Assoa Adou (Sg Fpi de Gbagbo) dévoile : « L'alliance avec le Rdr est possible si... »

Par LINTER - Assoa Adou (Sg Fpi de Gbagbo) dévoile « L'alliance avec le Rdr est possible si nous nous joignons sur ce qu'il faut faire de bien pour les Ivoiriens.»

L'ex-ministre des Eaux et Forêts et secrétaire général du Front populaire ivoirien (Fpi camp Gbagbo), Assoa Adou, était l'invité de Denise Epoté sur la chaîne de télévision française Tv5, dans le cadre de l'émission « Et si », diffusée le dimanche 31 mars 2019. M. Adou a répondu à plusieurs questions d'actualité dont celle de la réconciliation.

Fidèle de Laurent Gbagbo, compagnon du Fpi, à qui vous avez rendu visite récemment. Comment va t-il ?

Il va très bien. Physiquement, intellectuellement et psychiquement, il va très bien

Il tenait, avant tout, à ce que son honneur soit sauf. Donc l'acquittement est un réel motif de satisfaction ?

Ah oui ! Et aussi pour tous les Ivoiriens parce que voici un monsieur qui n'a rien fait mais qu'on accuse de tout. On l'a traité même d'Hitler africain et voilà qu'après huit ans de procès injuste, les témoins à charge, 82, qu'on a amenés, l'ont lavé de tout soupçon.

Malgré tout, il y a eu une crise post-électorale qui a fait de nombreux morts. Quelle leçon tire-t-il de cette crise post-électorale ?

Laurent Gbagbo, depuis qu'il a commencé à faire de la politique, a toujours dit : « moi, je fais la politique par la voie pacifique ». C'est-à-dire qu'il faut convaincre celui qui ne veut pas être avec toi au lieu de le soumettre, et il a une phrase célèbre en Côte d'Ivoire : « asseyons-nous et discutons !».

Il y a quand même des responsables de cette crise post-électorale ?

Ah oui ! Mais vous voyez, en septembre 2002, qui a attaqué ? Qui a tué le ministre de l’Intérieur, Boga Doudou ? Qui a tué plus de 300 personnes ce jour-là ? Ce sont des hordes venant du nord de la Côte d'Ivoire, des pays voisins, qui ont envahi le pays. Et Laurent Gbagbo a déployé tout ce qu'il fallait (...) il était en Italie. Le président Chirac lui a demandé de venir en France. Il a dit : « non, mon pays est en guerre, il faut que j'aille à Abidjan ». Il est parti à Abidjan. Il a appelé les uns et les autres à déposer les armes et à négocier. Il a fait toutes les capitales de l'Afrique de l'Ouest : Lomé, Accra...pour que la paix revienne.

2010 alors, à qui incombent les victimes de cette crise post-électorale ?

2010, on a fini les élections. Le Conseil constitutionnel, comme dans tout pays organisé, déclare Laurent Gbagbo vainqueur. Ses adversaires refusent et déclenchent les hostilités. Voici comment ça commencé.

En 2020, se profile l’élection présidentielle. Les acteurs sont les mêmes. Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo s'il revient en Côte d'Ivoire. Est-ce que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets et comment éviter d'en arriver là ?

Pour nous, Laurent Gbagbo doit revenir en Côte d'Ivoire. Il n'a plus rien à faire à l’extérieur du pays parce qu'il a été acquitté. Mais je vous dirai qu'en homme prévoyant, il a pris les devants. J'ai l'ai vu en décembre 2018 et avant que je ne parte en Côte d'Ivoire, le tribunal ne l'avait pas encore acquitté. Il a dit : « il faut que mon parti se mobilise pour que la Côte d'Ivoire retrouve la paix ». Il faut faire la réconciliation.

Par quoi passe cette réconciliation ?

