Adayé Kessié ou grande parade des Brons : Nanan Adou Bibi II, porte-parole du Roi des Brons livre tous les secrets

Par Linfrodrome - Adayé Kessié ou grande parade des Brons. Nanan Adou Bibi II, porte-parole du Roi des Brons livre tous les secrets.

Nanan Adou Bibi II.

Ce qu'il dit de l'impact de l'occidentalisation et des mariages mixtes sur la tradition

Nanan Adou Bibi II est le chef de la Province pinango, dans le Royaume Bron, au Nord-Est de la Côte d'Ivoire. Porte-parole du Roi, Nanan Kouassi Adjimane Adingra, il est l'invité de la Rédaction de linfodrome. Dans cet entretien, le ''Ministre de la Défense'' du Royaume Bron, parle de l'Adayé Kessié, grande parade des chefs de province, qui a lieu, la semaine prochaine. Au cœur de la tradition avec un sachant....

Le royaume Bron se prépare à fêter l’Adayé Kessié à Tabagne. Qu'est-ce que l'Adayé Kessié?

L’Adayé Kessiè est le condensé de plusieurs rituels des Brons. Chaque année, les Brons célèbrent la tradition à plusieurs étapes. Il y a le Fodjo où les enfants fêtent, le Mouroufié qui se fête dans tous les villages, une semaine après c’est le Fofié au cours duquel nous permettons à nos différents féticheurs, garants de nos traditions, de se donner en spectacle. Cinq (5) jours après le Fofié, il y a l’Adayé Kessiè, où nous nous retrouvons tous pour faire le point de l’année et jeter les bases de la nouvelles année. C’est une fête très importante au cours de laquelle nous devons tous être présents. Celui qui est absent renie son identité culturelle. Le 18 octobre prochain est la date de la célébration de l’Adayé Kessiè. Mais, nous débuterons la fête, le 17 octobre pour permettre à tout le monde d’être présent à Tabagne.

Pourquoi Tabagne?

Tabagne a abrité le siège du royaume par le passé. Le Roi, Nanan Kouassi Yeboua, dans les années 1854, était à Tabagne. Il y a vécu, et puis il y a eu le Roi Nanan Kouadio Yeboua de 1897 à 1902. C’est tellement normal de se retrouver dans le village de Tabagne pour fêter, car c’est une cité très importante pour les Brons.

Fêter, le 18 octobre en pleine semaine n’est ce pas un obstacle pour les fils de la région en ville qui souhaitent participer à cette fête ?

Pas du tout, la vie est un choix, certains pourront être là le soir du 17 octobre, ou le 18, le 19, le 20, ou le 21 surtout que toutes les journées sont meublées.

Justement, quelles sont les articulations de cette fête ?

Les Brons sont attachés à leur culture par rapport aux bonnes mœurs. Il y a une journée où nous allons enseigner à nos enfants et nos amis les bonnes manières, c’est-à-dire comment prendre la parole en publique, comment donner les nouvelles, comment porter le pagne, comment se comporter,? Il y a une journée où nous allons parler du tribunal coutumier. Vous savez, Bondoukou est une cité reconnue pour sa chefferie, donc tous nos problèmes ne se règlent pas à la gendarmerie, à la justice mais plutôt dans les cours royales. Comment porter une plainte? Comment un verdict est rendu ? Comment réconcilier deux parties après un procès? Nous verrons comment on célèbre le mariage en pays Bron. Pour commencer le mariage en pays Bron il faut d’abord les fiançailles et, ensuite la dot, etc. Voilà un peu détaillé le programme qui sera mi en place pendant ces festivités. Le samedi 21 octobre va être, la journée far, la journée fatidique.

A quoi devront-nos attendre ce jour?

Le samedi 21 juin, sera la journée far, la journée fatidique où les chefs ainsi que tous ceux qui seront choisis feront la parade, pour une démonstration de force. Donc, la journée du samedi sera une journée de rattrapage pour tous ceux qui auront tout raté. La matinée, il y aura le Conseil royal. Vous savez, à l’époque c’est dans cette période que nous décidions de la conduite à tenir. C’est en cette période, que nous prenons des engagements, par exemple s'il y avait des zones à conquérir en période de guerre. Voyez vous la parade des chefs, c’est un moment fabuleux, vraiment hallucinant et elle cache aussi certains aspects sacrés, et souffrez que je n’en dise pas davantage, je souhaite que vous arriviez sur les lieux pour mieux apprécier les choses.

