Alphonse Douati, secrétaire général du FPI: "Le FPI exige l’annulation de l’augmentation du prix de l’électricité et porte plainte contre le régime Ouattara"

Par Ivoirebusiness - Alphonse Douati, secrétaire général du FPI "Le FPI exige l’annulation pure et simple de l’augmentation du prix de l’électricité et juge inique et inopportune la réforme constitutionnelle en cours, et demande au peuple de s'y s’opposer par tous moyens légaux". "Le FPI décide de porter plainte contre le gouvernement Ouattara".

Conférence de presse du FPI sur la situation politique en Côte d'Ivoire, le 02 août 2016 à Abidjan.

CONFERENCE DE PRESSE DU FPI sur la situation politique en Côte d'Ivoire, le 02 Août 2016 à Abidjan
Texte intégral de la déclaration liminaire d'Alphonse Douati, secrétaire général du parti de Laurent Gbagbo

A l’instar de toute la Côte d’Ivoire, le FPI est témoin depuis bientôt 3 semaines d’une situation sociale très tendue, particulièrement à l’Université de Cocody et dans le secteur de l’électricité. Il est surtout témoin de la colère généralisée de la population du fait de la cherté excessive du coût de la vie. Si la situation universitaire s’inscrit désormais dans un cycle infernal de mécontentement-répression entretenu par le pouvoir, après l’échec du soit disant « départ nouveau » à l’université, les contestations par la population de l’incapacité du gouvernement Ouattara à assurer aux ivoiriens un minimum vital, a fortement dégénéré ces derniers jours. De quoi s’agit-il ? Quelle analyse cette situation nous inspire et ce qu’en pense le FPI ? Ce sont les interrogations que nous allons aborder au cours de la présente rencontre.

I- Les faits

Pour comprendre la crise de l’électricité, il est bon de remonter à la célébration de la fête du travail du 1er mai 2016. Suite aux doléances et mises en garde de tous les syndicats des travailleurs, parlant d’une même voix, il a été demandé au gouvernement de revenir sur les décisions relatives à l’augmentation du coût de l’électricité et subsidiairement celui de l’eau. Les syndicats ont fustigé, à l’occasion, l’augmentation générale du coût de la vie et notamment celui des

denrées de première nécessité. Ils sont revenus sur le pouvoir d’achat des ménages qui s’étiole de jour en jour.

Le Chef de l’Etat, en réponse au ras-le-bol des travailleurs a promis d’annuler les différentes décisions d’augmentations qu’il a imputées à une mauvaise application des mesures gouvernementales ; mesures, selon lui, prises par la CIE à son insu. Mieux, Alassane Ouattara, a même promis le remboursement du trop-perçu sur les factures de l’électricité.

C’est alors que la CIE a entrepris d’engager un semblant d’exécution des promesses du chef de l’Etat. Contre toute attente et contre tout bon sens, le résultat final de ce processus sera l’émission de deux nouvelles factures de montant généralement supérieur aux précédents et in fine une hausse démesurée et incompréhensible du coût de l’électricité.

Les populations ne pouvant admettre plus longtemps ce qui est malicieusement présenté par le pouvoir comme une résistance de la CIE aux instructions de l’Etat, ont extériorisé leurs atroces souffrances par des manifestations.

Ces violentes manifestations ont embrasé plusieurs villes de l’intérieur, notamment Bouaké, Daloa, Korhogo et Yamoussoukro, pour ne citer que ces principales villes. Le bilan officiel communiqué par le gouvernement lors du Conseil des Ministres du mercredi 27 juillet 2016 s’établit comme suit : un (1) mort, douze (12) blessés dont trois (3) militaires et neuf (9) manifestants, pillage et incendie des représentations locales de la CIE et des bâtiments administratifs, quarante et une (41) interpellations. La presse internationale rapporte la disparition d’armes de guerre et des treillis qui auraient été emportés par des manifestants ainsi que le pillage d’établissements financiers.

