Devoir de mémoire par Professeur BALOU BI: « Le Président Laurent Gbagbo n’est pas un chef ethnocentriste ». « C’est lui la victime de l’ethnocentrisme »

Par IvoireBusiness /Débats et Opinions- Devoir de mémoire par Professeur BALOU BI « Le Président Laurent Gbagbo n’est pas un chef ethnocentriste ».« C’est lui la victime de l’ethnocentrisme ».

Pr BALOU BI Toto Jérôme.

A l’entame de cette nouvelle année, pleine de défis et d’espérance pour les ivoiriens, et au moment où la Cour pénale Internationale s’apprête à donner le verdict du procès intenté contre le Président Laurent GBAGBO et le Ministre Charles Blé Goudé, je voudrais ici rappeler à la mémoire des milliers d’ivoiriens qui attendent le retour des « otages de la France », mais aussi à la mémoire de la communauté mondiale que parmi tous les crimes dont a été accusé Laurent GBAGBO, on l’a longtemps traité de Chef ethnocentriste.

C’est d’ailleurs ce qu’un collectif de 38 universitaires dont 23 résidant en France, se sont évertués à démontrer à travers un article qu’ils vont publier, au plus fort de la crise postélectorale, dans l’édition du 19 janvier 2011 du journal le Monde . En voici quelques morceaux choisis :

- « A l’échelle nationale, les partisans de Laurent GBAGBO, sont une minorité tonitruante et agissante, monopolisant les médias d’Etat désormais caporalisés,.. » ;

- « le régime GBAGBO en a une conception ethnocentriste : seuls les membres issus des groupes ethniques originaires du sud ivoirien ont droit au chapitre pour élire leur chef. »

- « Le clan GBAGBO lutte aujourd’hui d’abord et avant tout pour le pouvoir, pour conserver le pouvoir, pour la jouissance même du pouvoir, avec tous les avantages matériels associés »

En réponse à ce tissu de mensonges cousu par ces « universitaires », et pour user de leur droit de réponse, des intellectuels ivoiriens issus de la LMP, et sur initiative de la Cellule Universitaire du Front Populaire Ivoirien, ont adressé en date du 22 janvier 2011 à la rédaction du journal le monde, le texte qui suit que je vous invite à lire avec patience.

« Dans son édition du 19 janvier 2011, Le Monde (quotidien parisien) a publié un article écrit par un collectif de 38 universitaires dont 23 résidant en France, intitulé "Laurent Gbagbo, chef ethnocentriste". Le présent texte est une réaction de la Cellule Universitaire de Réflexion et de Formation Politique du FPI (CURFP).

A propos du second tour du scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire, voici ce qu’affirment les co-auteurs de l’article : "Laurent Gbagbo s’est maintenu au pouvoir après avoir récusé les résultats du scrutin présidentiel favorables à Alassane Ouattara tels que proclamés par la Commission électorale indépendante, certifiés par l’ONU et reconnus par la communauté internationale".

De toute évidence, il s’agit là d’une méconnaissance du processus électoral. En effet, la Commission Electorale Indépendante (CEI) est un organe administratif qui ne donne que les résultats provisoires dans un délai impératif de trois (3) jours conformément à la Constitution. La CEI n’ayant pu respecter ce délai constitutionnel (du 29 novembre au 1er décembre 2010 à minuit) elle était frappée de forclusion.

A ce propos, M. Alassane Ouattara a adressé un courrier d’interpellation en date du 1er décembre 2010 au président de la CEI, dont voici un extrait : « nous nous permettons de rappeler que le délai de trois jours imparti à la commission électorale indépendante expire ce jour, avec comme conséquence le risque de voir la CEI dessaisie, ce qui serait un échec dans la conduite de votre mission ».

La CEI étant forclose, elle a transmis l’ensemble des 20 000 procès-verbaux, y compris le recours aux fins d’annulation déposé par le candidat Laurent Gbagbo au Conseil constitutionnel.

Cette juridiction suprême, juge de l’élection présidentielle, est la seule habilitée à proclamer les résultats définitifs selon la Constitution ivoirienne. Au terme de sa délibération du 3 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a proclamé les résultats définitifs donnant Laurent Gbagbo vainqueur avec 51,45% contre 48,55% à Alassane Ouattara. C’est le lieu de rappeler que la certification ne devait intervenir qu’au terme de la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel.

Les prétendus résultats donnés hors délai par M. Youssouf Bakayoko, au QG de campagne de Alassane Ouattara, et à l’insu des Commissaires centraux ainsi que des représentants des deux candidats, étaient de fait nuls et de nul effet.

Par conséquent, la certification de M. Choï qui est une véritable imposture, n’a jamais existé en droit. Il ressort de ce qui précède que Laurent Gbagbo est bien le vainqueur de l’élection présidentielle. Il est donc intellectuellement et moralement malsain de l’accuser d’être un usurpateur de pouvoir.