Parler nous de votre mission au Ghana et pourquoi vous avez été choisi pour conduire cette délégation ?

Vous savez, le royaume Bron est à cheval sur le Ghana et c’est l’un des rares au monde qui est à cheval sur deux pays. Nous avons constaté depuis un bon moment que nous avons rompu les rapports sur le plan traditionnel avec nos frères Brons du Ghana. Il est vrai que nous y allons régulièrement mais, nous ne les fréquentons plus sur le plan traditionnel. N’oubliez pas que le roi des Brons vit en Côte d’Ivoire, et le roi des Brons du Ghana est son neveu. Donc, ce sont des relations historiques qui nous unissent et nous avons décidé de réchauffer ses liens, d'apporter un peu de sapidité dans nos relations. C’est pourquoi j’ai été choisi en tant que ministre de la défense du royaume bron. Je dis qu’il n’y a plus de guerre mais, il faudrait que je sois devant pour tirer un peu les troupes. C’est pour cela que j’ai été choisi pour conduire la délégation auprès de nos frères et amis du Ghana qui nous ont également promis leur présence dans le village Tabagne aux dates indiquées.

Parlez nous de l’organisation du royaume Bron ?

Le royaume Bron est constitué de cinq (5) provinces qui sont chez nous, des ensembles de cantons. C’est l’ensemble de ces cantons qui constitue chez nous des provinces. La province royale '' Ayi nin fiyé'' est la première des provinces. Elle donne, le chef suprême des Brons. En deuxième position nous avons la province '' Pinango'' qui représente le ministère de la Défense et qui signifie celui qui ne recule pas. La troisième c’est la province '' Foumassa '' qui est prête à faire la guerre. Le quatrième c’est la province '' Angô bia '', qui est la garde républicaine du roi, ce qui signifie en langue Bron ''ne va nulle part''. La dernière c’est la province ''Anguidom'' qui constitue l’arrière-garde de la province ''Pinango'' en première ligne pendant la guerre. Contrairement à d’autres royaumes comme celui de l’Indenié où les chefs de cantons viennent après le roi, chez nous, après le roi ce sont les chefs de provinces.

Les populations se reconnaissent-elles en chacune des missions assignées aux chefs de province ?

Oui, nous sommes tous ensemble chez nous. C’est pratiquement comme l’équipe nationale, les Eléphants de Côte d'Ivoire. Nous retournons dans nos clubs après avoir joué nos partitions. C’est la même chose avec « l’Adaye Kessié». Nous nous retrouvons tous à cette période et chacun retourne après dans sa province. Chacun sera reconnu en fonction du comportement adopté dans sa province, on n'a pas besoin de l’écrire sur un pagne ou sur sa chemise.

Les mariages entre les membres de différents provinces sont-ils autorisés ?

Non avons les mêmes coutumes, les mêmes habitudes, et nous pouvons nous marier dans n’importe quelle province. Mais, au niveau de la famille des nobles, il est préférable que votre femme provienne de votre province. Je pense que cela limite un peu certaines choses. Il existe aujourd’hui, des Brons aux USA, au Canada et qui y sont mariés.

L’Adaye Kessie renaît 31 après. Qu’est-ce qui explique cet abandon?

Il faut reconnaître que cette renaissance a été suscitée par une modeste personne qui se veut très discret. Il s’agit de M. Bini Daouda et de la sructure ''List Voyage''. Il faut reconnaître que l’Ong Bron Diaman a eu l’idée et c’est ce cadre qui a apporté beaucoup de choses dans la mise sur pied de cette organisation. Cette initiative est donc salutaire. C’est une très belle initiative prise par l’ONG Bron Diaman. Voilà 31 ans que nous n’avons pas vraiment fêté, or nous les Brons nous savons le faire. Les Brons savent se retrouver et l’Ong a eu vraiment le nez creux pour nous fait revivre ces événements.

Comment les différentes provinces se préparent pour aller à l’Adaye Kessié»?

L’ONG et M. Bini l’initiateur ne font pas les choses à moitié. Le Gontougo c’est 600 villages et 5 départements, mais il faut absolument y être pour voir un peu comment les gens se préparent. Dans les 600 villages du Gontougo les gens se préparent dans les meilleures dispositions d’esprits pour la fête.