Face à l’exaspération de la population pour l’augmentation exagérée du coût d’électricité, le gouvernement a réagi par le déploiement disproportionné des forces de sécurité et de l’armée en mobilisant un contingent de près de 8000 hommes composé de plusieurs unités de police, de gendarmerie et de FRCI.
Le Directeur Général Adjoint de la police nationale, annonce et je cite : « Ces unités d’intervention, outre la sécurité, lutteront contre l’incivisme des populations (…) ». Il ajoute que des petits commerces seront à nouveau détruits aux abords des rues et que les mouvements de véhicules privés de transport commun (les gbakas) seront limités. Il qualifie ce déploiement armé d’opération de « sécurisation des vacances scolaires ». Pour obtenir une certaine accalmie, le gouvernement actionne la CIE qui, se substituant indûment aux autorités politiques, annonce la suspension de ces mesures sans les annuler et sans

indiquer le temps de ladite suspension. Ce qui, pour nous, ressemble à une stratégie de recul pour mieux sauter.
Que dire de ces manifestations et de la réaction du gouvernement ?

II- Nos analyses

Pour le FPI, la tension créée autour du coût de l’électricité s’analyse comme un acte délibéré du gouvernement Ouattara et une provocation de trop de la population déjà essorée par la mauvaise gouvernance, l’incompétence et l’affairisme des tenants du pouvoir actuel. En cela, Alassane Ouattara et son gouvernement sont les seuls responsables des manifestations et des conséquences désastreuses qui en découlent. Cette responsabilité se situe à deux niveaux au moins.
D’abord sur les faits, le FPI ne peut comprendre ni accepter que dans un Etat, une société aussi puissante soit elle s’arroge le droit de prendre des mesures aux conséquences sociales explosives et les appliquer à l’insu des pouvoirs publics comme ceux-ci le prétendent. En réalité, la CIE n’est qu’un alibi pour camoufler des actes de mauvaise gouvernance dont le régime RDR détient le record depuis son brutal avènement à la tête du pays. Pour imager, la CIE n’est que la main dont le gouvernement voulait se servir pour sortir le serpent du terrier. Dans ces conditions, la main est mordue et le venin et la douleur se propagent dans tout le corps, en l’occurrence ici tout le corps social est atteint. Il est irresponsable et lâche de la part des gouvernants de déporter sur la CIE, société concessionnaire, l’augmentation actuelle du coût de l’électricité. En effet, les ivoiriens et le FPI avec, se souviennent que cette augmentation a été actée il y a un long moment au Conseil des Ministres tenu à Odienné le 20 mai 2015 à l’occasion d’une visite d’Etat dans le Kabadougou. Les motivations ont été abondamment commentées avec le zèle qu’on lui connait par le porte-parole du gouvernement. Dès lors, c’est se moquer des populations que d’accuser la CIE d’avoir pris ou exécuté des augmentations de prix à l’insu du Chef de l’Exécutif. Que le gouvernement se montre courageux et assume son forfait. Plus grave, un arrêté interministériel a été signé le 20 juin 2016 à cet effet par trois (3) ministres de la République (Energie, Budget et Finance) c'est-à-dire seulement trois (3) semaines après la promesse faite par Alassane Ouattara, le 1er mai, de ne pas augmenter le coût de l’électricité. Dès lors, le FPI ne peut que s’indigner d’une telle roublardise du chef de l’exécutif vis-à-vis de la population. Tel est le premier niveau de la responsabilité du gouvernement Ouattara dans la crise actuelle qui, il convient de le souligner avec force, n’est qu’un élément de la cherté de la vie auquel le régime actuel contraint les populations ivoiriennes.

Le second niveau de responsabilité d’Alassane Ouattara, de son gouvernement et de son parti politique, le RDR est l’introduction historique de la violence sur la scène politique nationale. De la charte du Nord au coup de force du 11 avril 2011, en passant par le 7 décembre 1993 avec la tentative de prise du pouvoir par la force au mépris de la Constitution, après le décès du président Houphouët-Boigny, le 1er coup d’Etat du 24 décembre 1999, les tentatives de déstabilisation en novembre 2000, janvier 2001, la rébellion armée du 19 septembre 2002, la guerre post-électorale de 2010 préférée par eux à la proposition de recomptage des voix faite par le président Laurent Gbagbo, etc l’on observe une pratique constante de la violence et de la force comme mode de conquête et d’accession au pouvoir d’Etat par Alassane Ouattara et le RDR.

