Affaire "Député-gifleur" : Un procureur hors-la-loi, n'ayant plus sa place à la tête du parquet d'Abidjan

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Affaire "Député-gifleur" : Un procureur hors-la-loi, n'ayant plus sa place à la tête du parquet d'Abidjan, Par Tchedjougou Ouattara.

Le Procureur de la République près le Tribunal de Première instance d’Abidjan, Richard Adou. Image d'archives.

LU POUR VOUS

Dans ce pays de non droit depuis le 11 avril 2011, cette scabreuse affaire se voudrait malheureusement juridique, dans sa globalité.
Révélant, en effet, l'état de décrépitude institutionnelle avancée d'un État convulsionnaire, cette nauséeuse affaire nous obligera à montrer, d'une part, en quoi les arguments agités par l'avocat du parlementaire-boxeur sont partiellement peu dirimants (I) et d'autre part, les motifs pour lesquels ce procureur de la république près le tribunal de première instance d'Abidjan, s'étant comporté en vrai voyou à col blanc, ne mérite plus de diriger le parquet du tribunal d'Abidjan(II),
I- SUR L'INANITE PARTIELLE DES
ARGUMENTS DE L'AVOCAT
Nous analyserons les arguments de l'avocat du député-hors-la-loi, relatifs à la non notification de la mesure de garde à vue à son client, d'une part, et ceux liés à la procédure de flagrant délit mise en œuvre par le procureur, d'autre part.
1- QUELLE EST LA FORME DE LA
NOTIFICATION DE LA GARDE À
VUE À LAQUELLE DEVRAIT
S'ASTREINDRE L'OFFICIER DE
POLICE JUDICIAIRE ?
Dans ses griefs contre l'officier de police judiciaire qui a diligenté l'enquête, l'avocat du député Yah TOURÉ prétend que, convoqué le dimanche 28 janvier 2018 par le Préfet de police d'Abidjan, son client n'aurait pas formellement eu notification de sa garde à vue jusqu'à son défèrement devant le procureur.
Ainsi, pour cet avocat, les droits de son client auraient été méconnus.
Mais, sans nécessité de recueillir la version de l'officier de police judiciaire instrumentaire, n'importe-t-il pas, du pur point de vue juridique, de s'interroger sur la forme exigée par la loi concernant la notification de la garde à vue au concerné, et qui aurait été violée ?
Sur la question, les dispositions de l'article 63, in fine, du code de procédure pénale ne disposent-elles pas, parlant de la garde à vue, que : «L'officier de police judiciaire avise de ce droit la personne gardée à vue» ?
À quelle forme de notification, cette disposition légale, oblige-t-elle l'officier de police judiciaire dans le cadre de la garde à vue ? Interdire au député de sortir des locaux de la police judiciaire, comme le prétend l'avocat du député-bagarreur, s'analyse-t-il autrement qu'une privation de liberté dans l'intérêt de l'enquête en cours ?
N’est-ce pas la fonction essentielle d'une garde à vue ?
Devra-t-on faire croire que la garde à vue renvoie obligatoirement à l'enfermement du mis en cause dans une chambre de sûreté, appelée communément «Boîte» ?
Combien sont-ils parmi nous à avoir été dispensés de l'enfermement dans la chambre de sûreté, au profit du "banc derrière comptoir" ou même, de la climatisation du bureau du Commissaire de police ou de celui de l'officier de police judiciaire, chargé de l'affaire, avant d'être déféré le lendemain devant le parquet ?
L'officier de police judiciaire n'a-t-il pas présenté le député-bagarreur au Procureur, le lendemain, lundi 29 janvier 2018 ?
Est-il allé au-delà des 48heures prescrites par la loi ?
Il ressort de ce qui précède qu'il s'agit d'un vrai faux débat, le député ayant été régulièrement retenu dans les locaux de la police judiciaire, pour les besoins de l'enquête, jusqu'à sa présentation au procureur.
Qu'en est-il de cet autre faux débat relatif au flagrant délit ?
2- UNE PROCÉDURE DE FLAGRANT
DÉLIT PERTINENTE
Pour critiquer le procureur d'avoir poursuivi le député hors-la-loi, selon la procédure de flagrant délit, son avocat et d'autres praticiens du droit, tirent prétextes de ce que, entendu par un officier de police judiciaire, tout juste après la commission des faits, le vendredi 26 janvier 2018, le député hors-la-loi, était reparti libre chez lui le même jour.
Que, contre toute attente, un autre officier de police judiciaire de la Préfecture de police d'Abidjan l'avait interpellé à nouveau, le dimanche 28 janvier 2018, et conduit devant le procureur de la république qui l'a écroué selon la procédure de flagrant délit.
Lorsqu'on observe bien le raisonnement de tous ceux qui plaident contre la procédure de flagrant délit, il nous semble qu'ils fondent essentiellement leur argumentation sur la non arrestation immédiate du député fautif, tout facteur qui démontrerait à suffire, à leurs yeux, l'absence des conditions de la flagrance.
Mais, un tel raisonnement ne saurait prospérer à la lumière des dispositions légales.
Tout d'abord, il importe d’appeler l'attention des uns et des autres sur le fait, qu'à l'instar de la CITATION DIRECTE et du réquisitoire aux fins d'INFORMER, le FLAGRANT DÉLIT est une pure procédure.
