Anaky Kobenan depuis Paris : « Bedié et Ouattara ont braqué le Rhdp»

Par La Tribune ivoirienne - Anaky Kobenan depuis Paris « Bedié et Ouattara ont braqué le Rhdp».

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Anaky Kobenan Innocent, président du MFA.

Anaky Kobenan Innocent, président du mouvement des forces d’avenir (MFA), actuellement en France en visite privée, a donné une interview à nos confrères de la Tribune ivoirienne dans laquelle il affirme que Konan Bedié et Alassane Ouattara ont braqué le RHDP (rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix). Nous vous livrons l’intégralité de l’interview.
Mireille (Mimi) Kouamé

Question 1 : Mr. Anaky Kobena, Président du MFA, pouvez-vous nous dire si votre parti est encore membre du RHDP ou pas ?

Réponse : Le MFA a officiellement mis fin à sa participation ou à son appartenance à l’alliance politique RHDP par décision d’un bureau politique qui s’est tenu le …… au siège du parti à Abidjan. La direction du MFA en a informé par courrier Monsieur Henri Konan Bédié, Président du Praesidium du RHDP. La chose a été largement médiatisée en son temps.

Question 2 : Et pourtant, vous, Mr. Anaky Kobena, êtes considéré comme l’un des plus zélés pères fondateurs du RHDP ; TRIBUNE Ivoirienne, pour ses lecteurs, peut-il avoir une explication succinte sur les désaccords qui ont conduit au divorce ?

Réponse : Epargnons nous de refaire l’historique de la naissance du RHDP, et ne retenons que le contexte socio-politique très tendu et plein de dangers qui a prévalu en Côte d’Ivoire de 2002 à 2005.
Le RHDP est né de le peine de quelques leaders politiques Ivoiriens attachés à leur pays, et un peu idéalistes, qui ont conçu un projet noble et généreux, portant une véritable renaissance de la Côte d’Ivoire et de ses filles et fils, dans leur esprit, leur perception de leur pays et leur engagement à se mettre ensemble pour le porter haut en prenant tout le monde en compte.
Pour le malheur des militants des partis politiques signataires au RHDP, MFA, PDCI, RDR et UDPCI, et forcément au grand dam de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, ce projet, dont au départ ni Bédié ni Ouattara ne voulaient, en raison de la haine et de la rancœur qu’ils nourrissaient l’un à l’égard de l’autre, et de la hantise que le projet ne profite plus à l’autre qu’à soi, eh bien, ce beau projet RHDP a été « braqué et confisqué » par Bédié et Ouattara, chacun avec le projet secret de le mettre au service de son ambition politique ; mais ils ont pactisé pour en faire leur chose, objet de domination totale sur les cadres et militants des quatre partis.

Question 3 : Mais le RHDP est une alliance politique qui fonctionne officiellement et au grand jour ! Elle vient d’ailleurs de remporter deux élections présidentielles, celle de 2010 et celle de 2015 ! N’est-ce pas la preuve qu’elle marche ?

Réponse : Mais justement, qu’entendez- vous par alliance politique, qu’est-ce qu’un accord entre partis politiques aujourd’hui ?
Le RHDP n’a fonctionné comme alliance politique au sens moderne du terme que lorsqu’il était dans l’opposition, de 2005 à 2010. Mais dès la Présidentielle 2010 et après le 11 avril 2011 et la prise de pouvoir effective par Ouattara, il n’y a plus eu de RHDP ; son Directoire, une véritable réussite d’organisation du travail politique en communauté, rarissime en Afrique, n’a plus été sollicité ou même convoqué pendant près de deux ans !
Bédié et Ouattara se sont empressés de vassaliser les autres partis de l’alliance, avec comme froid dessein de les faire disparaître en les phagocytant soit dans le PDCI ou le RDR, soit dans un parti unifié où ils ne seront même pas la millième roue du carrosse ! il ne restait aux leaders du MFA et de l’UDPCI d’autre alternative que d’aller grossir la cohorte de courtisans, laudateurs et « bons petits » autour de Bédié et Ouattara. Mais le plus important est de constater et retenir que pour Ouattara et Bédié, les partis politiques, et surtout leurs partis politiques respectifs, le RDR et le PDCI, ne sont que des agglomérats d’individus en permanence au garde à vous et aux ordres, uniquement destinés à être des éléments et organes d’exécution de leurs ambitions ou projets politiques personnels. Tout le monde sait que Bédié a lancé l’appel de Daoukro sans en parler à qui que ce soit au PDCI ; et, au RDR, ce n’est pas sûr que le Président du Parti, Alassane Ouattara, puisse trouver le siège de la Rue Lepic tout seul, car il n’y a pratiquement jamais mis les pieds !
Où y a-t-il échange, où y a-t-il débat d’idées, comme dans tout parti politique moderne ?

