Scandale à la CPI : La représentante des victimes veut la poursuite du procès de Gbagbo et Blé Goudé

Par Ivoirebusiness - Scandale à la CPI. La représentante des victimes veut la poursuite du procès de Gbagbo et Blé. Les précisions de la Défense.

Le Président Laurent Gbagbo le 15 janvier 2019 à la CPI.

L'avocate italienne Paolina Massida, représentante légale des victimes vient de pondre une requête de 104 pages le 21 juin 2019 pour demander la continuation du procès à la Chambre de première instance 1 dirigée par son compatriote italien Cuno Jakob Tarfusser. Elle a carrément remis en question toute la procédure en accusant le président Laurent Gbagbo d’avoir posé des actions à l’encontre d’un certain nombre de témoins, alors même que ce dernier a été acquitté de toutes les charges le 15 janvier 2019 puis libéré sous conditions à Bruxelles en Belgique.
Mais les avocats de la défense tempèrent ses ardeurs.

Interrogé, Me Zokou Sery, avocat de Charles Blé Goudé, a déclaré que la requête de Me Massida date du 28 septembre 2018, et a été faite avant les plaidoiries finales en novembre 2018.

«Il n'y a donc aucune nouvelle requête de Massida. Ce qui a été publié est juste la version publique (sans les éléments confidentiels)», a-t-il précisé. Dont acte!

LES ARGUMENTS DE Me MASSIDA

« En ce qui concerne les blessures subies par le témoin P-0567, M. Gbagbo part de l’hypothèse erronée que le témoignage de P-0567 n’a aucune valeur, puisqu’il ignore que le témoin P-0567 a spécifiquement dit durant son témoignage que ses blessures à son œil étaient le résultat et la conséquence des événements du 12 avril 2011. M. Gbagbo soutient ainsi à tort que « rien ne permet donc d’attester de ce que P0567 aurait été blessé le 12 avril 2011 ». Dans une autre section de sa Requête, M. Gbagbo soutient également que le « problème à l’œil qui semble être apparu postérieurement à l’incident sur un terreau favorable à l’apparition d’une telle pathologie que le témoin présentait depuis son enfance ». Aucune référence n’est donnée afin de soutenir cette supposition, qui relève de la pure spéculation » a martelé l’avocate italienne dans cette longue requête déposée sur la table des juges.

Selon elle, la Défense semble confondre les concepts de "preuve directe" et de "preuve par ouï-dire", ce qui l’amène ainsi à considérer à tort que les éléments de preuves relatifs à certains meurtres ne sont constitués que de ouï-dire. « Par exemple, la Défense soutient que les informations se rapportant aux dépouilles des proches du témoin P-0657 relèvent de ouï-dire, ignorant du même coup que P-0567 a été un témoin direct de ces meurtres, qu’elle a entendu les coups de feu ainsi que les cris de ses frères au moment où ils ont été abattus, qu’elle a vu leurs corps criblés de balles, tout en étant elle-même blessée durant ces mêmes événements » a ajouté Paolina Massida.

Concernant les viols, la Représentante légale des victimes a rappelé la règle 63-4 du Règlement en vertu de laquelle aucune corroboration n’est nécessaire afin de prouver les crimes de nature sexuelle. Ainsi, déclare-t-elle, tous les arguments de la Défense du président Gbagbo en lien avec l’absence de certificats médicaux ou l’absence de corroboration pour ces incidents spécifiques ne sont pas pertinents.

Concernant les auteurs des crimes, la Représentante légale des victimes a rappelé la règle 63-4 du Règlement en vertu de laquelle aucune corroboration n'est nécessaire afin de prouver les crimes de nature sexuelle. Ansi, déclare-t-elle, tous les arguments de la Défense du président Gbagbo en lien avec l'absence de certificat médicaux ou l'absence de corroboration pour ces incidents spécifiques ne sont pas pertinents.

Concernant les auteurs des crimes, la Représentante légale des victimes soutient que les éléments de preuves pourraient permettre d’établir que les crimes ont été commis par des miliciens et les forces pro-Gbagbo contrairement à ce que prétend la Défense. En ce sens, justifie-t-elle, deux (2) exemples suffisent afin de démontrer l’approche erronée employée par la Défense qui « dénature et déforme les éléments de preuve disponibles ».

Paolina Massida a également écrit dans sa requête que les viols commis à Yopougon, ouest d’Abidjan, lors d’un incident ont été spécifiquement commis à l’encontre des Dioula et des partisans supposés de l’opposant Alassane Ouattara, ne pouvant être caractérisés, de façon très simpliste. Ce continuum de violence contre les partisans supposés de l’actuel président de la Côte d'Ivoire Alassane Ouattara a été exacerbé par les encouragements du leader du Cojep Charles Blé Goudé.

En ce qui concerne les faits liés à la marche des femmes d’Abobo du 3 mars 2011 visés par les charges, « la Défense de M. Gbagbo formule toute une série d'hypothèses absurdes sur la manière dont les événements concernés se sont produits. Au lieu de procéder à une évaluation rigoureuse des éléments de preuves sur lesquels s’est fondée l’Accusation, la Défense répond en élaborant d’autres scénarios, chacun étant extrêmement abstrait et totalement infondé » écrit l’avocate italienne.

Elle a déploré le fait que la Défense a commencé par avancer que la manifestation des femmes d’Abobo n'a jamais eu lieu, de sorte que l'incident lui-même ne s'est jamais produit.

A la fin de sa requête, l’avocate italienne supplie les juges Cuno Tarfusser, Olga Herrera Carbuccia et Geoffrey Henderson de ne point considérer tous les arguments avancés jusque-là par la Défense de Gbagbo et Blé Goudé. « Pour l’ensemble de ces raisons, la Représentante légale demande respectueusement à la Chambre de première instance de rejeter les Requêtes de la Défense et de continuer le procès » a conclu Paolina Massida.

Michèle Laffont avec ivoire-media.com