Dès lors, au-delà des circonstances du crime ou du délit, liées «au temps voisin», à la «poursuite par la clameur publique», à «la découverte des objets laissant penser à la participation desdits crime ou délit», quelle compréhension des dispositions de l'article 53, in fine, du code de procédure pénale qui prescrivent : «EST ÉGALEMENT SOUMISE À LA PROCÉDURE DE FLAGRANT DÉLIT, TOUTE INFRACTION CORRECTIONNELLE, PASSIBLE D'UNE PEINE D'EMPRISONNEMENT QUI, À LA SUITE D'UNE ENQUÊTE OFFICIEUSE, NE PARAÎT DEVOIR FAIRE L'OBJET D'UNE INSTRUCTION PRÉALABLE, EN RAISON, SOIT DES AVEUX DE L’INCULPÉ, SOIT L'EXISTENCE DES CHARGES SUFFISANTES» ?
Comme on le voit, le flagrant délit dont il s'agit, ici, est plus une procédure, au choix du procureur, en regard de la nature et des circonstances des faits, que les seules conditions de mise en œuvre des poursuites du mis en cause.
Est-ce irrégulier, et, même rare, de voir un Procureur ayant, d'abord, reçu de simples procès -verbaux d’audition, de la part d'un officier police de judiciaire, à propos d'un ou des individus, qui, par exemple, ont porté des coups et fait des blessures à quelqu'un, et qui ordonne, par un soit-transmis, à l'officier de police judiciaire de lui déférer le ou les mis en cause, et qui les traduit, finalement, devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de flagrant délit, alors que la rixe en question s'est déroulée, il y a plusieurs jours, voire mois ?
En l'espèce, est-il faux que les faits poursuivis contre le député-gifleur, une succession d'infractions, à savoir le refus d'obtempérer aux consignes d'un agent chargé de la régulation de la circulation, violences et voies de fait et outrage à agent public dans l'exercice de ses fonctions avec des insignes extérieures, sont caractéristiques de «charges suffisantes» ?
Il suit de tout ce qui précède que le débat autour de la procédure de flagrant délit est un autre vrai faux débat.
II- SUR LES MANQUEMENTS
INEXCUSABLES DU PROCUREUR
NÉCESSITANT SA DÉMISSION
Le procureur de la république près le tribunal de première instance d'Abidjan ne mérite plus de diriger ce parquet consécutivement à cette affaire, ce, pour deux graves manquements inexcusables.
1- DE LA VIOLATION DE LA LOI
DANS L'EXÉCUTION DU MANDAT
D’ÉCROU
Il est reproché au procureur de la république près le tribunal de première instance d'Abidjan d'avoir décerné un mandat d'arrêt et écroué le député hors-la-loi à la MACA, le lundi 29 janvier 2018, au mépris des dispositions légales.
En effet, en transférant le député-hors-la-loi comme il l'a fait, le procureur de la république près le tribunal de première instance d'Abidjan vient d'avouer qu'il fait partie des magistrats ivoiriens qui ont indignement vassalisé la justice ivoirienne, depuis le 11 avril 2011, et pour cause.
Aux termes des dispositions de l'article 382 du Code de procédure pénale ivoirien : «L'individu, arrêté en flagrant délit et déféré devant le Procureur de la république, conformément à l'article 70 du présent code, est, s'il est placé sous mandat de dépôt, traduit sur-le-champ à l'audience du tribunal».
Or, il est établi que ce procureur n'a tenu aucun compte de ces dispositions pertinentes.
Il s’en infère donc qu'en ne faisant pas confirmer, donc "valider", le mandat de dépôt décerné, avant de transférer illégalement un député à la MACA, ce procureur a commis une faute professionnelle inexcusable, justifiant sa démission.
2- DE L'INCOMPÉTENCE DU
PROCUREUR À ORDONNER
NUITAMMENT LA LIBÉRATION DU
DÉPUTÉ-HORS-LA-LOI APRÈS SON
ADMISSION À LA MACA ?
La cerise sur le gâteau procède de la décision du Procureur, ordonnant la libération du détenu de la Maca, dans la nuit du lundi 29 janvier 2018, en conséquence de la décision du Bureau de l'Assemblée Nationale.
Or, dès lors que le député était écroué à la MACA, sa libération échappait dorénavant totalement à la religion du parquet, même si c'était ce procureur qui l'y avait conduit au mépris de la loi.
Dès lors, en agissant comme il l'a fait, le procureur de la république près le tribunal de première instance d'Abidjan s'est illégalement substitué au juge auquel les compétences pour la libération ou non, du député-loubard, étaient exclusivement échues.
En effet, dès lors que ce député s'était retrouvé à la MACA, en vertu d'un mandat de dépôt, fut-il irrégulièrement ordonné, il devrait faire l'objet d'un jugement (procès), en bonne et due forme, au cours duquel le juge serait seul compétent à donner suite à la décision du Bureau de l'Assemblée Nationale.
Comme on l'observe, les agissements de ce procureur sont extrêmement graves. De tels manquements sont d'autant inexcusables qu'ils nous offrent la preuve tangible des pratiques infâmantes par lesquelles ces juges maintiennent des centaines d'ivoiriens dans les geôles de Dramane OUATTARA, depuis le 11 avril 2011.
C'est pourquoi, une telle situation ne mérite pas d'être passée par pertes et profits.
Quoique cette affaire soit Houphouetiste, elle ne demeure pas moins une révélation par Dieu de l'ignominie judiciaire que subissent injustement les partisans de Gbagbo depuis avril 2011.
Au total, ce procureur doit démissionner pour deux principaux manquements inexcusables, ne s’analysant autrement que comme des fautes d’incompétence caractérisée.
Ce procureur mérite donc de servir partout sauf à la tête d'un parquet, à fortiori celui d'Abidjan.

Par L'Activateur Tchedjougou OUATTARA