Question 4 : Donc, pour vous Mr. Anaky, le PDCI et le RDR ne sont pas des partis démocratiques, et Ouattara et Bédié seraient donc des dictateurs ?

Reponse : Tout à fait. Et pour que cela soit clair pour tout le monde, je préciserai que Bédié se considère comme un monarque Akan dans la tradition des 17em ou 18em siècle, et Ouattara campe parfaitement le grand Empereur venu de nord pour tout conquérir et tout soumettre qu’Hamed Bakayoko a célébrer lors de la cérémonie de Séguéla le ……… 2015 !
Anaky Kobena est devenu non grata au RHDP et on a décidé de l’éteindre depuis le jour, en février 2015, ou il a fait savoir qu’avant que le MFA ne débatte d’un éventuel soutien à la candidature unique de Ouattara à la présidentiel, il s’imposait que le quatre partis politiques signataires de l’alliance se retrouvent en conclave pour analyser le bilan de la gouvernance Ouattara de 2010 à 2015 et en tirer des directives.
C’est cela la démocratie, c’est cela un véritable partenariat politique, car les partis politiques sont constitués d’abord pour défendre le pays et ses populations, pas pour obtenir des portefeuilles ministériels à tout prix !
Je n’imagine pas la politique autrement !

Question 5 : Mais si le MFA dont êtes président est parti du RHDP, qu’en est-il de ce MFA présidé par Moutaye et qui se réclame du RHDP et fait allégeance à Ouattara et Bédié ?

Réponse : Un Congrès extraordinaire bidon et totalement illégal en regard des textes du parti a été commandité, financé et organisé par Ouattara et Bédié le 12 avril 2015. Leur souci était de présenter la candidature de Ouattara à la Présidentielle sous un label RHDP au grand complet. Jusqu’à ce jour et en dépit de leurs déclarations, les leaders de ce MFA virtuel ne nous ont remis aucun document les installant comme MFA. Nous les avons assignés au Tribunal de 1ère instance d’Abidjan pour faux et usage de faux, et pour qu’il leur soit fait interdiction d’utiliser le nom, les couleurs et le logo du MFA.
Cette dissidence du MFA n’est en fait qu’un moyen du pouvoir pour nous museler et nous écarter du jeu politique. Nous n’en tenons pas compte et continuons notre travail de formation politique d’opposition.

Question 6 : Alors que vous avez claqué la porte du RHDP, le PDCI et le RDR sont en profond désaccord sur deux points saillants : l’alternance en faveur du PDCI en 2020 et le nom du parti unifié. Quel est votre commentaire sur cette guéguerre qui menace la stabilité du pays ?

Réponse : Normalement, en tant que parti de l’opposition, nous devrions boire la nouvelle de dissensions entre le RDR et le PDCI comme du petit lait !
Mais, ce n’est pas le cas, car comme vous le dites-vous-même, ce conflit peut constituer un péril pour le pays.
Pour ce qui est du nom du parti unifié comme de l’alternance en 2020 nous assistons à un gigantesque poker menteur entre Ouattara et Bédié qui, dans tous les cas, ne se feront plus la guerre.
Ouattara a arraché son second mandat, et ne s’intéresse pas à ces joutes ; tout le monde aura d’ailleurs remarqué qu’il observe un mutisme troublant depuis que le mercure monte.
Bédié, lui, est condamné à faire non-stop du trapèze sans filet avec les dignitaires et responsables du PDCI dans l’espoir de différer l’inévitable fauteuil blanc où il devra expliquer pourquoi il a pris sur lui seul de sacrifier le retour du PDCI au pouvoir sans contrepartie politique évidente à ce jour.
Mais, en vérité, et pour en venir à ce qui intéresse vraiment les Ivoiriens, le salut de la Côte d’Ivoire, qui continue de souffrir de tout son être, ne pourra venir que d’une réaction de l’opposition démocratique vraie, à la seule condition qu’elle puisse arrêter la stratégie idoine pour être la voix du peuple aux élections générales de fin 2016 et être ainsi armée pour une victoire et un changement de régime 2020.