31 ans après, il doit avoir eu assez de perditions des valeurs ....?

Non pas du tout, il y a la fête d’igname. Le Fodjo et le Fofié ont lieu chaque année. C’est peut être le fait de se retrouver qui manquait. Bien au contraire, il faut souvent reculer pour mieux sauter. A ce niveau, il n’y a pas de problème. Nous sommes dans les meilleures dispositions d’esprit pour la fête.

Quel est le secret du peuple Bron pour préserver ces valeurs traditionnelles?

Le secret du peuple Bron, c’est ce qu’il donne au quotidien, sa culture, sa manière d’agir, de parler et de procéder. Nous enseignons nos mœurs depuis le bas âge. Cette manière permet à adolescent, c’est-à-dire au petit Bron de se comporter comme une vielle personne. Ce sont des choses qu’on ne perdra pas. Ce que nous pouvons offrir à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique, c’est notre culture.

Avez-vous une recette pour préserver votre langue maternelle face à la poussée de l'occidentalisation?

Il faut enseigner notre langue maternelle. Le constat que nous faisons aujourd’hui dans notre région, est que les Brons parlent plus le Koulango que leur langue maternelle. C’est pourquoi, nous avons commencé depuis deux à trois ans à enseigner notre langue maternelle dans certains villages. Avec la mise sur pied de ''l’Adayé Kessiè'' nous allons profiter pour faire d'une pierre deux coups. Nous formerons au moins 100 formateurs en langue Bron pour enseigner cette langue dans tous nos villages. Nous sommes confiants que notre langue a perdu un peu de sa vitesse de croisière. Nous avons commencé, et nous comptons intensifier cet enseignement.

Le mariage mixte ne menace-t-il pas ces valeurs traditionnelles?

Le monde évolue, et il faut faire avec. Nous ne pouvons pas nous opposer au mariage mixte. Bien au contraire, c’est une bonne chose. Mais cela n’empêche pas qu’on mette un peut en exergue notre culture.

A part les Brons, qui sont les invités de l’Adayé Kessié ?

Tous le monde est invité, mais comme dans tous milieu il y a toujours des leaders, des élites, nous avons estimé qu’il faut faire un clin d’œil à l’Etat de Côte d’Ivoire en ayant pour invité d’honneur le vice-président de la République, Daniel Kablan Duncan. En outre, nous invitons nos alliés car, nous les Brons, nous avons beaucoup d’alliés dans ce pays. Les alliances chez nous sont un vecteurs très important. C’est un levier qui nous permet de régler des problèmes dans des situations vraiment cruciales. Pendant cette fête, nous ferons un clin d’œil à nos alliés. Donc, l’Adayé Kèssiè est pour nous le lieu de faire une démonstration de force.

A propos d’alliance quelles sont vos relations avec vos voisins?

Les alliances commencent par la famille. Chez nous, le petits-fils est allié à son grand père. Ce que le fils va dire à son père, le petit fils peut le lui dire aussi.

Souvent nous passons par le canal du petit-fils pour envoyer des messages (qu’on pourrait prendre comme sacrilège) au grand-père. Avec les guerres qu’il y a eu chez nous à l’époque, au 17è et 18ème siècle, nous avons pensé qu’il faut vivre dans une certaine alliance, dans une certaine osmose au point où le Bron est allié au Koulango et au Nafana. Le Gontougo, c’est onze (11) ethnies, et il y a une parfaite alliance qui existe entre nous. Nous avons aussi nos alliés naturelles venues du Ghana qui se sont les Agni et les Baoulé. Par extension nous sommes aussi alliés au grand groupe Sénoufo, et au groupe des Akan lagunaires.

A quoi doit-on s'attendre, cette semaine?

Bien avant l’Adayé Kèssiè, il y a le parcours du Fodjo, du Mouroufié et du Fofié. Celui qui a raté tout cela, ne doit pas rater ''l’Adayé Kèssiè''. J’invite donc tout le monde à cette fête. Ce sera l’occasion pour nous d’être en communion d’esprit avec les vivants, mais surtout avec les morts parce que les Bron vouent un culte aux morts. Nous allons célébrer les morts car, ''l’Adayé Kessié c’est penser à ceux qui se sont endormis et rêver ensuite aux bonnes choses.

Entretien réalisé par Félix D.BONY & Alphonse CAMARA