CPI - Rebondissement "Affaire Gbagbo": Audience de Laurent Gbagbo à la Cpi Altit exige un face-à-face avec Bensouda

Par Notre Voie - Audience de Laurent Gbagbo à la Cpi Altit exige un face-à-face avec Bensouda.

Dans une requête déposée le lundi dernier, 3 février, sur le bureau des juges de la chambre préliminaire I de la cour pénale internationale (Cpi), Me Emmanuel Altit,
l’avocat principal du président Laurent Gbagbo leur demande deux choses : « ordonne la tenue d’une audience
de confirmation des charges et la tenue d’une audience de mise en état afin de discuter du calendrier et
du déroulé de l’audience de confirmation des charges ».
Pour l’avocat français, ces deux décisions sont d’une importance capitale si la Chambre ne veut pas que la suite de la procédure soit biaisée.
Selon Me Altit, « la nontenue d’une véritable audience de confirmation des charges, orale, aurait pour conséquence que, si le nouveau DCC était déclaré recevable, trois des cinq modes de responsabilité n’auraient
pas été discutés de manière contradictoire; un grand nombre de nouveaux faits apportés au soutien de
l’existence d’une attaque contre la population civile n’auraient pas été abordés; près de la moitié des éléments
divulgués n’aurait pas été discutée de manière contradictoire ».
Il estime que « le fait que le Procureur ait considérablement dépassé le cadre du simple ajournement qui avait été tracé par les Juges justifie que l’audience de confirmation des charges reprenne et que tous les éléments
nouveaux présentés par le Procureur et les modifications profondes des charges qu’il a effectuées fassent l’objet d’un véritable débat contradictoire, seul moyen pour que les droits de la défense soient pleinement
respectés».
L’avocat du président Gbagbo estime d’autant plus nécessaire une nouvelle audience de confirmation des
charges que, selon lui, le procureur a largement dépassé le cadre du simple ajournement des charges en modifiant
en profondeur son document contenant les charges et en y ajoutant trois nouveaux modes de responsabilité
qui n’étaient dans le premier.
« Ne pas reprendre la phase orale de l’audience de confirmation des charges là où elle
s’était arrêtée (…) reviendrait en pratique à arrêter brutalement l’audience sans qu’y soient discutés les points les plus importants. Ce serait comme si l’audience de février 2013 avait été abruptement arrêtée au bout de la moitié des présentations tant du Procureur que de la défense », explique
encore Me Altit.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Me Alit exige l’organisation d’une conférence de mise en état le
7 février afin que les questions d’organisation de l’audience de confirmation des charges soient préalablement
discutées entre les parties.
Sera-t-il cette fois-ci entendu ? On sait déjà que le procureur s’oppose à l’organisation d’une conférence de mise en état. Concernant l’organisation d’un véritable débat contradictoire et oral, Fatou Bensouda a répondu hier qu’elle s’accommoderait volontiers du calendrier arrêté par la Chambre.
Toutefois, elle ne saurait pas opposée à ce que des audiences orales soient organisées.
Mais de son point de vue, celles-ci devront porter sur des questions précises susceptibles d’éclairer la Chambre dans la conduite de la procédure.

Augustin Kouyo

REBONDISSEMENT A LA CPI : Me ALTIT DENONCE DES MANIPULATIONS DE BENSOUDA (PAR L’INTER)
Après sa requête en date du 30 janvier 2014 portant sur l'organisation '' d'une conférence de mise en l'état '', sur laquelle la Chambre préliminaire I ne s'est pas encore prononcée, l'avocat principal de l'ex-président ivoirien, poursuivit pour crimes contre l'humanité devant la Cour pénale internationale (CPI), a introduit une autre requête datée du 31 janvier 2014, et intitulé '' Corrigendum de la « Requête afin que soit déclaré irrecevable au fond le document Contenant les Charges déposé par le Procureur le 20 janvier 2014 »

L'avocat français de Gbagbo demande cette fois à la Chambre de « statuer immédiatement sur la présente requête sans la joindre à la discussion sur le fond, dans l’intérêt de la justice ; constater que : le DCC amendé et corrigé opère une modification des charges qui dépasse le cadre d’un simple ajournement en ce qu’ilajoute les modes de responsabilité sous 25(3)(b), 28(a) et 28(b) aux modes de responsabilité mentionnés dans le DCC précédent ; modifie les faits sous-tendant les charges, notamment les faits visant à établir l’existence des éléments contextuels des crimes contre l’humanité ; que le DCC ne satisfait pas aux exigences minimales de précision requises par le Statut concernant la notification des charges ; en particulier il ne satisfait pas aux exigences de précision concernant la définition des crimes et des modes de responsabilité.

