’information.
Honneur et gloire à Germain Séhoué qui a préféré la dignité à l’esclavage intellectuel et au confort matériel.
Pour conclure, disons que l’un des aspects du grand mérite de Germain Séhoué, n’est pas seulement qu’il a mené le combat patriotique d’hier à aujourd’hui; le mérite, c’est d’avoir révélé, sur la place publique, pourquoi, comment il l’a mené et avec quels résultats. D’un point de vue pédagogique, ce travail de socialisation politique mérite d’être poursuivi par d’autres acteurs issus d’autres milieux professionnels.

Par Professeur F. Dédy Seri

Socio-anthropologue, Université F.H.B de Cocody, Président honoraire de la Société Nationale Ivoirienne de Gériatrie et Gérontologie (SNIGG), Président honoraire de l’Association Panafricaine d’Anthropologie (APA), Conférence prononcée le 1er Mars à la Maison de la Presse, Abidjan-Plateau.