Limitation de l’âge des véhicules importés en Côte d’Ivoire : Le FPI dénonce une mesure arbitraire du régime Ouattara

Par IvoireBusiness - Limitation de l’âge des véhicules importés en Côte d’Ivoire. Le FPI dénonce une mesure arbitraire du régime Ouattara.

Sangaré Aboudramane, Président du front populaire ivoirien (FPI). Image d'archives.

Introduction

Le Gouvernement ivoirien a adopté à la fin de l’année 2017, deux décrets concernant le secteur des ventes de véhicules d’occasion, à savoir:

–le décret n°2017- 792 du 6 décembre 2017 portant limitation de l’âge des véhicules usagers importés en Côte d’Ivoire ;

–le décret n°2017-793 du 6 décembre 2017 portant fixation des durées d’exploitation des véhicules affectés au transport public ou privé de personnes ou de marchandises.

L’annonce de l’application imminente du premier décret dont l’entrée en vigueur initialement prévue à la fin du mois de mars 2018 et reportée en juin 2018retiendra davantage notre attention en raison de son impact négatif sur l’avenir des activités de transport public ou privé de marchandises ou des personnes.

Cette perspective suscite tour à tour angoisse, colère et indignation parmi les acteurs de la filière se traduisant par des agitations sociales dont la presse par moment s’est fait largement écho comme sujet d’actualité.

I – Les faits

1-1 Selon le Gouvernement actuel

La réglementation qui régit l’importation des véhicules de seconde main, a connu une évolution, en plusieurs phases ou étapes successives, pour les besoins d’adaptation constante et nécessaire, au regard des réalités du moment.

En effet, l’Etat de Côte d’Ivoire a accordé et accorde encore un intérêt tout particulier à l’importation des véhicules d’occasion, car balisée par un régime d’interdiction absolue par le passé, avec le décret n°88-52 du 20 janvier 1988 portant interdiction d’importation, pour la vente en Côte d’Ivoire de véhicules d’occasion, de pneumatiques déclassés, réchappés ou usagers, des chambres à air et de pièces détachées usagées.

La libéralisation de l’importation de ces véhicules intervient par le décret n°96-01 du 03 janvier 1996, présenté comme la solution au renouvellement du parc automobile des entreprises de transport. Ce décret n’a pas répondu aux attentes des pouvoirs publics qui estiment qu’il est à l’origine de l’entrée massive de véhicules d’âge très avancé dont les pays d’origine se débarrassent. Autrement dit, de l’avis de l’Etat, la Côte d’Ivoire est devenue un véritable dépotoir des véhicules usagés et considère cette situation intolérable à cause des abus que la libéralisation de l’importation des véhicules d’occasion a engendrés et qu’il faut réprimer.

Ainsi, le décret n°2002-306 du 29 mai 2002 portant libéralisation à l’importation des véhicules de tourisme et des véhicules automobiles usagés destinés au transport de marchandises et de personnes, a été pris pour prévenir et sanctionner ces abus, selon le Gouvernement. Une surtaxe a été instituée comme barrière tarifaire dont l’objectif est de décourager les importateurs qui voient de ce fait leur pouvoir d’achat baisser, par le renchérissement du prix de revient devenu prohibitif.

Néanmoins, le résultat de l’application de ce décret est jugé par les autorités comme «un succès mitigé».

Malgré toutes les mesures successives, allant de la plus souple à la plus coercitive, l’importation des véhicules d’occasion n’a jamais cessé de s’accroître car en relation avec le développement rapide du transport public ou privé des personnes ou des marchandises. C’est la preuve que l’importation des véhicules d’occasion répond à un besoin vital pour la population.

Face à ce constat d’échec, au niveau de l’application des différents décrets précités, l’Etat va décider de prendre de nouvelles dispositions réglementaires, mais cette fois-ci plus radicales, plus répressives pour canaliser ou encadrer au mieux cette activité qu’il ne peut plus interdire. C’est l’objectif ou l’esprit du décret n° 2017-792 du 6 décembre 2017 portant limitation de l’âge des véhicules usagés importés en Côte d’Ivoire.

1-2 Conséquences de la prise du décret

Ce nouveau décret doit pouvoir atteindre vaille que vaille son objectif, grâce à une campagne intensive de sensibilisation en direction des principaux opérateurs que sont les propriétaires de taxis, gbakas, transport en commun interurbain etc., à l’effet d’amener ces principaux acteurs de la filière à accepter les nouvelles mesures du reste impopulaires, avec un malaise ressenti par le corps social.

Cette sensibilisation à travers les médias d’Etat que sont Fraternité Matin, la RTI ainsi que tous leurs relais, n’a pas rencontré l’adhésion populaire souhaitée. Bien au contraire, partout elle n’a rencontré que l’hostilité, et la presse en a largement fait écho au début du mois de mars 2018, comme en témoignent les éléments ci-après:

-le débat houleux sur le sujet à la télévision nationale, au cours duquel les acteurs de la filière ont dénoncé avec véhémence ce nouveau décret dont l’adoption est jugée inopportune ;

– les reportages des télévisions étrangères notamment « France 24 » montrant des images de marches, de protestation et de colère contre ce décret devant l’Ambassade de Côte d’Ivoire en France, pour qu’il soit rapporté ;

-la publication au journal l’Inter n° 5 932 du vendredi 30 mars 2018 libellé comme suit: «importation de véhicules de plus de cinq ans, le Gouvernement proroge le délai»;

– la publication dans la presse du communiqué du Conseil des Ministres du mercredi 4 avril 2018 indiquant que l’application du décret controversé «est suspendu jusqu’à nouvel ordre».