Déclarer le DCC irrecevable en l’état et inviter le Procureur à l’amender en conséquence »,conclut le document publié sur le site officiel de la CPI hier mercredi 05 février. Avant d'en arriver là, Me Altit présente ses arguments. Le premier, c'est le droit du suspect de connaître dans les détails les charges formulées contre lui afin de préparer sa défense et garantir ainsi une procédure équitable. L'avocat va ensuite se lancer dans une démonstration de ce que devrait être un document des charges, qui doit mentionner notamment

le nom complet de la personne, l'exposé des faits indiquant quand et où les crimes auraient été

commis, la qualification juridique des faits, qui précise la compétence de la CPI à se prononcer sur ces faits et la forme de participation au crime reprochée au suspect. Il fait remarquer que « la détermination par le Procureur dans son DCC d’un mode de responsabilité précis reproché au suspect, fondée sur un exposé des faits suffisamment détaillé est donc une obligation du Procureur. De tels développements doivent constituer le cœur de l’argumentation du Procureur, puisqu’ils permettent seuls de donner à voir les charges.

En d’autres termes, sans détermination suffisamment précise d’un mode de responsabilité particulier, la charge ne peut être considérée comme suffisamment constituée. Pour que le suspect puisse se défendre et que les Juges puissent se prononcer, le Procureur ne peut rester dans le flou ou le contradictoire ». Altit ajoute que toute modification de l’un des éléments constitutifs d’une charge tel qu’un élément contextuel ou matériel, entraine une modification de la qualification juridique et par conséquent de la charge elle- même ; et qu'il ne peut y avoir de notification d’une charge, conforme au Statut et à la jurisprudence sans que le Procureur ait expliqué en détail les faits sous-tendant ces charges et démontré que la qualification juridique retenue correspondait à ces faits. Bensouda n'aurait pas fait tout cela.

Arguments d'irrecevabilité du DDC de Bensouda

L'avocat de Gbagbo fait valoir par ailleurs que « la marge de manœuvre du Procureur est limitée et que le Procureur n’aurait pas dû transformer fondamentalement son DCC ». Il rappelle qu'à l'ajournement de l'audience de confirmation des charges le 03 juin 2013, les juges avaient demandé au Procureur de présenter d’autres éléments, après avoir mené d'autres investigations, afin que les juges soient suffisamment éclairés sur le déroulement des faits.

« Les Juges ont considéré notamment qu’ils ne disposaient pas des éléments leur permettant de se prononcer sur l’existence ou non d’une attaque générale ou systématique contre la population civile telle que définie à l’Article 7 du Statut (…) Ainsi, bien que les Juges aient demandé des précisions d’ordre factuel au Procureur et qu’ils lui aient demandé de présenter des éléments de preuve plus convaincants portant sur toutes ses allégations, ils ne lui ont à aucun moment demandé de reformuler les charges ou de les modifier (...) Les Juges n’ont pas autorisé le Procureur à transformer son DCC en profondeur pour répondre aux failles de raisonnement mises en lumière par la défense ou pour occulter certaines de ses allégations, encore moins pour les remplacer par d’autres.

