Affaire « La Cni n’a jamais été gratuite », selon le gouvernement Ouattara: « C’est faire preuve de mauvaise foi » (Emile Guirieoulou, ex-Ministre de l’Intérieur)

Par La Voie originale - Affaire « La Cni n’a jamais été gratuite », selon le gouvernement Ouattara. « C’est faire preuve de mauvaise foi » (Emile Guirieoulou, ex-Ministre de l’Intérieur).

Emile Guirieoulou, ex-Ministre de l’Intérieur du Président Laurent Gbagbo.

Selon le régime Ouattara, à travers son ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Sidiki Diakité, « la CNI, depuis la première loi sur l’identification, n’a jamais été gratuite ».

La Voie Originale a sollicité l’éclairage du ministre Emile Guiriéoulou, ministre de l’Intérieur sous le régime Gbagbo.
Interview réalisée par BOGA
SIVORI (bogasivo64@gmail.com)

La Voie Originale : M. le ministre, lors du meeting de Yamoussoukro, le ministre Assoa Adou, SG du FPI, a exigé la gratuité des CNI. Pour justifier cette demande, il a expliqué que le Président Laurent Gbagbo avait fait la CNI gratuite alors que le pays était divisé en deux. Croyant lui apporter la contradiction, le ministre de l’administration du territoire et de la Décentralisation, Sidiki Diakité, a indiqué que depuis la création de l'Etat ivoirien, la CNI n'a jamais été gratuite. Vous qui avez été ministre de l'intérieur sous le président Gbagbo, quel éclairage pouvez-vous apporter ?

Emile Guiriéoulou : Est-ce vrai qu’il a dit ça ?

S’il est avéré que le ministre SIDIKI Diakité a vraiment dit cela, il y a de quoi désespérer des dirigeants actuels de notre pays.

Sinon tous les ivoiriens savent qu’en 2009, ils ont obtenu leurs cartes nationales d’identité sans bourse délier. L’opération avait été réalisée par la société SAGEM. Vous vous souvenez sans doute que la confection des CNI a été couplée avec le recensement électoral qui a abouti à l’établissement de la liste électorale ayant servi pour les élections de 2010.

Pour obtenir sa carte nationale d’identité il fallait se rendre sur les lieux d’enrôlement électoral dans les 11.0000 centres ouverts à cet effet à travers le pays.
De sorte que tous ceux qui étaient inscrits

sur la liste électorale de 2010 avaient automatiquement leurs cartes nationales d’identité. Ainsi, ces cartes étaient disponibles le jour du scrutin dans les bureaux de vote pour ceux qui n’avaient pas pu les retirer avant. Alors, soutenir que « l’établissement de la CNI n’a jamais été gratuite depuis la création de l’Etat ivoirien » c’est manifestement faire preuve de mauvaise foi.

Mais personnellement cela ne me surprend guère ! Le régime Ouattara nous a habitué à ce jeu favori qui consiste à nier les réalisations antérieures à leur arrivée au pouvoir. C’est une sorte de négationnisme permanent. Les exemples sont légion.

Par exemple, récemment, devant les parlementaires à Yamoussoukro, le Chef de l’Etat, faisant le bilan de ses deux mandats, a indiqué, entre autres, avoir construit 115 kms d’autoroute, allusion faite au prolongement de l’autoroute du nord de Singrobo à Yamoussoukro. Or vous savez comme moi que c’est l'administration du Président Laurent Gbagbo qui a fait ces travaux. Je me souviens encore qu’à l’inauguration du pont de Jacqueville, le Chef de l’Etat, sans état d’âme, avait affirmé que « Gbagbo a tenté de construire ce pont ».

Même chose pour le CHU d’Angré et bien d’autres projets. Donc, nier les réalisations et les efforts de ses prédécesseurs fait partie des méthodes de gouvernement du régime Ouattara.
Mais les ivoiriens ne sont pas dupes car ils savent discerner le vrai du faux. Ils savent qu’en 2009, ils n’ont rien payé pour avoir leurs cartes nationales d’identité.

L.V.O : Pourquoi à votre avis, la Côte d'Ivoire doit plus qu'hier faire gratuitement la CNI aujourd'hui.

