Débats et opinions : Blaise Compaoré et la conquête définitive de la Côte d’Ivoire par la France

Par IvoireBusiness - Blaise Compaoré et la conquête définitive de la Côte d’Ivoire par la France.

Blaise Compaoré, président du Burkina Faso.

BLAISE COMPAORÉ ET LA CONQUÊTE DÉFINITIVE DE LA CÔTE D’IVOIRE PAR LA FRANCE

L’interview de Blaise Compaoré paru dans Jeune Afrique, de manière
concomitante à la conférence de presse tenue par Hollande et Alassane
Ouattara, nous introduit dans la grande manoeuvre politico-militaire que
prépare l’Élysée, en vue de la pacification du Burkina Faso et de la
conquête définitive de la Côte d’Ivoire. Ouattara et Compaoré, à la
solde de l’Élysée, ont à relever les mêmes défis ; il s’agit de
suffoquer toute aspiration des démocrates de leurs pays respectifs à la
souveraineté, en opérant, avec la bénédiction de la France, des choix
politiques impopulaires, anti-démocratiques. La résolution de la crise
ivoirienne est, en effet, étroitement liée aux décisions politiques prises
par le président Burkinabé qui tire les ficelles de la crise ivoirienne et
de la partition du Mali. Son maintien à la tête du Burkina Faso est utile
à la réinstallation d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, d’où sa
volonté de modifier l’article 37 de la Constitution de son pays, afin de
mettre fin à toute limitation du mandat présidentiel. Compaoré s’inspire
des manoeuvres politiques de la France et d’Alassane en Côte d’Ivoire
pour contourner la Constitution de son pays. Si la Commission électorale
indépendante (la CEI) fut l’instrument politique utilisé par l’Élysée
pour fragiliser la Constitution ivoirienne, en lui arrogeant des
prérogatives propres à la Cour Constitutionnelle de notre pays, à savoir
la proclamation officielle des résultats présidentiels, l’organisation
d’un référendum au Burkina Faso est l’arme politique dont veut se
servir Compaoré pour se maintenir, à vie, au pouvoir. La réussite de cette
grande manoeuvre politique, face à une opposition burkinabé vigilante et
déterminée, dépend essentiellement de l’effet de surprise qu’il
entretient volontairement. Jeune Afrique souligne, en fait, qu’en 2012, à
la question : "envisagez-vous de modifier la Constitution pour vous
représenter en 2015 ?", il avait répondu que l'échéance était encore
loin, qu’il n'y pensait pas car il avait d'autres priorités. En 2014, à
un an des élections présidentielles, il affirme n’avoir encore rien
décidé. Il réfléchit toujours et consulte les uns et les autres sur la
question du référendum pour supprimer la limitation du nombre de mandats,
comme sur celle de sa candidature si ce dernier la rendait possible. Et
pourtant, dans la suite de son interview, Blaise Compaoré dévoile son
intention de se maintenir éternellement au pouvoir, à travers un langage
hermétique, un message codé qu’il transmet à son électorat (ses
apatrides) à cheval sur la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Le
véritable enjeu, souligne-t-il, réside dans l’organisation de scrutins
véritablement démocratiques plutôt que de se focaliser sur des verrous
constitutionnels destinés à limiter la durée de vie au pouvoir. « Au
Burkina » ajoute-t-il, « notre histoire prouve que les gens sont mûrs,
qu'ils peuvent faire leur choix en toute sincérité. Pour obtenir des
résultats, en Afrique, nous avons besoin de plus de temps. Ce qui me
préoccupe, c'est ce que deviendra le Burkina, trouver la bonne formule,
garantir la stabilité, ne pas voir détruit tout ce qui a été mis en
place. Je n'ai pas envie d'assister à l'effondrement de mon pays pendant que
je me repose ou parcours le monde... ». Si Compaoré est hanté par la
crainte de voir s’effondrer son héritage politique après lui, et veut
s’accorder plus de temps au pouvoir, cela signifie qu’il considère, dans
le secret de son coeur, que les burkinabé ne sont pas encore mûrs,
contrairement à ce qu’il soutient publiquement. Pour Ouattara et
Compaoré, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ne peuvent survivre à leur
personne. Toutes leurs actions politiques s’articulent autour de leur égo.
Compaoré reprend pratiquement le discours prononcé par Ouattara, durant sa
conférence de presse à Korhogo, quand il dévoile sa vision politique, et
nous parle de sa conception du développement : « Nous devrions nous
concentrer sur les mesures qui ont un impact évident sur les populations :
interconnexion électrique, mise à disposition de milliers de tracteurs pour
nos paysans,
aménagement de barrages, construction de routes, etc. De quoi d'autre,
sérieusement, pouvons-nous parler entre le Burkina, le Malawi ou l'Égypte ?
Traitons les problèmes pratiques, évidents. C'est à ce niveau que les
Africains nous attendent. Contrairement à l'impression de départ, ou aux
déclarations d'intention » « Mon obsession, ce sont les partenariats qui
nous permettent de nous développer». Pendant que les démocrates burkinabé
et ivoiriens, fils spirituels de Sankara et Laurent Gbagbo invitent leurs
peuples respectifs à apprendre à pêcher, en assumant leur propre destin,
Ouattara et Compaoré sont hantés par leurs partenaires étrangers, d’où
leur volonté commune de fragiliser la Constitution de leurs pays respectifs,
afin de recevoir leur légitimité de la Communauté internationale qui
n’est, en réalité, que le monde de la Finance qui veut s’accaparer le
pouvoir politique des peuples africains, après avoir conquis le pouvoir
économique, par le biais de leurs multinationales qui nous invitent à nous