Installés à la tête de l’Etat de façon brutale par la coalition Franco-Onusienne, ils perdurent dans cette violence pour imposer leurs idées, leurs programmes et surtout pour pallier le déficit permanent de légitimité. Les dozos, les microbes, les supplétifs FRCI constituent les ingrédients d’une gouvernance basée sur la terreur et la répression, consubstantielle de la dictature. C’est cette culture et ce goût exacerbé de la violence politique ainsi inculquée et entretenue qui s’exprime à travers une frange de la population constituée de leurs militants.
Alassane Ouattara et le parti politique qu’il préside, le RDR ne peuvent tromper personne en cherchant les coupables ailleurs que dans leur propre rang.

Chers amis de la presse, plus grave, plus dangereux pour l’Etat de droit et plus pernicieux pour la démocratie est la décision du Gouvernement Ouattara de déverser, dans les rues des villes de Côte d’Ivoire, des forces coalisées (police, gendarmerie et FRCI) pour soit disant un maintien d’ordre pour une prétendue sécurisation des vacances scolaires ; et surtout pour lutter contre ce qu’ils qualifient d’incivisme des populations, le tout, sans aucune base légale.

Cette décision d’Alassane Ouattara s’apparente, à bien d’égards, à un Etat d’urgence mal contenu voire déguisé. Ce qui est attentatoire à la légalité et aux libertés individuelle et collective. Toute chose que le FPI ne peut accepter. Dans la mesure où elle constitue la preuve supplémentaire de la violation constante de la Constitution et des lois de la République par ce régime. Cette posture illustre également la peur panique de Ouattara, désormais conscient de sa légendaire illégitimité.

Ainsi, n’ayant ni le recul, parce qu’acculé par les institutions de Bretton Woods (FMI, Banque Mondiale), ni la volonté de mettre un terme aux causes de la grande colère des populations, le gouvernement sombre dans la répression et la démesure. Sinon comment comprendre qu’un Etat se prédispose à mater des populations qui crient leur douleur au lieu de s’intéresser à résoudre les causes de cette douleur ? C’est toute la différence entre une gouvernance démocratique

qu’incarnait le président Laurent Gbagbo et la gouvernance dictatoriale actuelle de Ouattara.

La décision du conseil des ministres du 27 juillet 2016 hélas ne s’inscrit ni dans le cadre de l’Etat d’urgence, ni dans le cadre légal de l’Etat de siège. Elle est instigatrice d’une violence sans contrôle sur les populations.

Aussi, le déploiement disproportionné des forces coalisées (police, gendarmerie et armée), transforme la Côte d’Ivoire en un champ de bataille asymétrique. Cela dans le but d’inspirer la peur et de contraindre les populations à admettre des augmentations de prix de l’électricité et de l’eau et en définitive, du coût de la vie sans ménagement.

Face à l’attitude du gouvernement, on ne peut s’empêcher de rappeler le souvenir du début des années 1960 où en catimini, Houphouët Boigny a construit à Assabou, à Yamoussoukro une prison politique et un camp de torture. Ici, le pouvoir RDR évoque un prétendu trouble à l’ordre public pour installer l’armée dans les rues en dehors de tout encadrement légal, notamment sans décret de réquisition.

Ainsi, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la Côte d’Ivoire sous Ouattara se transforme insidieusement et dangereusement à une tribu assiégée. Sinon que viennent chercher les FRCI dans une affaire de maintien d’ordre ? Cette question est d’autant plus fondée que le décès survenu à Bouaké serait occasionné par balle réelle selon le communiqué du Conseil des Ministres. Ivoiriennes, ivoiriens faisons attention et prenons conscience car c’est de cette manière que la dictature se construit et s’installe durablement et l’histoire regorge d’exemples aussi célèbres les uns que les autres.

