Restitutions des oeuvres pillées pendant la Colonisation : Patrice Talon pas satisfait face à Emmanuel Macron

Par Ivoirebusiness -Restitutions des oeuvres pillées pendant la Colonisation. Patrice Talon pas satisfait face à Emmanuel Macron.

Le président béninois Patrice Talon et son homologue français Emmanuel Macron, le 9 NOVEMBRE 2021 à l’Élysée. © DR / Présidence de la République française.

Le Président de la République française Emmanuel Macron a reçu le Président de la République du Bénin Patrice Talon au Palais de l’Elysée le mardi 9 novembre 2021, pour la signature de l’acte de transfert de propriété par Jean-Michel Abimbola et Roselyne Bachelot, les ministres béninois et français de la Culture, et pour finaliser le processus de restitution de 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey à la République du Bénin, a appris un journaliste d'Ivoirebusiness.

Emmanuel Macron a salué un moment, non seulement symbolique, mais historique, émouvant et tant attendu, lors de son discours sur le perron de l'Elysée en présence de Patrice Talon accompagné de plusieurs ministres béninois.

Il a fait l'historique des nombreux épisodes de ce parcours du combattant qu’a représenté la restitution de ces œuvres, une demande formulée par le gouvernement béninois en 2016 et rejetée d’un revers de main par les autorités françaises. Le Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, avait alors assuré que la restitution n’était « pas possible » en raison, arguait-il, des « principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité » des biens relevant du domaine public français. Le président français a également rappelé avoir pris l’engagement, lors de son discours de Ouagadougou en 2017, de « rendre possible les restitutions temporaires et définitives ».

Prenant à son tour la parole, Patrice Talon, tout en saluant un « premier pas », a regretté le faible nombre effectif d’œuvres restituées par la France. Emmanuel Macron a annoncé vouloir « l’élaboration, à terme, d’une loi-cadre ».
« Il est regrettable que cet acte ne soit pas de portée à nous donner entièrement satisfaction. Comment voulez-vous qu’à mon départ d’ici, avec les 26 œuvres, mon enthousiasme soit total, pendant que le dieu Gou, œuvre emblématique, dieu des métaux et des forges, que la tablette du Fa, œuvre mythique, et encore beaucoup d’autres, continuent d’être détenues ici, en France, au grand dam de leur ayant droit ? », a déclaré le président béninois tout en échangeant des regards avec son homologue français.
Puis le président béninois de poursuivre en reconnaissant que l'espoir est permis.
« Mais est-ce que désormais l’espoir n’est pas permis ? Si, monsieur le président. L’espoir du retour au pays de ces œuvres que je viens de citer, et des autres, est désormais permis, grâce à vous », a-t-il ajouté.

Après le très médiatique évènement organisé au musée du quai Branly le 27 octobre dernier, les 26 œuvres pillées par les troupes du colonel Dodds en 1892 dans les trésors royaux d’Abomey vont, enfin, prendre le chemin de Cotonou. Les statues, trônes et autres récades – symbole du pouvoir royal – soigneusement emballés, prendront l’avion ce mardi 9 novembre.

Pour rappel, c’est à l’université Ki-Zerbo de Ouagadougou le 28 novembre 2017 que le Président de la République s’est engagé à rendre possible d’ici 5 ans les conditions de restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en France.

Missionnés par le Président de la République, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont remis leur rapport le 23 novembre 2018, sur la base duquel le Président de la République française a décidé la restitution de 26 œuvres, réclamées par les autorités du Bénin, du trésor d’Abomey conservées au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, ainsi que le sabre et le fourreau d’El Hadj Omar Tall, demandé par la République du Sénégal. La loi qui est promulguée par le Parlement le 24 décembre 2020 permet la restitution définitive de ces œuvres d’ici la fin d’année 2021.

Emmanuel Macron, évoquant Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, les auteurs du rapport censé poser le « cadre intellectuel d’une doctrine en matière de restitution », a affirmé « souhaiter que ce mouvement se poursuive », annonçant avoir demandé à Jean-Luc Martinez, ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, de mener la « réflexion sur les critères de restitution en vue de l’élaboration, à terme, d’une loi-cadre ».

Nous y reviendrons.

Mireille (Mimi) Kouamé