Sénat : Pourquoi Ouattara ne poussera pas Ahoussou Jeannot à la démission ? Par Dapa Donatien

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Sénat. Pourquoi Ouattara ne poussera pas Ahoussou Jeannot à la démission ? Par Dapa Donatien.

Yamoussoukro le 11 avril 2019. Le Chef de l`Etat Alassane Ouattara a pris part à la première session ordinaire de l`année 2019 en présence de la totalité des sénateurs.

POURQUOI OUATTARA NE POUSSERA PAS AHOUSSOU JEANNOT A LA DÉMISSION ? Le plan Ahoussou cousu de fil blanc.

Nous disions que le peuple Baoulé s’est construit une bombe à fragmentations depuis qu’en 2010, à la surprise générale, la chefferie traditionnelle du V Baoulé au grand complet, a juré de soutenir un seul candidat entre les deux tours de l’élection présidentielle.

Que ce candidat s’appelle Alla Gnissan, ou Alassane Ouattara, ou Henri Konan Bédié ou Laurent Gbagbo, pas d’importance. Ce qui est en cause, c’est l’implication sans réserve et sans retenue de tout un groupe ethnique à soutenir un seul candidat, au mépris des libertés démocratiques individuelles.

Bien sûr que le dividende politique ne s’est pas fait attendre : Jeannot Ahoussou Kouadio, l’un des principaux acteurs de cette implication osée et sans précédent des gardiens des us et coutumes à faire basculer le vote d’un groupe ethnique derrière un seul candidat au deuxième tour, est vite bombardé Premier Ministre à la place de Guillaume Soro qui n’aura pas eu le temps voulu à la tête de cette institution.

L’on pourrait dire belle récompense bien méritée, par l’ancien directeur adjoint de la campagne du président Ouattara. De récompense en récompense, il est à nouveau promu président du Sénat ivoirien.

Quoique non signataire du RHDP Unifié et quoique des voix s'élèvent, ne comptez pas sur le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly pour le dégommer de la tête du Sénat. Lors de son dernier point de presse, le Premier Ministre avoue ne pas être au courant d’un quelconque plan de dégommage du Président du Sénat.

La politique étant indiscernable,peut-être que dans sa stratégie de se positionner légitiment comme candidat du PDCI en coiffant au poteaux ses concurrents, Ahoussou Jeannot voudrait pousser Ouattara à la faute, et se faire virer de la tète du Sénat, pour tirer avantage du buzz publicitaire et la compassion des militants à son égard. Une aubaine que le régime ne lui offrira certainement pas, sauf si l'homme démissionnait de sa propre initiative. Apparaissant sporadiquement aux événements de son parti, le PDCI, l'homme est quoiqu'on dise, sous contrôle du RHDP Unifié.

Mais derrière cette ascension fulgurante de Jeannot Ahoussou Kouadio, un royaume a réussi à introduire en son sein le virus de la division, en se greffant de fait, au RHDP, qui vole en éclat plus tard. Les fracas sont reçus en pleine figure par les gardiens des us et coutumes Baoulé.

Les premiers soubresauts du désaccord amorcé entre le PDCI et le RDR (avant la fin du premier mandat de la coalition RHDP), auront des effets de plein fouet sur les piliers du Canton des Akouè, dont était issu la famille Houphouet Boigny.

Depuis, deux petits-fils du « Sage de l’Afrique » sobriquet de Félix Houphouet Boigny se disputent la chefferie du canton Akouè. Agustin Thiam (RDR) et Augustin Dahouet (proche du PDCI).
Face à la crispation des deux camps soutenus chacun par des appareils politiques tirant les ficelles, « les jours à venir pourraient être très déterminants pour la chefferie traditionnelle de yamousoukro », croit savoir le journal L’INTER du 10 avril 2019.

En effet, rendant compte d’une résolution prise par la jeunesse tenue à Morofè (village du Gouverneur Konan Banny), il est écrit : « seul le retour au royaume mettra fin à la crise qui prévaut au niveau du canton Akouè ». Et à son interlocuteur, M.Yao Loukou Gilbert, de la jeunesse active du V Baoulé d’expliquer : « La jeunesse, après avoir pris conscience, décide maintenant de faire un retour dans le passé (…)". Se faisant explicite, la jeunesse se penche plus pour un ROI des Akouè à la place d’un CHEF des Akouè.

Si l’on en croit aux faits rapportés dans le journal, un profil serait déjà trouvé, à savoir un Dr en économie du développement. « Le choix du Dr en économie du développement fait l’unanimité de tout le peuple du V baoulé ». Extrait du journal L’INTER numéro 6238 du 10 avril 2019, page 11.
Si ce projet se confirmait, sera-t-il suffisant pour affranchir l’espace Akouè des eaux boueuses de la politique politicienne, qui souffle sur le V baoulé, tel un tourbillon activé par les effets collatéraux de la rupture de confiance entre le PDCI et le RDR?

S’il faut saluer le formidable élan de prise de conscience des communautés ethniques en Côte d’Ivoire (dans les pas du Ghana voisin) pour un retour aux sources respectives, après un remarquable travail pédagogique mené par les intellectuels dont le Professeur Amoa Urbain et bien d’autres, il appartient aux instruments de l’Etat de s’adapter à la demande sociale.