E.G : Ce n’est pas mon avis à moi seul. Aujourd’hui la majorité des ivoiriens exige la gratuité de l’établissement de la CNI. Même ceux qui, en apparence y sont opposés, ressentent et expriment ce besoin puisqu’ils se voient dans l’obligation de payer pour leurs parents parce qu’ils avouent que ces derniers n’en ont pas les moyens.
Pourquoi nous exigeons la gratuité ?

D’abord, à cause du coût. J’estime que le coût fixé par le gouvernement est trop élevé. En effet, pour les détenteurs d’une ancienne CNI, il faut débourser au moins 7.000 francs dont 5.000 francs pour le timbre et 2.000 pour le certificat de résidence. Les nouveaux demandeurs, eux, c’est au moins 11.500 francs qu’ils doivent payer si on ajoute le coût du certificat de nationalité (3.500) et d’une copie récente de l’acte de naissance (1.000 francs). Imaginez ce que cela va représenter pour le chef d’une famille qui doit faire établir une CNI pour chacun des membres de sa famille (femmes et enfants). En 2009, tout cela a été fait gratuitement.

A ces dépenses, il faut ajouter les frais de transport et même de séjour pour ceux qui doivent se déplacer de leurs villages pour rallier le centre d’enrôlement établi au chef-lieu de sous-préfecture ou de département. Ces dépenses ne sont pas supportables par la majorité de nos compatriotes qui sont gagnés par une pauvreté de plus en plus grandissante. C’est pour cette raison qu’en plus de la gratuité, je pense qu’il faut reconduire l’expérience de 2009 en démultipliant les centres d’enrôlement pour les rapprocher des populations et non obliger tout le monde à affluer vers les villes.

Ensuite, j’estime que la paupérisation visible des populations commande au gouvernement de prendre des mesures qui ne vont pas accroitre leurs fardeaux déjà trop lourds pour leurs maigres bourses. L’Etat de Côte d’Ivoire qui, nous dit-on, se porte merveilleusement bien au plan financier, peut bien soulager son peuple. L’argent du Trésor public appartient au peuple et ce n’est que justice que le peuple en bénéficie car c’est fruit de ses impôts.

Par ailleurs, pour un régime qui a malicieusement construit toute sa stratégie de conquête du pouvoir sur la question de l’identité, il est inconcevable qu’il n’inscrive pas dans ses priorités le besoin que tous les ivoiriens puissent jouir sans entrave quelconque de leur identité ivoirienne dont la carte d’identité est la matérialisation.

L.V.O : Malgré la protestation de l'opposition et alors même que les gens sont consignées à la maison pour raison de coronavirus, le chef de l'Etat vient de promulguer la loi portant modification de la constitution votée d'ailleurs dans des conditions conflictuelles. Quelle analyse pouvez-vous faire ?

E.G : C’est la preuve que pour monsieur Ouattara, seuls ses intérêts et ceux de son clan comptent et qu’il n’a cure des avis de ceux des ivoiriens qui n’en font pas partie.
Voyez-vous, par exemple en France, le Président Macron a fait appel à tous les leaders des partis politiques pour recueillir leurs avis avant de prendre les mesures relatives au coronavirus. Il s’est adressé aux français à deux reprises. Il a décidé de mesures d’accompagnement pour les personnes vulnérables et les entreprises sinistrées. Il a mis en veilleuse sa réforme des retraites qui lui tenait pourtant à cœur. Il a reporté le 2ème tour des élections municipales.

Ici, qu’a fait le Chef de l'Etat ? Aucune adresse à la nation sur l’épidémie du coronavirus. Bien au contraire, pendant que les ivoiriens sont préoccupés et inquiets devant la propagation de la maladie, monsieur Alassane Ouattara s’est empressé de faire voter la révision de la constitution et l’a promulguée à la hâte. Il annonce qu’il va modifier le code électoral par ordonnance, c’est-à-dire de façon unilatérale. Alors que de sérieuses divergences existent sur la question avec l’opposition et la société civile. Le dialogue politique a connu un échec par la faute et l’intransigeance du gouvernement.