Par ailleurs, les négociations à posteriori entreprise çà et là par l’Etat avec les différents acteurs de la filière indiquent que ce décret a été adopté dans la précipitation, sans y avoir associé ou impliqué les transporteurs et les importateurs.

II – Notre analyse

L’analyse du décret n° 2017-792 du 6 décembre 2017 porte sur les objectifs réels et inavoués du Gouvernement.

Les motifs du Gouvernement pour prendre les diverses mesures après la libéralisation de l’importation des véhicules d’occasion, de notre point de vue, ne sont pas fondés. Ils ne sont pas sincères, ils sont même fallacieux.

En effet, la libéralisation de l’importation des véhicules d’occasion après l’interdiction absolue, n’a pas été un échec comme l’affirment les pouvoirs publics, car elle a contribué à :

– créer une classe d’importateurs ivoiriens de véhicules d’occasion qui participent activement au développement de l’économie, par le paiement des droits et taxes liés à leurs activités ;

-créer des emplois ;

– créer une structure technique, le Guichet Unique Automobile (Gua) en vue d’identifier tous les véhicules importés.

-annihiler ou freiner considérablement l’importation frauduleuse des véhicules provenant des pays limitrophes ;

-réduire la pollution par le contrôle systématique des véhicules par la Sicta, avant leur mise en circulation en Côte d’Ivoire.

L’ouverture de l’importation à tous, a permis de mettre à portée de toute les bourses l’opportunité de renouveler et de multiplier plus facilement les outils de travail que sont les taxis, les gbakas, les camions et les véhicules de tourisme à la portée de toutes les bourses.

Le nouveau décret instaure à son article 1er, un régime général de restriction d’importer les véhicules en fonction de leur âge : « le présent décret a pour objet de fixer l’âge limite des véhicules d’occasion de tout type et de toute catégorie importés en Côte d’Ivoire ».

L’article 2 apparemment, apporte un assouplissement à cette restriction avec des exceptions qui constituent un régime dérogatoire, un régime particulier.

Mais ce régime particulier tel que libellé interdit en réalité à tout Ivoirien, d’importer des véhicules au regard de leur âge limite sauf les diplomates et les fonctionnaires internationaux ainsi que les Ivoiriens résidents à l’étranger pour des raisons professionnelles. Cette disposition n’a pas de sens, dans la mesure où elle ne précise pas la nature de l’activité professionnelle exercée par les résidents Ivoiriens à l’étranger, un flou susceptible d’abus de toutes sortes.

En outre, les véhicules considérés comme « d’âge très avancé » sont utiles à nos populations à majorité de classe moyenne qui ne peuvent s’offrir des véhicules neufs ou moins de cinq ans, vendus à des coûts prohibitifs. Ces véhicules sont nécessaires pour le développement des activités de transport en faveur du plus grand nombre, de surcroît les plus démunis.

D’après notre analyse, ce décret a été pris pour des motifs inavoués, notamment:

– éliminer tous les acteurs traditionnels de ce marché;

-limiter cette activité uniquement aux sociétés écrans appartenant aux hommes du pouvoir;

– empêcher la population d’acquérir à moindre coût, des moyens de déplacement (véhicules à usage personnel).

Les exemples ne manquent pas. Le plus récent et le plus édifiant est que, à la veille des Jeux de la Francophonie, une structure, certainement une société- écran appartenant à l’Etat, s’est affichée avec des taxis neufs portant le label «Taxi de Côte d’Ivoire», estampillée de l’effigie de la tête d’éléphant, emblème de la nation.

C’est le cas également de l’exploitation des plans d’eau lagunaires par les bateaux-bus. Ici encore, l’on voit la main occulte, tentaculaire et gourmande de l’Etat.

Un Etat félon et prédateur qui se déguise par personne interposée, pour s’accaparer lui-même des activités de production ou de prestations de services réservées traditionnellement au privé ; alors que l’Etat ayant pour vocation entre autres, d’encadrer tous les secteurs d’activités au risque de se heurter à des conflits d’intérêts, s’il devient lui-même acteur, au mépris des règles de bonne gouvernance.

III- Notre position

Considérant ce qui précède, le Front Populaire Ivoirien :

– dénonce avec la dernière énergie, les dérives d’un Etat tentaculaire et gourmand qui veut éjecter par le biais de ce décret, les opérateurs traditionnels du secteur, du fait des moyens colossaux dont il dispose ;

– exhorte le Gouvernement à se préoccuper davantage de la sécurité et la santé des populations en prenant pour motifs, les risques d’accident, de maladie et la préservation de l’environnement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce;

-soutien les acteurs de la filière dans leurs revendications visant le retrait de ce décret;

-appelle le Gouvernement à la raison, pour reconsidérer sa position en vue du retrait pur et simple de ce décret, dont l’application risque entraîner des remous sociaux.

Conclusion

La prise en compte de ces recommandations nous en sommes convaincus, permettra de faire renaître la confiance entre les opérateurs de la filière, la population et les pouvoirs publics pour un climat social apaisé.

Fait à Abidjan, le 23/04/2018

Le Vice-président chargé de la politique du commerce

Martin Sokouri Bohui