Pour cette réconciliation, nous avons déjà commencé à faire une campagne d'information et de sensibilisation. On a rencontré les chefs religieux sans distinction, chrétiens, musulmans et autres pour leur dire : Laurent Gbagbo nous a chargé de vous dire que la Côte d'Ivoire a, aujourd'hui, un besoin énorme. Ce ne sont pas les élections, c'est d'abord la réconciliation. Il faut que les Ivoiriens s'entendent. Si on reste ainsi, et qu'on va vers les élections, on ne sait jamais parce qu'on a vu des élections locales, c'est-à-dire municipales et régionales qui se sont déroulées à Abobo gare. On a eu des morts. À Port Bouet, à Grand-Bassam, on ne peut pas rester dans cette situation. On ne peut pas faire la politique de l’autruche et dire que rien ne se passe alors que tout le monde sait que ça ne va pas. Donc aujourd'hui, le Front populaire ivoirien, sur instruction de Laurent Gbagbo, se mobilise pour que la réconciliation soit faite. Nous allons rencontrer tout le monde. Nous allons rencontrer le Pdci, nous allons rencontrer le Rdr. Dès mon retour, il (Laurent Gbagbo, ndlr) m'a dit d'écrire à tous les responsables de ces partis pour dire que le Fpi veut les rencontrer pour discuter.

Et qu'est-ce que vous proposez concrètement ?

Ce que nous proposons en tant que médecin, c'est de faire le vrai diagnostic. Pourquoi dans ce pays de paix, ce pays qui a accueilli des réfugiés de toute la région et même du Moyen orient- pendant la guerre du Liban, nous avons accueilli près de 300 000 Libanais- un matin, des Ivoiriens se lèvent, prennent des machettes, des fusils pour tuer leurs voisins parce qu'ils ne sont pas d'accord ? Il faut faire ce diagnostic à partir de là, comme on sait le faire en Afrique, c'est l’arbre à palabres.

Et la Commission vérité réconciliation ?

A peu près comme l'Afrique du Sud. On souhaite que les autres acceptent qu'on aille vers ça pour que le pays s'engage enfin sur la voie du développement.

Le président Alassane Ouattara a procédé à l'amnistie de plusieurs prisonniers et de plusieurs condamnés au mois d’août dernier, est-ce que ce n’était pas déjà une main tendue et une manière d'entamer les négociations en vue d'une réconciliation entre Ivoiriens ?

De toutes les façons, c'est celui qui dirige un État qui prend les devants. Comme on le dit chez nous, c'est le chef, c'est le roi qui décide d'amener la paix. Donc ce qu'il a fait, il doit le parachever. Aujourd'hui, nous avons des militaires qui sont en prison, nous avons encore des réfugiés qui sont au Liberia, au Ghana et autres qui ne sont pas sûrs que la paix est là.

Quelles garanties attendent-ils ?

Ce qu'ils attendent, tout le monde le dit et j'ai été heureux hier de le lire dans un journal qui n'est pas un journal du Fpi. Un chef de la communauté baoulé de Côte d'Ivoire dit : nous attendons tous Laurent Gbagbo pour que la paix revienne en Côte d'Ivoire.

Le retour de Laurent Gbagbo est une des conditions à ce début de réconciliation avec tous les partenaires politiques ?

C'est un élément important pour que tous les Ivoiriens quels qu'ils soient, s'asseyent et discutent. Parce qu'aujourd'hui, que tu sois militant Fpi, sympathisant Rdr, Pdci ou Soro ou tout ce que vous voulez, tout le monde dit attendre le retour de Gbagbo.

Et qu'est-ce qu'il faut comme garantie pour que Laurent Gbagbo revienne en Côte d'Ivoire ?

Je pense que c'est l'engagement des autres leaders. C'est l'engagement de M. Ouattara, c'est l'engagement de M. Bédié, c'est l'engagement de M. Soro, qui lui dit déjà : il faut que Gbagbo revienne.

Qui a d'ailleurs dit qu'il était prêt à lui demander pardon ?

Le week-end dernier, ils ont fait une émission sur Rfi. Leurs partisans ont dit qu'ils sont favorables à son retour. C'est ce que nous attendons. Que toute la Côte d'Ivoire dise : la Cpi reconnaît qu'on l'a accusé injustement. Il faut qu'il revienne au pays.

Depuis 2011, le Fpi a boycotté tous les scrutins. 2020 marquera-t-il le retour de ce parti dans le jeu politique ?

D'abord, nous sommes dans le jeu politique parce que comme je le dis toujours : dire non à une situation injuste, c'est déjà faire de la politique. Mais en 2020, nous serons là.

Avec qui pour porter les couleurs du parti ?

Lorsque nous aurons fini de réconcilier les Ivoiriens, nos militants choisiront leur candidat.

Pour remporter la présidentielle, les alliances sont inévitables, alors qui du Pdci ou du Rdr, sera l'allié du Fpi demain ?

