Egypte : l’ex-président Mohamed Morsi meurt en plein procès

Par Liberation - Egypte. L'ex-président Mohamed Morsi meurt en plein procès.

Mohamed Morsi en mai 2014, lors d'un procès sur des évasions de détenus durant la révoltant anti-Moubarak de 2011. Photo Tarek El-Gabass. AFP.

Par Luc Mathieu et Hala Kodmani

Premier chef d’Etat démocratiquement élu, ce Frère musulman avait été renversé au bout d’un an. En prison depuis 2011, il a succombé lundi alors qu’il était entendu par la justice.

Mohamed Morsi s’est effondré en plein tribunal lundi au cours de sa dernière audition. L’ancien président égyptien appartenant aux Frères musulmans venait de demander la parole au juge. Il s’est exprimé pendant quelques minutes avant de perdre connaissance et a succombé aussitôt, a annoncé la télévision égyptienne.

Son corps a été transporté dans un hôpital du Caire pour déterminer les causes du décès. Celles-ci devaient faire l’objet d’un communiqué officiel du procureur général de la République, qui s’est rendu à l’hôpital. L’ancien chef d’Etat, âgé de 67 ans, souffrait selon son entourage de diabète et d’hypertension.

Ecarté du pouvoir par un coup de force début juillet 2013, un an après son élection, le premier président non militaire de l’histoire du pays était en prison depuis. Poursuivi pour plusieurs chefs d’accusation, il a été jugé notamment dans un dossier d’espionnage au bénéfice de l’Iran, du Qatar et des groupes militants comme le Hamas à Gaza. Il a également été accusé de fomenter des actes de terrorisme. Il purgeait une première peine de sept ans pour «falsification de son dossier de candidature pour les élections de juin 2012».

Massacre
Fils d’un paysan pauvre, Morsi s’est retrouvé candidat par défaut à l’élection présidentielle un an après la révolution égyptienne et la chute d’Hosni Moubarak. La confrérie lui avait préféré son dirigeant le plus connu, Khairat al-Chater, mais l’homme d’affaires ayant auparavant fait de la prison, sa candidature avait été rejetée par le Conseil suprême des forces armées. Peu charismatique, l’ingénieur Morsi le remplace alors. Sa campagne est terne mais il peut compter sur le puissant maillage du mouvement islamiste. Le 24 juin 2012, celui qui est surnommé «la roue de secours» est déclaré président face à Ahmed Chafik, ex-Premier ministre d’Hosni Moubarak.

Sa présidence bascule le 22 novembre lorsqu’il s’arroge par décret le pouvoir judiciaire. Le mois suivant, il soumet au référendum son projet de modification de la Constitution. Il l’emporte, mais le pays sombre. L’économie s’effondre et les réformes s’enlisent. La rue est furieuse.

Fin avril 2013, un petit groupe de jeunes activistes, anciens de la place Tahrir lors des manifestations contre Moubarak, se demandent comment renouer avec l’esprit de la révolution. Ils ont une idée simple : lancer une pétition qui demande le départ de Morsi. Le mouvement Tamarod (Rébellion) est né. Les signatures affluent et le groupe reçoit des financements d’hommes d’affaires.

Le 30 juin, l’appel à la manifestation est suivi par des millions de personnes. Les rassemblements se succèdent les jours suivants. L’armée, dirigée par Abdel Fatah al-Sissi, lui lance un ultimatum. Morsi refuse. Dans sa dernière intervention télévisée, dans la nuit du 2 au 3 juillet, il insiste sur sa «légitimité», son seul argument. Quelques heures plus tard, il est destitué et remplacé par le président de la Haute Cour constitutionnelle. Les militaires l’emmènent dans la caserne des officiers de la Garde républicaine.

Les manifestations ne cessent pas pour autant. Les partisans de Morsi dénoncent un coup d’Etat et investissent la place Rabia et les rues qui la bordent. Beaucoup de dirigeants des Frères musulmans sont là, à enchaîner les interviews et à répéter que seul Morsi est légitime. Le 14 août, l’armée lance l’assaut.

C’est un massacre. Dans un rapport publié un an plus tard, l’ONG Human Rights Watch (HRW) comptabilise plus de 810 morts. Depuis, Al-Sissi, ancien chef des armées et ministre de la Défense, désormais président, a mené une répression sans merci contre l’opposition islamiste en général et les Frères musulmans en particulier, dont des milliers de membres ont été emprisonnés.

Soins
Les polémiques ont surgi de toutes parts quelques heures après l’annonce de la mort de Morsi. D’abord sur les conditions de détention de l’ancien président égyptien, comme d’ailleurs de tous les prisonniers politiques en Egypte. La responsable Moyen-Orient de HRW a réagi très vite dans un tweet en disant que sa mort était «prévisible» et accusant le gouvernement égyptien de n’avoir pas assuré les soins médicaux nécessaires en prison, ni les visites de sa famille.

Lors de sa précédente audience, le 7 mai, Morsi avait effectivement déclaré que sa vie était en danger, en raison de son état de santé. Plusieurs autres détenus membres des Frères musulmans ont péri en prison. Des défenseurs des droits de l’homme ont même récemment accusé les services égyptiens d’avoir présenté comme des corps de terroristes abattus dans le Sinaï les dépouilles de détenus morts en prison.

Recep Tayyip Erdogan, l’homme fort de la Turquie où les Frères musulmans égyptiens sont réfugiés, a regretté «le martyr» Mohamed Morsi, en qui il a salué «l’un des plus grands militants de la démocratie dans l’histoire».

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