Conformément au principe universel de l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes (dans le respect de la souveraineté des Etats), l’Etat se devra de plus en plus accorder plus de libertés aux communautés de s’organiser comme elles l’entendent, si le but est d’ancrer les valeurs coutumières en perdition.

Faute de cela, les générations présentes et futures n’auront pour seul repère l’environnement culturel sans licence morale, impulsé par les brouteurs, les enfants en conflit avec la loi ou « les microbes »,le recours facile à la machette en lieu et place des règlements de conflit sous l’arbre à palabre.

Et la réponse la plus insolente et totalement déconnectée des réalités sociales locales dans les régions,que sert l’Administration consiste à dire que depuis 1960, le compteur a été bloqué sur les regroupements coloniaux : canton x ou province y.

Mais qui a bloqué le compteur ou l’identification des peuples ? Le colon qui se foutait éperdument de vos coutumes ?
Est-ce parce que le colon limité dans sa lecture des réalités sociales aura commis des erreurs dans ses découpages arbitraires, que nous devons continuer de perpétuer servilement ces erreurs ?
Allons-nous obliger par exemple le Koulango non Akan à entrer dans l’organisation sociale et culturelle de l’Akan ? Ou vis-versa ?

Face à la faillite du système éducatif, en Côte d’Ivoire et la rhétorique de l’Etat selon laquelle les parents ont démissionné de leur responsabilités de socialisation de l’enfant, avons-nous le droit d’empêcher par exemple que le Koulango retourne aux sources et perpétuer à sa descendance l’expérience de ses ancêtres en matière de royauté, laquelle royauté édictait des droits et obligations qui permettaient aux jeunes Koulango d’adopter une certaine conduite dans la vie en communauté et sur la thématique du travail ?

Avons-nous le droit d’obliger l’Abron à abandonner sa vision de la royauté pour copier la pratique de la royauté telle qu’elle était pratiquée par le Koulango ?
Quel projet de société veut-on ? Des citoyens conscients des interdits de leur milieu socio culturel ou des citoyens acculturés, consommateurs des recommandations des sociétés blanches homosexuelles?

Pour en revenir aux Akouè, sauf si l’information rapportée n’était pas confirmée, ils veulent évoluer en sortant des vestiges coloniaux, à savoir le canton pour épouser la royauté, la royauté non pas vue comme quelque chose d’importé, mais inhérente à leur culture dans le passé.

Va-t-on leur opposer l’enclos psychologique hérité des colons (le canton), où va-t-on leur permettre de jouir de la plénitude de leur intelligence et de leur génie créateur pour un mieux vivre social dans le respect de l’autorité de l’Etat ?

Les motifs sont essentiellement tirés non seulement de leur passé ancestral,mais aussi et surtout de soustraire leur environnement social des nuisances de la politiques des partis politiques qui prennent leur évolution en otage.

Voilà l’équation qui se pose un peu partout sur le territoire national.Partout, il est apparu manifeste l'erreur pour nos communautés traditionnelles d'avoir enterré nos valeurs ancestrales qui régulaient et pacifiait la société avec succès.

Pour éviter les périls rampants ( l’homosexualité,le lesbianisme, pratiques condamnées par toutes les religions: animisme,christianisme et islam), le retour aux sources est impérieux. Ne faisons pas l'insulte pour dire telle ou telle communauté n'avait pas d'organisation sociale hiérarchisée.Bien entendu, les peuples accueillis n'ont pas le droit de désorganiser l'organisation sociale qu'ils ont trouvé en place.

A titre d'hypothèse, ce n'est pas parce que les Koulango seraient nombreux à Fresco,qu'ils seraient légitimes à y creyer un royaume. C'est bien à Bondoukou qu'ils ont la légitimité de le faire et non chez les gens.

Et il ne faut pas feindre d’ignorer cette réalité.Car,« un problème n’a jamais cessé d’exister parce que quelqu’un a décidé de l’ignorer », nous rappelle Dr Roger KAUFMANN".

Ainsi,Dieu n'a pas voulu méconnaître ni mépriser la soif du peuple de se doter un roi, lorsque Israel en a fait la demande.

«Ecoute le peuple dans tout ce qu'il te dira (...).Ecoute-les et établis un roi sur eux", recommanda Dieu à Samuel.

Alors,qui sommes nous ici bas pour denier à des peuples le droit de disposer d'eux-même s'il cela se fait dans le respect de la constitution ?

A l'Administration préfectorale et sous préfectorale de montrer assez de souplesse pour la gestion des cas similaires à celui que pose la pérennisation anachronique des cantons et des provinces:des concepts coloniaux, et totalement inconnus dans l'Afrique ancienne.

C'est vrai que les plus malins se sont accaparé ces concepts coloniaux et arbitraires prétendument présentés aux non sachant comme des subdivisions de leur organisation traditionnelle.

Pour finir,il appartient à l'Etat de ne jamais écarter l'éthique ni l'impartialité dans le traitement des différents peuples qui cohabitent dans les région.

Pour l'heure, en matière d'impartialité, l'Etat a encore des efforts à faire dans certaines régions que nous ne citerons et connues de tous.

K. DAPA Donacien
Chroniqueur indépendant

Email: dapadonacien@yahoo.fr