Le Procureur est comptable des allégations qu’il a formulées au début de la procédure et ne peut en modifier, en cours de procédure, la nature selon son bon vouloir, en fonction de la mise en lumière de ses faiblesses », martèle Emmanuel Altit, soulignant que « Ce serait permettre au Procureur d’utiliser la surprise comme arme contre la défense, en contradiction de tous les principes qui fondent une procédure équitable », si une telle marge de manœuvre était permise au Procureur. Or, maintient Me Altit, « à la lecture du DCC amendé, il apparaît clairement que le Procureur a modifié les charges formulées contre le président Gbagbo. Ainsi, il a non seulement ajouté de nouveaux modes de responsabilité à son DCC (2.2.1), mais il a modifié aussi la base factuelle qui supporte les charges et ce, à de nombreux endroits du DCC, notablement lorsqu’il s’agit des éléments contextuels des crimes contre l’humanité (2.2.2) ». Il rappellera en effet que le Procureur avait initialement engagé des poursuites contre le président Gbagbo sur la base d’un seul et unique mode de responsabilité : la co-action indirecte, prévue à l’Article 25(3)(a) du Statut de Rome.

Mais dans le présent DCC amendé, l'avocat de Gbagbo note que le Procureur a « inclus le mode de responsabilité du supérieur hiérarchique, celui du supérieur militaire mais aussi celui du supérieur civil, mentionné à l’Article 28 du Statut, mais encore y a-t-il ajouté un nouveau mode de responsabilité, fondé sur le fait d’ordonner, de solliciter ou d’encourager la commission d’un crime, mode mentionné à l’Article 25(3)(b).

L’ajout de ces trois modes de responsabilité constitue bien, à l’évidence, une modification des charges par rapport aux charges initiales. (...)De telles modifications des charges, donc du DCC, ne peuvent être effectuées sans que soit respectée la procédure prévue à cet effet. Et force est de constater que le Statut n’autorise absolument pas le Procureur à modifier les charges au cours de l’audience de confirmation. Le Procureur peut les modifier avant l’audience ou, en cas de confirmation, après l’audience et avant le procès mais en aucun cas pendant le déroulé de l’audience de confirmation des charges », s'offusque le Conseil principal de Gbagbo. Il rappelle que c'est au « défaut d’enquête que les Juges ont demandé au Procureur de remédier et c’est ce pourquoi ils lui ont octroyé un laps de temps supplémentaire.

Le Procureur aura eu presque un an depuis la fin de l’audience de confirmation des charges jusqu’au 13 janvier 2014 pour mener des enquêtes et présenter des éléments plus probants que ceux qu’il avait présentés jusqu’alors (...) Malheureusement, le Procureur a fait exactement l’inverse de ce qui lui était ordonné par les Juges en modifiant dans son nouveau DCC les incidents sous-tendant les éléments contextuels des crimes contre l’humanité, en en faisant apparaitre certains et disparaître d’autres ».

Me Altit fera remarquer que Bensouda est coutumier du fait, notant que lors de l’audience de confirmation des charges de février 2013, le Procureur avait mentionné treize nouveaux incidents qui n’existaient pas dans son DCC, soit presqu’un tiers des incidents discutés à l’audience. « Dans le DCC qu’il a déposé le 20 janvier 2014, le Procureur mentionne désormais 39 évènements au soutien de sa démonstration. La logique aurait voulu qu’il abandonnât 6 évènements parmi les 45 discutés lors de l’audience de février 2013. Or ce n’est pas du tout le cas.

En réalité, 23 évènements, présentés pourtant à l’époque par le Procureur comme essentiels, sur lesquels il s’était appuyé lors de l’audience de février 2013, ont disparu ; 16 nouveaux événements ont été rajoutés. Or, il apparait que ces nouveaux évènements n’ont jamais été évoqués par le Procureur, que ce soit dans son DCC du 17 janvier 2013, ou lors de l’audience de confirmation des charges », dénonce Altit. « Ce DCC modifiant de façon substantielle les charges, il appartient à la Chambre de le rejeter, puisqu’il n’obéit pas au cadre juridique que les Juges ont tracé », ajoute- t-il.

Pour lui, il a été démontré le non-respect par le Procureur de ses obligations, notamment celle de notifier à Laurent Gbagbo des charges claires et précises. « Le procédé utilisé par le Procureur est caractérisé par un certain manque de loyauté. Ce procédé qui consiste à modifier une argumentation au gré des difficultés rencontrées est un modus operandi habituel du Procureur depuis le début de l’audience de confirmation des charges », conclut l'avocat de Laurent Gbagbo, avant de demander à la Chambre préliminaire de déclarer irrecevable le document contenant les charges contre son client.

L'INTER