Pourquoi M. Choï s’est-il précipité pour certifier des résultats provisoires ? Pourquoi, après avoir ignoré son arrêt sur les résultats, Ouattara a-t-il sollicité le Conseil constitutionnel pour son investiture ? Pourquoi cet activisme des ambassadeurs de France et des Etats-Unis et cet ultimatum inconvenant de Sarkozy ?

Si Ouattara est si sûr d’avoir gagné, pourquoi refuse-t-il l’idée d’évaluation proposée par Laurent Gbagbo et qui fait son chemin parmi les chefs d’Etat africains ? Que redoute le « bravetchè » du Nord ?

Faute de pouvoir répondre à ces questions simples et après le complot des politiciens, le lynchage des médias occidentaux, et les intrigues des milieux économiques, en attendant l’agression militaire, des intellectuels croient pouvoir porter l’estocade. Laurent Gbagbo ne peut être élu puisqu’il est ethnocentriste. Encore faut-il nous en convaincre !

Mais d’abord les lecteurs ont besoin de savoir lequel parmi les démocrates signataires du texte a condamné la violence politique de la rébellion ? Lequel s’est intéressé à sa composition ethnique ? Lequel se souciera alors de l’épuration électorale qui a eu lieu dans l’empire rebelle de monsieur Ouattara ?

Derrière l’indignation sélective se profilent les thèses de la "société ouverte" qui constituent la dernière trouvaille de l’ultralibéralisme et qui veulent qu’on voue aux gémonies les dirigeants qui défendent leur liberté et leur souveraineté et qu’on les accuse d’ethnocentrisme. L’actualité a montré l’hypocrisie de ceux qui oublient les droits de l’homme quand leurs intérêts et leurs relations personnelles sont en jeu.

A un moment où l’on cherche à savoir qui a gagné les élections, quelle est la pertinence de cette sortie idéologique ? Le recensement a déjà eu lieu et personne n’a parlé d’exclusion.

Le promoteur de l’ivoirité et la victime se sont réconciliés dans une alliance que le temps jugera. Plutôt que de démontrer que monsieur Ouattara n’a pas triché et qu’on a raison de s’en prendre au Conseil constitutionnel, on nous dit que Gbagbo ne peut avoir gagné parce qu’il est ethnocentriste. Nous comprenons alors pourquoi il faut absolument qu’il perde même si les méthodes employées n’ont rien d’élégant du point de vue éthique et intellectuel.

Mais les faits sont toujours têtus et les préjugés finissent, tôt ou tard, par le céder à la vérité. Comment écrire « seuls les membres issus de groupes originaires du Sud ivoirien ont droit au chapitre pour élire leur chef » quand le directeur national de campagne de Laurent Gbagbo est du Nord ? Des voix n’ont pas été annulées parce qu’elles sont du Nord mais en raison de la violence et de fraudes diverses. Là est le débat.

Par ailleurs, hormis les zones sous contrôle des rebelles en armes au moment du scrutin et où les résultats à la « soviétique » de Ouattara ont été objectivement invalidés pour fraudes massives et exactions sur les partisans du candidat Laurent Gbagbo, le score de celui-ci au second tour du scrutin sur l’ensemble du territoire, atteste qu’il est le seul candidat trans-ethnique.

Contrairement à son adversaire, il a été mieux élu hors de sa région d’origine. Il a gagné dans des régions traditionnellement acquises au PDCI. Le Président Laurent Gbagbo ne peut donc être « un chef ethnocentriste ». C’est lui la victime de l’ethnocentrisme de ceux qui, par pudeur ou honte, ont parlé de "majorité sociologique".

Si Ouattara est favorable à l’élimination physique de Laurent Gbagbo, voici que des intellectuels ont entamé leur entreprise de « character assassination ». Mais il est un grand résistant africain et la cause qu’il défend ne se laissera pas avilir par des considérations de bas étage. L’enjeu ce sont l’équité, la justice, la dignité et la stabilité démocratique.

L’une des caractéristiques essentielles d’une démarche « intellectuelle » dont la connaissance et la pratique sont présumées chez toute personne pouvant revendiquer le statut d’« Intellectuel », c’est l’attachement à une méthode rigoureuse dans le raisonnement et la recherche de l’objectivité qui éloigne des apories subjectives comme les préjugés et clichés de type primitiviste. Les co-auteurs de l’article rappelé supra ne l’ignorent pas puisqu’ils revendiquent « le souci d’une analyse rigoureuse ».

Cependant, les allégations légères et non fondées relevant d’apriorismes primaires font de cet attachement au « souci d’une analyse rigoureuse » une vaine incantation tant l’article apparaît comme un manifeste d’impostures intellectuelles grossières.

Mais après tout, un Intellectuel est aussi un citoyen du monde assujetti à des contingences de coterie qui peuvent faire apparaître comme bonnes à sa conscience personnelle des causes dont le bon sens universel et la logique de la démarche intellectuelle se détournent. L’article paru dans Le Monde du 19 janvier 2011 en donne la preuve. Il convenait que lui soit opposée une réaction appropriée.
Fait à Abidjan, le 22 janvier 2011 ».