endetter excessivement. Ouattara et Compaoré n’ont aucun poids politique
véritable, sans le soutien de l’Élysée et de leurs partenaires
économiques qui entretiennent des relations commerciales avec les gens de
leur clan, pendant que le peuple doit être maintenu dans l’ignorance, il
doit se contenter de routes, d’électricité etc… et croire surtout que
ce qui brille est de l’or. Sankara et Laurent Gbagbo sont, contrairement à
ces derniers, soit vénérés soit adulés par les populations démocrates.
Sankara, de sa tombe, inspire toujours les démocrates africains qui veulent
apprendre à pêcher, et non à mendier. Gbagbo, de sa prison (la Haye : la
Gorée des Temps modernes), oeuvre, quant à lui, à la libération morale,
psychologique, économique, politique, des Africains, étape fondamentale à
tout développement harmonieux, respectueux de la dignité des peuples, sans
distinction de race, de sexe, de religion. Compaoré, qui invite les
Africains à balayer devant leur propre porte, parce que responsables de
leurs propres malheurs, doit témoigner, le premier, de sa bonne foi, en
respectant la limitation du nombre des mandats présidentiels prévu par la
Constitution de son pays. Une illimitation du nombre de ces mandats ne peut
que favoriser l’éclosion de régimes dictatoriaux, indépendamment de la
race ou du sexe, puisque Mussolini et Hitler, qui ont fini par s’imposer à
leurs peuples, par la force des armes, n’étaient pas des Africains. Si les
nations développées qui ont des institutions fortes ont jugé bon de
limiter le nombre du mandat présidentiel, c’est parce qu’elles tiennent
à mettre un frein au caractère insatiable de notre nature humaine qui
transparaît justement dans les discours de Compaoré. Parler, en effet, de
l’excès de viande qui ne gâte pas la sauce, selon ses propres termes, au
moment où le journaliste Marwane Ben Yahmed évoque la guerre fratricide au
Mali et le nombre pléthorique des médiateurs, dévoile, d’un point de vue
psychologique, un trait de volupté, d’insatiabilité, de cynisme, qui
caractériseraient Compaoré, qui prend un malin plaisir à suivre l’agonie
de ses amis ; les déboires de Sarkosy, de Soro Guillaume et des Forces
Nouvelles, comme un feuilleton, puisqu’il attend, avec impatience, ce que
leur réserve la Cour pénale internationale, et comment finira la mise en
examen du président français. Que dire alors du jeudi noir, de l’agonie
de son ami et frère Sankara? Lorsque le journaliste évoque, justement, le
souvenir de Sankara comparé au Che Guevara africain et lui demande s’il
est gêné par ses propos, Compaoré affirme sans ménagement : « Pas le
moins du monde. D'autres se souviennent qu'à son époque il n'y avait aucune
liberté dans ce pays : ni de presse, ni d'association, ni d'entreprendre, ni
syndicale, ni politique... D'ailleurs, les partis, nombreux, qui revendiquent
sa mémoire et utilisent son nom n'ont jamais vraiment brillé. Il y a le
mythe et il y a la réalité». Tout dépend de la conception que le
président burkinabé a de la liberté parce que lutter pour modifier la
Constitution de son pays, dans le but de demeurer éternellement au pouvoir,
grâce à des élections supposées transparentes où l’électorat des
apatrides récompensé, après avoir pris des armes pour soutenir Ouattara en
Côte d’Ivoire, est acquis déjà à sa cause s’appelle : « manipulation
politique du peuple burkinabé » et non conquête de la liberté. Les
démocrates ivoiriens et burkinabé se doivent de comprendre que face à la
coalition formée par Ouattara, Compaoré et l’Élysée, à la solde du
monde de la finance, ils se doivent de former la coalition des démocrates
africains, au-delà de leurs frontières respectives, de jeter les bases
d’une Union identique à la CEE (la Communauté Économique Européenne)
formée par la France et l’Allemagne pour être un moteur de développement
politique et économique de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso,
respectueuse de nos Constitutions respectives, qui s’ouvrira
progressivement aux démocrates maliens. La fragilisation de nos
Constitutions par Ouattara et Compaoré a pour but de créer les conditions
favorables à une nouvelle colonisation de l’Afrique. Luttons donc pour
préserver nos acquis, pour protéger nos Constitutions, en formant en Côte
d’Ivoire une CEI légitime, en faisant obstacle au Burkina à une
modification de l’article 37 de leur Constitution. Cette lutte politique
obligera la France à signer des accords gagnant-gagnant qui nous
permettront, par exemple, de développer une flotte aérienne moderne et non
vétuste, très souvent à l’origine des drames que nous connaissons en
Afrique puisque pour l’Élysée, notre continent est soit la poubelle soit
le débarras du monde. C’est en Afrique que sont vendus des avions dont la
France « protectionniste » n’a plus besoin. Condoléances aux familles
françaises, burkinabé, espagnoles, à la compagnie Air Algérie… Nous ne
pourrons limiter ce type de drame que si nos institutions politiques
survivent à ces serviteurs de la France que sont Compaoré et Ouattara, qui
se contentent d’être repus au milieu de peuples affamés qui ne jouissent
pas des mêmes opportunités. Nous irons aux élections et enregistrerons une
grande mobilisation historique des électeurs démocrates. Ce sera, pour
nous, l’unique occasion de plaider la légitime défense si l’Élysée
s’obstine, de nouveau, à voler à nos peuples démocrates leur
souveraineté conquise dans les urnes. Personne ne pourra alors contenir les
fleuves en crue….

Une contribution de Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)