Question 7 : Justement, comment se porte l’opposition Ivoirienne ?
Réponse : Il faut avoir l’honnêteté de reconnaitre qu’elle a été durement combattue par la dictature en place qui ne lui laisse aucun répit.
Mais cette opposition reste debout et continue de lutter car elle sait que le soutien du peuple lui est acquis.
Il ne faut pas se focaliser sur l’échec de l’initiative Coalition National Pour le Changement (CNC) au moment de la dernière présidentielle ; le temps, l’organisation et les moyens ne pouvaient pas être à la hauteur de l’enjeu.
Il importe que dès février 2016, soit 9 mois avant les élections générales les partis politique de l’opposition se mettent au travail sur le terrain, pour remotiver et remobiliser leur bases, et ensuite ils arrivent à trouver des formules de consensus pour arracher le maximum de sièges de députés et de maires à l’alliance RHDP dont l’implosion ne peut que s’aggraver.
Déjà, dès mars ou avril 2016, cette opposition doit déjà, dans le cadre de sa nouvelle plateforme collective, interpeler le pouvoir Ouattara sur l’important sujet du cadre et des textes à réunir pour des élections justes et démocratiques. Le pouvoir Ouattara ne pourra pas se dérober indéfiniment devant ce qui est un minimum de règle démocratique.
Nous nous devons, leaders et partis de l’opposition, de redonner espoir au peuple de Côte d’ivoire.
Non à la résignation, non au défaitisme !

Question 8 : Le procès de Gbagbo vient de s’ouvrir à La Haye. Votre commentaire ?
Réponse : Merci. Comme j’ai eu à le déclarer récemment, le problème de la présence de Laurent GBAGBO a désormais revêtu une nouvelle dimension. Tout d’abord, il s’agit d’une affaire de justice et d’équité. L’on l’a gardé 4 années en détention, en refusant la libération provisoire, alors que le long temps mis à constituer le dossier d’accusation n’est pas de son fait. C’est une simple question de droit et de liberté dont tout citoyen doit bénéficier.
Secondo, il y a la gêne et même l’indisposition créées par le fait que pour les mêmes catégories de délits, il y a de toute évidence une justice à deux vitesses, puisque Ouattara ne peut pas prendre le risque de provoquer une rébellion interne en acceptant de transférer des Comzones à la Haye, ou même en faisant juger de manière sérieuse et crédible certains criminels de son camp par les tribunaux ivoiriens ; L’on a vu dans le passé que lorsqu’ils arrivent au Tribunal, c’est comme à la parade ; ils sont tout sourire, et ils repartent toujours guillerets. Sous Ouattara comme chef de l’état, aucun tribunal en Côte d’Ivoire ne jugera sérieusement et ne condamnera un comzone ou assimilé ; et cela, tout le monde le sait !
Ici encore, c’est le simple principe universel de justice et d’égalité devant le droit qui nous interpelle tous.
Tertio, il y a désormais une grande vague de remise en cause de la CPI dans son concept et ses fondements, car il semble être trop fait sur mesure contre les dirigeants du Sud, ce qui est inacceptable et intolérable. Et dans cette campagne contre la CPI, le cas du détenu Laurent Gbagbo, ancien Chef d’Etat, est le plus emblématique. Désormais, l’Afrique se sent de plus en plus interpelée dans sa dignité et dans sa présence vis-à-vis des autres continents et peuples.
Lorsque vous intégrez tout cela, toutes les considérations politiques ou litiges de personnes du passé s’effondrent.
Ce sont désormais tous les Ivoiriens qui doivent se mobiliser et militer avec vigueur pour faire arrêter le procès Gbagbo tel qu’il a été engagé à ce jour.
Je puis vous assurer que le MFA s’inscrit totalement dans cette ligne, car c’est un parti de vérité et de justice. Il va bientôt faire des propositions en ce sens.

Source: La Tribune ivoirienne