Tout ceci démontre de sa volonté de refuser toute discussion sur les réformes nécessaires à l’organisation d’élections transparentes. Il veut faire un passage en force pour le maintien au pouvoir de son clan et du système dictatorial qu’il a installé dans notre pays. On voit bien qu’à défaut de pouvoir se porter candidat lui-même, parce que contraint, il veut baliser le terrain et faire place nette à son poulain dont il est conscient du peu de chance de l’emporter dans une compétition loyale et transparente. Car en réalité, monsieur Alassane Ouattara n’a nullement envie de lâcher le pouvoir.

L.V.O : M. le ministre, protestant contre le choix unilatéral d'Amadou Gon Coulibaly comme candidat du RHDP à l’élection présidentielle à venir, le ministre Marcel Amon Tanoh vient de démissionner du gouvernement. Albert Mabri Toikeuse est lui en embuscade. Qu’est-ce que ces situations vous inspirent ?

E.G : La leçon que je tire de ces situations est qu’en voulant ruser avec tous ses partenaires, monsieur Alassane Dramane Ouattara est en train de subir le revers de la médaille. Monsieur Marcel Amon Tanoh, en plus d’avoir été un collaborateur fidèle et parfois zélé de monsieur Ouattara, fait partie des militants non nordistes qui ont permis au RDR de se donner un vernis de parti national. Il attendait certainement que la passe soit faite à ces militants-là dans le passage de témoins. Hélas, il apprend à ses dépens et se rend trop tardivement compte qu’ils étaient là seulement pour le décor et ne font pas partie des propriétaires terriens de la case.

Concernant le ministre Mabri, au vu du sort réservé à Amon Tanoh, je suis tenté de citer l’Evangile de Luc et de dire « Si l’on traite ainsi le bois vert, qu’en sera-t-il du bois sec ? ». Je note sa prise de position et sa posture lors de la dernière réunion du RHDP. Dans une alliance, si l’allié refuse d’écouter votre voix et de reconnaitre vos mérites, vous êtes en droit d’aviser et même d’explorer d’autres horizons. Mais il faut attendre pour voir. Il est certainement en train de faire le point avant de décider.

L.V.O : M. le ministre, le 31 janvier 2019, en rentrant d'exil, après 8 ans, vous aviez indiqué que vous rentriez pour préparer ensemble avec vos camarades le retour du président Laurent Gbagbo qui venait d'être acquitté sur les terres de ses ancêtres. Depuis lors la procureure Fatou Bensouda fait de la diversion. Croyez-vous encore que le président Gbagbo reviendra et sera candidat ?

E.G : Ma conviction que le Président Laurent Gbagbo regagnera son pays est inébranlable. Tous les signes que nous voyons me confortent dans cette idée. Parce que je ne vois aucune raison qui pourrait empêcher le retour en Côte d’Ivoire du Président Laurent Gbagbo. Il a été acquitté et rien ne peut remettre en cause cette décision d’acquittement. Le dossier est toujours vide et la Procureure n’est pas capable de soutenir un dossier solide qui pourrait infléchir la décision des juges. Elle a apporté ce qu’elle avait comme « preuves » au vu desquelles la Chambre de première instance a déclaré que le dossier était d’une « faiblesse exceptionnelle ». Alors de quels arguments dispose-t-elle pour inverser cette tendance ? Elle n’est pas autorisée à rechercher et apporter de nouvelles preuves. Preuves qu’elle serait d’ailleurs dans l’incapacité de trouver car n’existant pas.

Elle ne peut pas appeler de nouveaux témoins. Même si c’était le cas qu’apporteront de plus ces nouveaux témoins que n’ont pu le faire les 82 premiers qui ont été sélectionnés par elle ou pour elle, car supposés être ceux détenant les preuves les plus accablantes contre le Président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé ?
Non, cher ami, il n’y aucun élément de droit pouvant amener les juges de la Chambre d’appel à infirmer la décision d’acquittement prise le 15 janvier 2019.
Le Président Laurent Gbagbo reviendra et avec lui nous allons gagner les élections de 2020.
Que nos adversaires et tous ceux qui
pensent le contraire aient le moral. Gbagbo arrive !

Source: La Voie originale n°442 du lundi
16 mars au dimanche 22 mars 2020.