SORO KIGBAFORY GUILLAUME : un cas de conscience du Rdr ?

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - SORO KIGBAFORY GUILLAUME, un cas de conscience du Rdr ?

Guillaume Soro et Alassane Ouattara au cours d'un tête à tête.

‘’Lorsque tu es faible et tu t’allies avec un plus puissant que toi pour vaincre ton ennemi, une fois ce dernier vaincu, tu deviens l’esclave de ton allié, dixit Nicolas Machiavel’’.

Ainsi peut se résumer la situation de Soro Kigbafory Guillaume dans l’arène politique ivoirienne, à la grande différence que la puissance de son allié d’hier se coagulait autour de carnets d’adresses, de relations vraie ou supposées dans le monde de la finance internationale. Pour le reste, en assumant la paternité de la sale besogne en 2002, le futur Premier ministre de Gbagbo Laurent était mu par deux convictions.

La première qui lui semblait évidente, était qu’il existait, de façon plus ou moins larvée, une discrimination au détriment des gens du nord, et la deuxième lui sautait à l’évidence : une rébellion sans leader était un danger impossible à maitriser puisqu’elle ne se comporte pas en fonction d’une idéologie de consensus.

Face au manque de courage ou devant les calculs tacticiens des commanditaires spirituels et matériels, lesquels préféraient s’abriter sous le manteau du légalisme ma non troppo, il a cru bon d’assumer à visage découvert, la paternité d’une rébellion qui n’avait pas atteint son objectif premier consistant à chasser Gbagbo du pouvoir.

Ce faisant, il se plaça dans la perspective de futures négociations probables de cessez-le feu et d’éventuelles négociations de paix. Pouvait-il se placer dans la peau d’un Zorro nordiste ou d’un Robin des Bois venu se venger contre les gens de l’ouest au pouvoir, alors que son épouse, la mère de ses enfants est membre de la famille Krou dans laquelle le beau-fils, le gendre occupe une place de choix ? Pouvait-il consciemment mettre en porte-à-faux son épouse en dressant le nord contre l’ouest ?

A partir d’un tel dilemme, on peut penser que l’irruption de Soro Guillaume à la tête de la rébellion visait à créer les conditions d’un rapprochement entre les deux camps en conflit et non à imposer la force de l’un contre la loi de l’autre.

La conférence de Linas-Marcoussis et toutes celles qui s’en suivront, ne firent que renforcer cette volonté d’arriver à une solution acceptable pour les deux parties. La rébellion n’ayant pas atteint son but de renverser le régime de Gbagbo pour s’en substituer d’un côté et, de l’autre, l’usage de la force légitime pour venir à bout de la mutinerie transformée en rébellion ayant démontré ses limites, place fut donc donnée au troisième larron d’occuper le rôle qu’il refusa d’assumer par lâcheté ou par ruse.

Grâce à cette posture imposée par la communauté internationale, le RDR et son leader Alassane Ouattara ont-ils réussi à entrer dans le jeu politique après y avoir été chassés par Gueï Robert et le FPI. En d’autres termes, Soro a fait don de soi en occupant la place du RDR dans la rébellion que ce parti a soutenue et encouragée.

Pour le RDR, en ne prenant pas la tête de la rébellion de 2002, il s’agissait pour lui de s’épargner les critiques de la communauté internationale sur la sincérité de son républicanisme, alors qu’il entendait s’en servir pour occuper le pouvoir d’Etat, puisque la possibilité de l’acceptation d’une défaite démocratique de la part du FPI était exclue, découlant d’un processus de conciliation comme l’APO. Cela revient de fait, à laisser au seul Soro Guillaume l’appropriation du pendant militaire de l’insurrection avortée tandis que le RDR s’empressa de s’aliéner le côté diplomatique et politique d‘un accord de sortie de crise, nettement plus présentable à l’opinion nationale et internationale. Dans l’attente de la fin de l’état de belligérance, Soro Guillaume dut revêtir deux casquettes à la fois :

représenter l’aile militaire des Forces Nouvelles et en même temps le côté politico-diplomatique, le temps pour Alassane Ouattara de trouver ou retrouver une légitimité lui permettant de jouir de ses droits civiques et politiques en tant que citoyen de Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara et le Rdr s’en remirent, sans état d’âme, au stratège Kigbafory Soro Guillaume qui participa ès qualité à tous les pourparlers qui se conclurent par les Accords politiques de Ouagadougou.