Hier le président Laurent Gbagbo avait prédit, et je cite : « si je tombe, vous tombez ». Certains ivoiriens y sont restés indifférents, d’autres en ont ri. Seule une frange y avait prêté attention. Mais que constatons-nous aujourd’hui après son éviction de force ? Des cris de douleurs, des meurtrissures et des appels au « secours » à Laurent Gbagbo, à travers le dormais célèbre slogan national : « Gbagbo Kifissa », traduit de la langue malinké « Gbagbo est mieux… » C’est pourquoi, il est urgent de s’opposer à ces mesures illégales, dangereuses et dictatoriales.

Prenons garde, la décision d’Alassane Ouattara de déverser l’armée dans la rue annonce un nouveau tournant encore plus meurtrier et plus déshumanisant.

Le FPI, parti créé pour le peuple dont il est l’émanation se doit de donner solennellement son opinion sur cette crise sociopolitique.

III- Notre position

Le FPI s’incline devant la dépouille du défunt et rend hommage à sa mémoire. Il souhaite prompt rétablissement aux blessés et apporte toute sa compassion aux familles éplorées ;

Sur le motif des manifestations, notamment la cherté de la vie en général et l’augmentation du coût de l’électricité en particulier, le FPI apporte son soutien indéfectible au peuple ivoirien dans sa lutte pour la survie. Il se tient à ses côtés pour la sauvegarde de sa dignité et pour son droit à une vie décente que lui refuse le régime Ouattara.

Sur la méthode, le FPI affirme que les dégâts et les pillages enregistrés ne peuvent en aucun cas être imputables aux manifestants ; car le peuple ivoirien a le sens de la responsabilité et ne saurait verser dans les pratiques violentes dont les acteurs sont connus depuis des lustres ici dans notre pays. En effet, le président de la jeunesse du RDR (RJR) n’a-t-il pas demandé dans un récent communiqué public à ses militants de « veiller au maintien de l’ordre dans leur localité » ? Le résultat a été la recrudescence des actes de vandalisme et des vols d’armes de guerre au cours des manifestations. De plus les cibles des violences (bâtiments administratifs, banques et armes de guerre) rentrent dans le mode opératoire des bras armés du RDR. Il y a là des pistes à explorer s’il y avait une volonté de traquer les vrais coupables de ces dégâts ;

C’est pourquoi, le FPI s’insurge, dénonce et condamne l’instauration sous forme déguisée d’un véritable état de siège dans le pays sans aucune base légale.

Il exige l’annulation pure et simple de l’augmentation du prix de l’électricité et demande au peuple de continuer à s’opposer par tous moyens légaux à cette mesure inique et attentatoire à sa survie ;

Le FPI met en garde contre toute velléité perfide du gouvernement tendant à réintroduire ces mesures sous une autre forme.

Pour le FPI, le gouvernement, en déversant la police, la gendarmerie et les FRCI dans les villes, veut intimider la population pour non seulement imposer dans la

terreur l’augmentation du coût de l’électricité mais surtout pour prévenir et contenir une grogne plus générale liée à sa mauvaise gouvernance, aux mesures
économiques impopulaires et fondamentalement les protestations qui interviendront, à coup sûr, contre l’inopportune et inique réforme constitutionnelle que Ouattara s’apprête à octroyer de manière monarchique aux ivoiriens ;

Le FPI exige le retour des FRCI en caserne et la fin de l’Etat d’urgence imposé illégalement par le gouvernement ;

Le FPI restera aux côtés du peuple ivoirien dans sa mobilisation actuelle et future afin d’obtenir gain de cause. A cet effet, le FPI décide de porter plainte contre le gouvernement Ouattara devant les juridictions nationales et internationales pour harcèlement économique de la population et abus de position.

Le FPI prévient que malgré le déploiement excessif, illégal et injustifié des forces en arme dans les rues, il ne laissera jamais prospérer la réforme constitutionnelle de type monarchique en préparation. Il prendra, le moment venu, son entière responsabilité en usant de tous les moyens légaux pour s’y opposer.
Je vous remercie

Alphonse Douati
Secrétaire général du FPI