Reportage/ crise post-électorale: Comment les FRCI contrôlent le Bas-Sassandra

Publié le samedi 18 juin 2011 | L'Inter - Trois mois après la prise de la région du Bas-Sassandra par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire, la vie semble avoir repris son

court normal. Mais il faut séjourner dans la localité pour voir une autre facette de la réalité. Reportage!

Colonne des FRCI.

Publié le samedi 18 juin 2011 | L'Inter - Trois mois après la prise de la région du Bas-Sassandra par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire, la vie semble avoir repris son

court normal. Mais il faut séjourner dans la localité pour voir une autre facette de la réalité. Reportage!

«Attachez-le et désarmez tous ses éléments et ramenez-lez ici!». Cet ordre est du capitaine Bêma Ouattara, le commandant par intérim des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) dans le Bas-Sassandra. Ce jour-là, en début du mois de juin 2011, nous mettions les pieds dans la ville de San-Pedro. Et c'était notre premier contact avec le nouvel homme fort de la région. Assis à l'entrée de l'hôtel Enhotel où il loge, des visiteurs étaient venus lui exprimer des soucis. Certains éléments se réclamant des FRCI étaient accusés d'extorsion de fonds sur certaines personnes. Le commandant a piqué une colère noire et il a décidé de sévir. Le lendemain, le capitaine Bêma nous embarque dans son véhicule de commandement, une Honda CR 4 de couleur noire. Le chef conduit lui-même sa voiture. A sa droite, caporal Hien, son garde du corps. A l'arrière, caporal Awa, sa secrétaire particulière. Quand il démarre, nous prenons la direction du bureau. Celui-ci est logé dans les locaux de la brigade de la gendarmerie du Port. Dans la course, de nombreux véhicules, de nombreux visiteurs: tout le monde veut rencontrer le capitaine Bêma Ouattara. Ex-forces de défense et de sécurité, opérateurs économiques, chefs de communauté ou simples citoyens, les rencontres avec le patron des FRCI se succèdent. Pas la peine de prendre un rendez-vous formel. «Moi, je reçois tous ceux qui me sollicitent parce que nous sommes venus pour les populations», explique le capitaine. Entre deux rencontres, l'homme fort de San-Pedro sort de son bureau pour voir si tout se passe bien dehors. Ses collaborateurs sont courtois, même si les armes qu'ils portent influencent parfois les visiteurs.

C'est le 30 mars 2011 que les FRCI ont fait leur entrée dans la ville de San-Pedro, après avoir traversé les villes de Daloa, Gagnoa, Soubré et Méagui, sans grande résistance. Les ex-FDS qui n'avaient pas reçu de consigne de leur hiérarchie,n'ont pas jugé utile de s'opposer aux troupes pro-Ouattara. Selon plusieurs témoignages, la résistance a été menée par des jeunes patriotes. Mais la puissance de feu des FRCI a été telle que toutes les forces hostiles à leur progression ont été vite neutralisées. Aujourd'hui, en arrivant dans la ville, la présence massive de ces combattants est toujours perceptible, à l'entrée tout comme à plusieurs endroits de San-Pedro. A bord de véhicules sans plaque d'immatriculation, ces éléments patrouillent à intervalles réguliers dans les différentes rues de la ville. Toute chose qui a permis la remise en marche des entreprises. Dans la ville, les commerces et sociétés ont rouvert. Au port de San-Pedro, c'est également l'effervescence. Sociétés d'exportation de cacao, sociétés manutentionnaires et autres entreprises, toutes tournent à plein régime.

Un bon signe qui témoigne du retour de la sécurité après que des mercenaires libériens et autres miliciens se soient signalés dans la région. L'autre satisfaction, c'est la sécurité sur les axes routiers. Les coupeurs de route, qui ont fait de nombreuses victimes dans la région, ont disparu. Et les plus heureux sont les transporteurs et les exploitants forestiers.
Nous sommes lundi, le capitaine Bêma prend part à une importante cérémonie militaire. Il s'agit de l'ouverture officielle des différents corridors de la ville. Si auparavant, il n'y avait que des éléments des FRCI à ces ''check-point'', la situation a beaucoup évolué dans le bon sens car toute menace contre la paix semble avoir été écartée. «Il est temps que toutes les forces régulières soient ensemble pour poursuivre le travail de protection des biens et des personnes», explique un gendarme. Le retour de la confiance entre ces forces ( ex-FDS et FRCI), a une histoire. Selon nos investigations, l'artisan principal de ce dégel se nomme Maréchal des logis en chef (MDL-chef) Doué Michel. Ce gendarme en poste à San-Pedro, depuis plusieurs années, a été l'un des tous premiers à approcher les forces pro-Ouattara et à organiser ses quelques éléments n'ayant pas quitté la ville. Assurant l'intérim de chef de l'unité de la brigade routière de San-Pedro, Michel qui a échappé à un assassinat pour son soutien supposé à la cause d'Alassane Ouattara, a repris fonction auprès des FRCI. Cette collaboration a permis de briser la méfiance. Au premier corridor où a lieu la cérémonie, toutes les forces sont présentes: FRCI, gendarmes, policiers, Eaux et Forêts, douanes. A leur tête, leurs différents chefs. «Ici, il faut vous adapter à la nouvelle situation», a recommandé le Colonel N’guessan Kouamé Jean-Louis (Commandant la 5ème Légion de gendarmerie). Pour sa part, le préfet de police de la région a été plus incisif: «Nous devons regarder dans la même direction, car c'est une équipe, c'est une famille. Et c'est avec le sens élevé du devoir que nous allons reconstruire ce pays. La nouvelle Côte d'Ivoire est debout. Ce qui est fait est fait». Des messages perçus cinq sur cinq par toutes les forces en présence. Depuis ce jour, tous travaillent ensemble. D'ailleurs, des réunions tripartites(ONUCI, ex-FDS et FRCI) sont organisées en présence du préfet de San-Pedro toutes les semaines à l'effet d'analyser la situation sécuritaire dans la région. «Nous travaillons vraiment en symbiose», se satisfait le capitaine Bêma. Malgré toutes ces avancées, des inquiétudes gagnent les populations. La récurrente question du racket constitue pour les habitants une vraie préoccupation. Des macarons tenant lieu de laisser-passer sont exigés dans les corridors. Koné Siaka, l'un des responsables du syndicat des chauffeurs de transport terrestre de Côte d'Ivoire indique que les sommes exigées oscillent entre 50 et 80 mille franc CFA par camion. Cette somme est jugée excessive par les transporteurs. Une grève a d'ailleurs été évitée de justesse. A l'issue de plus de deux heures de négociations entre les autorités militaires de la ville et les différents responsables syndicaux, le trafic, qui a connu une demi-journée d'interruption, a pu reprendre ses droits. Le capitaine Bêma Ouattara ayant donné des assurances aux transporteurs.

Bertrand GUEU, envoyé spécial