A la veille du départ d’Alassane Ouattara de la scène publique, Soro Guillaume naguère chouchouté et vénéré, est vomi par les caciques du Rdr et par Alassane Ouattara lui-même. Il est traité comme un ennemi de l’intérieur à cause de son refus poli et républicain de faillir à sa mission de président de l’Assemblée nationale qui exige de lui la plus stricte neutralité dans le débat politique. On doute de sa loyauté. D’aucuns voient en lui un traitre potentiel et éventuel à la cause de la Case où son esprit d’indépendance dérange plus d’un. Le pouvoir l’humilie en découvrant, comme par hasard, des armes chez l’un de ses fidèles compagnons, lequel est ipso facto incarcéré à la Maca.

Nombre de ses amis ou partisans sont chassés de leur fonction de l’administration publique ou privée. On lui intime des ultimatums en le menaçant d’une confiscation de ses comptes bancaires ou d’ouvrir un audit sur sa gestion de l’Assemblée nationale où il est impossible de détourner le moindre kopeck du salaire ou des indemnités d’un parlementaire. Il est mis à la gone dans les agoras du Rdr où ses absences sont commentées et condamnées.

En dépit de toutes ces velléités, le PAN comme le surnomment les députés, est devenu une figure incontournable du théâtre politico-médiatique ivoirien. Ses moindres faits et gestes sont scrutés, auscultés et soupesés. On lui prête l’intention de briguer la magistrature suprême en 2020. D’autres le voient, avec terreur, à la place d’Alassane Ouattara à la tête du RHDP parti unifié alors que certains préparent déjà ses bagages pour la CPI. Didi par-ci, Didi par-là. Mais qui est Soro Kigbafory Guillaume ? Comment réussit-il à gérer avec le calme qui le caractérise, tant de haines et tant d’affections sans jamais tomber dans le piège que les uns et les autres lui tendent ?

Sans tomber dans le dithyrambique, il n’est pas malséant d’affirmer que le président de l’Assemblée nationale est un surdoué de la classe politique, toutes générations confondues. Son humilité qui agace les va-t’en guerre du Rdr et les vindicatifs de l’autre bord, fait de lui un être à part qui mérite considération et suscite des interrogations. Depuis la fin de la crise post-électorale, Soro Guillaume est le seul homme politique majeur (il sera suivi par d’autres) à prôner la réconciliation vraie, l’apaisement des cœurs et des douleurs en assumant pleinement sa part de responsabilité et demande pardon pour les torts causés à autrui.

Malgré l’hostilité que lui vouent certains de ses amis du RDR et même dans l’opposition, il reste imperturbablement serein. Jamais ce jeune homme qui a connu la gloire très et trop tôt, n’éprouve le besoin de se décharger contre quelqu’un. Malgré les moqueries et les insinuations, il tend à chacun de ses interlocuteurs un rameau d’olivier. Pour lui, le pouvoir et la gloire qui donnent la sensation de puissance absolue, sont éphémères ; par conséquent, il demande aux ivoiriens de ne pas vivre dans un état de vengeance perpétuel, les humiliés d’aujourd’hui se préparant pour prendre leur revanche demain et ainsi de suite.

Ce Soro qui vient d’être décrit et autopsié n’est pas un saint et n’en a pas la vocation. C’est un homme d’Etat, un citoyen qu’il fait bon côtoyer ou même inviter dans un maquis pour partager un repas avec lui. Il accepte de porter sa croix sans exiger que d’autres le fassent à sa place. Il mérite pardon et admiration dans ce pays où les méchants et les jaloux s’agitent, s’exhibent, piaillent et pillent. La Côte d’Ivoire a besoin de centaines de Soro pour une réconciliation vraie. Soro est-il un cas de conscience du RDR ? Après le décès brutal d’Abdouramane Sangaré, adversaire politique, il a fait parler son cœur d’ivoirien, de digne fils Sénoufo. Et le Rdr ?

Une contribution de Pascal Koffi Teya
Ecrivain-Journaliste