Sécurisation/Paul Koffi Koffi :“ DE JEUNES MILITAIRES INDISCIPLINÉS SE SONT TRANSFORMÉS EN COUPEURS DE ROUTE”

Le 02 mars 2012 par Fraternité matin - Paul Koffi Koffi Le phénomène des coupeurs de route et la circulation des armes de guerre inquiètent. Le ministre délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi, réagit et annonce des mesures. Le phénomène des

Koffi Koffi Paul.

Le 02 mars 2012 par Fraternité matin - Paul Koffi Koffi Le phénomène des coupeurs de route et la circulation des armes de guerre inquiètent. Le ministre délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi, réagit et annonce des mesures. Le phénomène des

coupeurs de route devient de plus en plus inquiétant en Côte d’Ivoire. Selon vous, quelles en sont les causes et quelles mesures préconisez-vous pour enrayer ce fléau ?
C’est un phénomène aussi urbain que rural qui existe depuis longtemps, mais aujourd’hui exacerbé par la crise post-électorale. Il faut voir un peu ce que nous avons fait depuis que le gouvernement est installé. D’abord, c’étaient des braqueurs et des racketteurs. Vous savez que le gouvernement a pris des dispositions pour lutter contre ces deux catégories. Concernant le racket, le Premier ministre, ministre de la Défense, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, et nous-même, avons sillonné le pays pour donner l’exemple aux Forces de sécurité pour lutter contre ce phénomène. Aujourd’hui, vous pouvez le constater, il est en voie d’être complètement éradiqué. Il est vrai que nous n’avons pas des militaires, gendarmes et policiers partout en Côte d’Ivoire, à tous les coins de rue, pour nous assurer que ce phénomène a disparu. Mais, tout le monde peut convenir qu’il a connu une baisse drastique. Et puis, il y a eu, comme je l’ai dit, la situation des braquages. Nous avons organisé, en août dernier, une opération commune avec le ministère de l’Intérieur, en collaboration avec les Forces républicaines de Côte d’Ivoire, la gendarmerie et la police qui a connu un grand succès. Elle a été renforcée par la mise en place de la Brigade de sécurité au niveau de la gendarmerie.
Il n’empêche que les quelques personnes braquées sont traumatisées et perdent souvent leurs biens.
Aujourd’hui, lorsqu’il y a des braquages, leurs auteurs sont rapidement arrêtés et les véhicules retrouvés dans les 48 heures. On n’oublie pas les crises à répétition entre les populations et les éléments des Frci qui se sont souvent soldées par des morts d’hommes. Le Président de la République, SEM. Alassane Ouattara, chef suprême des Armées, a décidé, depuis le 19 décembre dernier, de lutter contre ce problème d’indiscipline au sein des Frci. Le Premier ministre, ministre de la Défense a relayé le message sur le terrain et une police militaire a été mise en place. Qui a commencé à traquer les jeunes qui étaient en rupture de ban, qui ne respectaient pas la discipline militaire. Et certains se sont retrouvés, malheureusement, au rang des malfrats. Avec la mise en place de la Brigade de sécurité, sans oublier que lors des élections législatives, nous avons institué une opération baptisée «Phenix » qui a bien marché, et à la fin de l’année, une autre opération dite «Araignée » aujourd’hui, tous les jeunes indisciplinés sont traqués.
Les quartiers périphériques et l’intérieur du pays continuent de souffrir le martyre.
Tous ces bandits, naturellement, ont quitté Abidjan. Pour se retrouver à l’intérieur du pays. Et comme là-bas, il n’y a pas de véhicules à braquer et le racket n’est pas aussi florissant qu’ici, naturellement, les gens se sont transformés en coupeurs de route. Nous assistons donc à un transfert d’insécurité, un transfert de comportement d’Abidjan vers l’intérieur du pays. Et ces coupeurs de route opèrent sur les grands axes : Abidjan-Ferké et la Côtière.
Une autre cause de ce phénomène : la période des grandes récoltes de café, cacao et de coton.
L’ouest du pays est souvent l’objet ou le théâtre d’attaques meurtrières. La question que l’on se pose, est de savoir qui en sont les auteurs : de simples bandits, des mercenaires ou des individus qui veulent déstabiliser la Côte d’Ivoire ?
Vous avez un peu de tout là-dedans. Selon nos investigations, souvent, les populations viennent de l’autre côté du fleuve, une frontière naturelle. Vous avez, malheureusement, une forte présence des mercenaires de l’autre côté de la frontière qui, pour vivre ou survivre, n’hésitent pas à franchir cette frontière qui fait 700 km. Quel que soit le dispositif que l’on met en place, il est difficile de surveiller 700 km de frontière, surtout dans une forêt dense.
Autre fait regrettable, c’est que ces mercenaires, on les trouve avec des habitants de la Côte d’Ivoire. Ce sont des miliciens qui se livrent à ces opérations, en complicité avec des mercenaires. C’est vraiment dommageable, d’autant plus que cela se traduit le plus souvent par des conflits intercommunautaires dramatiques.
