Relations Côte d’Ivoire-France: Voici ce qui va changer

Le 14 mai 2012 par Notre Voie - Contrairement aux certitudes du régime Ouattara, les relations entre la Côte d’Ivoire et la France ne seront plus, sous certains aspects, ce qu’elles étaient hier avec Nicolas Sarkozy.

Alassane Ouattara à l'Elysée pour dire au revoir à Nicolas Sarkozy (07/05).

Le 14 mai 2012 par Notre Voie - Contrairement aux certitudes du régime Ouattara, les relations entre la Côte d’Ivoire et la France ne seront plus, sous certains aspects, ce qu’elles étaient hier avec Nicolas Sarkozy.

La victoire de François Hollande sur Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle française, le dimanche 6 mai dernier, a rouvert inéluctablement le débat sur les nouvelles relations franco-ivoiriennes. Politiques et analystes confrontent leurs avis sous le regard très attentionné des Ivoiriens éprouvés par les conséquences désastreuses d’une politique françafricaine outrancière et outrageusement dommageable entretenue en Côte d’Ivoire par la droite française sous Chirac et Sarkozy. Sur le sujet, Alassane Dramane Ouattara n’a pas attendu longtemps pour livrer son avis. Selon le chef de l’Etat ivoirien, rien ne changera dans les relations entre la Côte d’Ivoire et l’ancienne puissance coloniale. « Les relations entre la France et la Côte d’Ivoire sont des relations très fortes, historiques. Le changement de Président de changera rien à cette excellente relation. C’est d’ailleurs, le message que nous avons échangé avec le Président François Hollande. Nous avons la volonté commune de renforcer les liens de coopération entre les deux pays et de mettre en œuvre le partenariat de défense que nous avons signé», a-t-il indiqué. De retour de son séjour privé en France où il a vécu en direct la défaite de son «ami personnel», Nicolas Sarkozy. Cette déclaration de M. Ouattara, dont l’objectif essentiel est visiblement de réarmer moralement ses partisans sonnés par la chute du «parrain» Sarkozy, suscite une interrogation. Doit-on effectivement admettre que le changement de régime en France n’aura pas de conséquences dans le ciel ivoiro-français ? Non, répondent des observateurs avertis de la vie sociopolitique ivoirienne des dix dernières années. Certes, l’arrivée de Hollande ne remettra pas tout à plat mais elle apportera naturellement des changements significatifs dans de nombreux compartiments des relations entre la Côte d’Ivoire et la France sous la gouvernance Ouattara.

Ce qui ne va pas changer

Le changement de chef d’Etat en France ne remettra pas en cause les liens historiques que cette puissance occidentale entretient avec son ex-colonie depuis l’indépendance en 1960. La Côte d’Ivoire demeure l’un des plus grands pays francophones d’Afrique. Les relations historiques qui la lient à la France datent de l’époque Houphouët- Boigny et n’ont jamais été reniées par aucun régime. De Bédié à Ouattara en passant par Guéi et Gbagbo. A ces relations historiques, il faut ajouter les relations économiques. La France constitue le premier partenaire économique de la Côte d’Ivoire. Il en a été ainsi depuis cinquante ans. Même sous Laurent Gbagbo dont le régime a été attaqué de front par la France de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, les intérêts français n’ont jamais été compromis. Bien au contraire, Gbagbo a préservé lesdits intérêts. Il a même octroyé de nombreux marchés aux entreprises françaises. Dont le plus grand fut le terminal à conteneur qu’il a cédé, dans un marché de gré à gré, à la multinationale Bolloré. L’ex-chef de l’Etat ivoirien renversé par l’armée française, le 11 avril 2011, sur ordre express de Sarkozy, a reconduit, par exemple, le contrat de Bouygues sur le troisième pont d’Abidjan. Un contrat pourtant conclu sous son prédécesseur, Henri Konan Bédié. L’électricité en Côte d’Ivoire remis à 1F symbolique à Bouygues par Alassane Dramane Ouattara, alors Premier ministre en 1991, n’a pas été remise en cause par Gbagbo. Au plan diplomatique, il ne faut pas non plus s’attendre à des bouleversements. La Côte d’Ivoire a toujours entretenu de bonnes relations diplomatiques avec la France. Ce n’est donc pas un changement de Président dans l’un des pays qui viendra compromettre la donne. Même au plus fort de la crise de novembre 2004 (tueries de jeunes Ivoiriens aux mains nues devant l’hôtel Ivoire et destruction au sol des aéronefs ivoiriens par l’armée française), le Président Gbagbo n’a pas rompu les relations diplomatiques avec la France. Contrairement à ce que les médias de propagande français proches de Sarkozy et Ouattara distillaient, il n’y a jamais eu de sentiment anti-français en Côte d’Ivoire. Aucun drapeau français n’a été brûlé nulle part. Tout ce que la très large majorité des Ivoiriens reprochaient à Chirac et Sarkozy, c’est leur soutien à la rébellion armée pro-Ouattara qui a massacré des milliers d’Ivoiriens et éventré la démocratie en Côte d’Ivoire. En revanche, l’élection de Hollande va provoquer des changements sur bien d’autres plans.

Ce qui va changer

Le premier changement auquel il faut s’attendre selon l’entourage du président français, interviendra dans les rapports paternalistes qui prévalaient entre l’Elysée et le régime Ouattara. Comme c’était le cas sous Sarkozy qui pouponnait Ouattara qu’il a installé au pouvoir par la force. N’étant pas «l’ami personnel» de Ouattara, Hollande ne sombrera pas dans la partialité comme Sarkozy concernant le dossier ivoirien. Le régime Ouattara ne pourra plus bénéficier du «parrainage» tous azimuts de l’Elysée comme c’était le cas sous Sarkozy. Le silence coupable observé tout le temps par la France de Sarkozy face aux graves violations des droits humains par la rébellion armée pro-Ouattara ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Le gouvernement Hollande pourrait recadrer le régime Ouattara sur le respect des droits de l’homme, la «Justice des vainqueurs», le dialogue politique avec l’opposition significative (le Fpi, notamment), la réconciliation nationale et la démocratie au point mort etc. L’armée française ne sera plus une force belligérante qui vise à protéger un régime. Son rôle et sa mission seront recadrés. L’on peut parier que ce sont autant de choses qui n’auront plus cours sous Hollande. N’en déplaise aux esprits nostalgiques et aux négateurs des évidences.

Jean Khalil Sella