Mais le Pdci, le Rdr comme Soro, ils étaient tous ensemble pour faire la guerre au Fpi. Aujourd’hui, nous demandons aux trois, de ramener la paix totale au pays. Et une fois que la paix sera faite, chacun va présenter son programme. Si le programme de l'un d'entre eux est proche des Ivoiriens, notre programme est le bonheur des Ivoiriens, la prospérité.

Dans tous les partis, c'est la même chose ?

Non, parce qu'aujourd'hui, on nous dit que c'est l’émergence. Mais moi, je dis que c'est plutôt l'immersion. La Côte d'Ivoire est précipitée dans un trou sans fond. On vient de privatiser les Chu. L'école qu'on disait pour tous, d'après une étude allemande, l'école secondaire est presque privatisée, le supérieur n'en parlons pas ! Donc, la situation n'est pas du tout rose en Côte d'Ivoire aujourd'hui.

Il y a quelques années, le Rdr a été un allié du Fpi dans le cadre du front républicain. Est-ce que cette alliance est encore possible aujourd'hui ?

Mais le Rdr a été plus que ça parce que c'est Laurent Gbagbo qui, avec son ami Djéni Kobena (paix à son âme!), a écrit les statuts et règlement intérieur du Rdr. Pourquoi ? Parce que Laurent Gbagbo considère que c'est la confrontation des idées qui fait avancer le pays. Donc Djéni, qui était un démocrate, mais pas un homme de gauche, voulait créer un parti centriste, Gbagbo l'a aidé avec ses camarades. Il est toujours dans cette disposition d'esprit.

Vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que l'alliance est encore possible ?

L'alliance est possible si nous nous joignons sur ce qu'il faut faire de bien pour les Ivoiriens. Et c'est à partir d'un programme, c'est à partir de ce qu'on dit. Or, aujourd'hui les propos qu'on entend de ces trois groupes, vraiment, on a peur.

Et qu'est-ce qui fait peur ?

La violence des propos. Au lieu d'aller vers l'apaisement, chacun accuse l'autre et chacun menace, ce n'est pas ça ramener la paix en Côte d'Ivoire.

En parlant des élections de 2020, la Cour africaine des droits de l'Homme a relevé le déséquilibre qu'il y avait dans la Cei : 8 personnes pour le pouvoir contre 4 pour l'opposition. Est-ce que cette réforme de la Cei est un préalable à la tenue de la présidentielle en 2020 pour vous au Fpi ?

C'est un élément incontournable et c'est malheureux que dès le départ en janvier, le Premier ministre M. Gon Coulibaly a convoqué des partis politiques pour, dire-t-on, engager le dialogue et curieusement il évite d'inviter le Fpi. Nous disons que c'est déjà mal parti et le Pdci n'a pas manqué de dénoncer. Nous-mêmes, Fpi, avons dénoncé. Ce que nous leur demandons, c'est d'accepter qu'on ait une structure véritablement indépendante et souveraine. Nous avons un pays voisin, le Ghana qui fait des élections. Parfois les discussions sont chaudes, on conteste les résultats mais ils ont une structure qui fait les élections et veille à ce que les troubles ne viennent pas au Ghana. On peut les copier, on peut demander conseil pour qu'ils nous montrent comment ils font.

Le Fpi a connu une scission avec une tendance Abou Drahamane Sangaré et une tendance Affi N'guessan. Aujourd’hui, qui est le vrai patron du Fpi et peut-on imaginer une réconciliation au Fpi avec le retour de Laurent Gbagbo ?

Le vrai patron du Fpi, c'est Laurent Gbagbo après qu'Affi N'guessan ait changé d'orientation politique je dirai ainsi.

Comment ?

Mais parce qu'Affi N'guessan ne croyait plus à la lutte, il ne croyait plus que le Fpi pouvait faire triompher ses points de vue. Il ne croyait plus que Laurent Gbagbo reviendrait. Mais ceux qui ont cru et tenu la barre, aujourd'hui, ils sont sur la voie de gagner. Donc les camarades du Fpi sont toujours disposés si nous disons que nous voulons faire la paix en Côte d'Ivoire, on peut faire la paix avec nos camarades qui se sont trompés pourvu qu'ils reconnaissent qu'ils se sont trompés, qu'ils reconnaissent que c'est Laurent Gbagbo qui est le président du Fpi.

Donc le Fpi unifié est encore possible ?

Si, tout est possible en politique. On ne dit jamais : « jamais !».

Propos retranscrits par Venance KOKORA