Qui sécurise, aujourd’hui, l’ouest du pays, notamment le Moyen-Cavally : Taï, Guiglo, Duékoué, Bloléquin… où il y a souvent des attaques ?
Ce sont les forces régulières ivoiriennes. Vous avez les Frci qui sont à la frontière, mais aussi les gendarmes et policiers que nous avons déployés dans les villes. Sans oublier les forces impartiales.
Elles participent à des patrouilles mixtes avec nos hommes. Evidemment, je vous l’ai dit, on ne peut pas mettre un soldat à chaque km de la frontière. Nous n’avons pas, malheureusement, aujourd’hui, et cela n’est pas nouveau, de passage frontalier suffisamment modernisé pour détecter les armes qui passent de part et d’autre. Ce sont des corridors de fortune qui sont souvent faits où les gens se connaissent et passent sans mesurer le danger.
A quand la réalisation du projet d’installation d’un camp militaire à l’ouest ?
Nous avons reçu quelques moyens de mobilité pour l’ouest. Mais ce n’est pas suffisant. Nous avons reçu des tentes. Pour l’installation du bataillon qui sera réparti en sept compagnies à peu près. Mais nous avons des contraintes que nous sommes en train de lever.
Quelles sont ces contraintes ?
Ce sont des contraintes financières, de mobilité, de transmission. Parce que quand les gens vont sur place, il faut pouvoir les transporter, les loger, les nourrir. Il faut aussi qu’ils puissent communiquer. Il que les routes soient praticables pour permettre aux différentes forces d’intervenir rapidement. Le projet est en cours, des hommes sont déjà sur place qui constituent les prémices de ce bataillon. Ce ne sont pas des mots en l’air. La population peut se tranquilliser.
Les camps militaires frontaliers promis par l’Onuci sont –ils déjà en place ?
Jai été à l’ouest et j’ai vu des camps en construction, notamment à Bin-Houyé, Guiglo et Taï. Mais je pense que cette question devrait être posée à l’Onuci. Ce que je peux vous dire, c’est que cette mission nous apporte un soutien dans les patrouilles et le transport de nos hommes parce qu’ils ont des capacités aériennes.
Comment lutter contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères ?
Au niveau des Nations Unies et de la Côte d’Ivoire, un programme a été mis en place. Chez nous, une Commission nationale gère ce dossier depuis plusieurs années. Effectivement avec la crise post- électorale, des armes de guerre ont circulé.
Elles ont été distribuées, à un moment donné, dans ce pays et tous les Ivoiriens le savent. Aujourd’hui, à chaque conflit local, les gens sortent des armes, faisant des morts. Notre rôle, c’est de veiller à les désarmer. Nous avons deux formes de désarmement : le désarmement des ex-combattants (tous les jeunes qui ont combattu auprès des Frci) et celui des populations civiles armées. Nous allons renforcer notre collaboration avec la Commission. Nous envisageons, dans les prochains mois, un programme de recensement national des armes. Des guichets seront ouverts sur l’ensemble du territoire où les gens viendront déclarer les armes qu’ils ont avec les pièces justificatives. Un délai sera donné, avec une bonne campagne de sensibilisation, de communication. Objectif : ficher l’armement qui circule en Côte d’Ivoire. Et après ce délai, la loi sera sans équivoque. Nous allons sévir. Ce sera le ratissage national pour ramasser les armes de guerre qui circulent. Nous allons fouiller chaque concession, les caches d’armes, etc.
Des gens seraient en train de s’entraîner au Liberia pour venir attaquer la Côte d’Ivoire. Etes-vous informé ? Si oui, quelles dispositions prenez-vous pour barrer la route à ces déstabilisateurs ?
Nous avons de très bons rapports avec le Liberia. Le Président de la République y a effectué plusieurs visites, notamment à l’occasion de l’investiture de sa Présidente. Nous y sommes aussi parti. Avec nos partenaires libériens, nous échangeons les informations. Mais je vous ai déjà dit qu’il existe, de ce côté-là, des individus qui ont participé à beaucoup de conflits dans la zone et qui ne vivent que de cela. Mais il appartient au gouvernement libérien de s’en occuper. Nous n’allons pas entrer dans la politique intérieure de ce pays voisin. Nous savons les efforts que le Liberia fait pour mettre aux arrêts certains mercenaires qui sont venus par ici. Des miliciens ivoiriens sont d’ailleurs dans les geôles libériennes. C’est pour vous montrer la coopération entre nos deux pays. Mais, c’est très souvent que l’on entend les gens dire qu’il y aura des attaques. Des jours sont sommes donnés quelquefois. Nous ne négligeons aucune information. Nous veillons à tout et je peux vous assurer que la frontière est sécurisée. Mais si des personnes malintentionnées veulent déstabiliser la Côte d’Ivoire, les forces sauront réagir de la façon la plus ferme.
Interview réalisée par Emmanuel Kouassi