Pour justifier son refus de publier ce droit de réponse, voici les raisons évoquées (on s’en doutait bien), le quotidien Le Monde et pour cause par l’intermédiaire d’un courrier électronique que nous reproduisons ci-après :

De: OPINIONS@LEMONDE.FR opinions@lemonde.fr
Objet: RE: texte cote divoire, en reponse à la tribune du 19 janvier 2011.
À: "michel galy" michelgaly55@yahoo.fr
Date: Mardi 1 février 2011, 9h56
Monsieur,
L’équipe des pages Débat a bien reçu votre point de vue. Nous l’avons lu attentivement et nous vous remercions de l’intérêt que vous portez au journal Le Monde.
Malheureusement, il ne me sera pas possible de le publier compte tenu de l’afflux de propositions que nous recevons pour un espace limité.
Recevez, Monsieur, l’assurance de toute ma considération.
Nicolas Truong
Responsable des Pages Débats.

Cela fait bientôt 10 ans que Monsieur OUATTARA est au pouvoir, 10 ans qu’il s’accapare avec sa famille et ses amis les richesses de notre pays, 10 ans qu’il privatise l’Etat de Côte d’Ivoire à son seul profit. Ainsi sa famille, ses amis et lui ont monopolisé l’administration, les marchés publics, le monde des affaires, l’armée, et j’en passe. Dix ans de désillusion, mais également de souffrances pour nos populations.

Sous Alassane OUATTARA, nous sommes aujourd’hui dans une société qui baigne dans l’inversion généralisée des signes et du sens, les valeurs n’ont plus de sens, comme les sens n’ont plus de valeur, une république déboussolée, ce que Kipling appelle un désastre triomphant. Dans la société ivoirienne version Alassane Ouattara, l’Etat lui-même a fini d’étouffer l’expression des valeurs.

Oui Monsieur OUATTARA est véritablement un désastre pour la Côte d’Ivoire, et je me suis autorisé à faire ce rappel ci-dessus, pour que les ivoiriens comprennent que « ceux qui oublient le passé sont condamnés à le répéter».

C’est pourquoi à la veille d’échéances importantes, les ivoiriens de tout bord, ne doivent jamais oublier que

La nation se construit sur la base d’ un corps constitué de doctrine et des convictions bien enracinées dans des valeurs à même de lui permettre de faire face aux mutations, aux imprévus du quotidien ; c’est-à-dire tout le contraire de cette race de prédateurs qui ont jeté leur dévolu sur les richesses de mon pays, et qui ne regardent que le court terme et se contentent d’obéir à leurs impulsions spontanées.

Les nations sont l’expression de la condition politique des sociétés humaines qui consiste à assurer leur unité dans l’espace, ce qui fait des terres un territoire, et à garantir leur continuité dans le temps, ce qui leur confère leur identité.

Nous n’avons que la Côte d’Ivoire, et nous avons l’impérieux devoir de la préserver, pour nos enfants, les enfants de nos enfants car « L’homme sans origine, sans peuple ni mémoire est une sorte de monstre, c’est l’homme sans qualité, un isolé plus qu’un individu, un être qui ne sait pas se définir, donc ne sait plus se conduire, et qui est donc incapable de jugement.

C’est donc la promesse du déchaînement de l’envie sans limite, et de la haine du ressentiment, sans honneur ni fidélité derrière soi » .
Bonne année à tous.

Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire

Pr BALOU BI Toto Jérôme ,

Enseignant-Chercheur au Laboratoire de Chimie des Matériaux (UFR-SSMT)-Université de Cocody-Abidjan/Laboratoire d'Etudes des Matériaux Polymères-Matériaux Avancés Organiques, Université Montpellier 2, Sciences et Techniques du Languedoc(France)
Ancien Secrétaire Général, Univ. d'Abidjan-Cocody( Côte d'Ivoire )-
Ancien Président du Réseau Africain des Secrétaires Généraux des Universités Francophones (RASGUF)
Membre associé du Conseil d'Administration du Groupement International des Secrétaires Généraux des Universités Francophones (GISGUF)
Vice-Président du Mouvement International Pour le Progrès Ecologique et Social (MIPPES).
Expert-Consultant, Institut IROKO, Paris

1 Election présidentielle en côte d'ivoire. Ou le pouvoir néocolonial dans tous ses états - Novembre 2010 - Janvier 2012 ( L’Harmattan, octobre 2013), sous la Direction de Dédy Séri Faustin et BALOU BI Toto Jérôme

2 Rudyard Kipling, né à Bombay, alors en Inde britannique, le 30 décembre 1865 et mort à Londres, le 18 janvier 1936, est un écrivain britannique.
3 Le renversement du monde – Politique de la crise Hervé Juvin, le Débat, Gallimard, édition 2010)