Résidences d’Houphouët-Boigny à Yamoussoukro - Ses neveux et nièces abandonnés dans l’obscurité

Le 17 novembre 2010 par Soir Info - Découvrez les maisons en ruine de Mamie Faitai, Mamie Adjoua, Mamie Djeneba, Kouassi Gô

. L’appel pathétique des sinistrés
Jadis enviée du monde entier, la résidence de feu Houphouët-Boigny (premier président de la République de Côte d’Ivoire), la plus imposante bâtisse de la capitale politique de Côte d’Ivoire, après la Basilique Notre Dame, subit une dégradation avancée notamment les résidences de ses frères et sœurs Adjoua, Faitai, Gô, Djeneba, occupés aujourd’hui par leurs descendants. Cette résidence manque du minimum. Reportage.
Le lundi 18 octobre 2010, Félix Houphouët-Boigny aurait eu 105 ans. Evidemment, cela a suscité plusieurs cérémonies en la mémoire du père fondateur de la nation moderne ivoirienne. Du reste, un pagne a été spécialement conçu avec son effigie. Et plusieurs femmes ont dansé ce samedi 16 octobre devant, le Centre hospitalier régional de Yamoussoukro pour témoigner leur attachement aux idéaux du « vieux ». Malheureusement cette joie contraste avec la vie d’une partie de la famille d’Houphouët-Boigny qui est pourtant logée dans la grande résidence à perte de vue. L’entrée est certes gardée par des militaires de la Garde républicaine. Mais c’est de ce seul privilège que bénéficient désormais, les enfants et descendants de Mamie Faitai, Mamie Adjoua, Mamie Djeneba, Nanan Kouassi Gô qui n’ont pas hésité à nous ouvrir leurs portes, le samedi 16 octobre 2010. Après le grand portail d’entrée de la résidence, se
dressent à quelques mètres, les premières villas. Ce sont celles de Mamie Adjoua, Mamie Faitai et Mamie Djeneba. D’abord la bâtisse de Mamie Adjoua, celle qui a donné son nom au célèbre lycée de Yamoussoukro. C’est une villa de plusieurs chambres, avec un salon et une allée qui a été transformée en couchette avec des bagages sens dessus-dessous. La couleur beige a perdu de son éclat avec des taches et traces noirâtres causées par les ruissellements des eaux de pluies provenant de la toiture fendue par endroit. « Lorsqu’il pleut, toute la maison se transforme en cours d’eau », lance, l’une des filles âgée d’une soixantaine d’années qui nous conduit jusque dans la chambre de Mamie Adjoua. Là, nous découvrons trois grandes cuvettes pleines d’eau de pluie. Elle donne l’ordre à l’une de ses sœurs de les vider dans la douche. Le gazon, jadis, bien tondu, a fait place aux mauvaises herbes qui ont envahi la
résidence « Du temps de Nanan (Houphouët, ndlr), on venait tondre nos gazons régulièrement. Aujourd’hui, il faut attendre trois semaines, quand on a la chance », déplore notre interlocutrice. La villa voisine est celle de Mamie Faitai. Un décor insupportable. Dame Kouassi Ahou, une des nièces de Mamie Faitai explique : « Je vis ici depuis 1972. Il faut dire tout de suite que depuis un certain temps, nous sommes abandonnés et obligés de tout payer. Je me saigne chaque fois que besoin se fait sentir pour louer les services des jeunes, pour des travaux d’ici notamment couper le gazon, enlever les mauvaises herbes. Nous sommes des anonymes ici dans la résidence de Nanan ». Elle soutient qu’elle a peur pour sa vie car des serpents visitent bien souvent les lieux. Chez Kouassi Gô tout comme chez Mamie Djeneba, c’est le même décor insupportable. Les herbes sauvages et la vétusté des murs finissent par convaincre tout visiteur
que l’entretien de ces résidences n’est plus à l’ordre du jour.
Le symbole désacralisé
Pour éviter que toute sa famille aille vers lui et dans un souci permanent de se retrouver au milieu des siens, feu Félix Houphouët-Boigny a fait bâtir une salle spécialement dédiée aux réunions. Il s’agit de la salle de conférences située en face de la résidence de Faitai. Elle a l’architecture d’un palais de justice. Malheureusement, ce symbole auquel était attaché le Président Houphouët est presque surplombé par de hautes herbes sauvages. Les plafonds rongés par les reptiles laissent découvrir des matériaux rouillés qui semblent se détacher. Les toilettes sont devenues le refuge des salamandres et autres margouillats. Notre présence en ce lieu attire l’attention d’une septuagénaire de passage. Elle nous interpelle et nous met en garde :« jeune homme, vous n’êtes pas habitué au lieu. Sinon vous n’allez pas mettre plus d’une minute là. C’est le domaine privilégié des serpents. Il faut vous éloigner
rapidement ». Devant notre insistance à observer le lieu, elle décide de nous rappeler des événements passés : « En son temps, Nanan venait nous entretenir et prenait également les nouvelles de la famille. C’était un lieu qui lui tenait à cœur. Malheureusement ce lieu a été abandonné dans la brousse ». Le regard tourné vers le ciel et la mine défaite, elle s’éloigne de nous, à pas pesants. Inutile de préciser que dans cette broussaille, l’eau et l’électricité ont été suspendues, il y a bien longtemps.
A la belle étoile
Les habitants des résidences de Mamie Faitai, Djeneba, Adjoua, Aka Amoin peuvent continuer à louer le Seigneur de bénéficier régulièrement de l’électricité dans les maisons. Quant à l’eau courante, il n’en reste plus que des gouttes. « Nous sommes victimes de coupures intempestives d’eau qui peuvent durer des jours. Nous sommes sauvés quelquefois par l’eau de pluies », témoignent-ils. Outre l’absence régulière d’eau chez les habitants de la résidence de feu Houphouët, depuis plusieurs années, l’éclairage public n’existe plus « La nuit, il n’est plus prudent de sortir avec l’obscurité autour des résidences et surtout dans les ruelles, de peur de croiser en chemin un serpent », a dit une autre vielle dame. Les nombreuses ruelles sont désormais jonchées de feuilles mortes, des pailles séchées et quelquefois une couche épaisse de sable, par endroit.
Tel est le décor d’un village jadis envié, perdu au milieu des bâtiments modernes réhabilités par l’Etat de Côte d’Ivoire grâce au chef de l’Etat actuel. L’aspect que présentent les résidences des sœurs et frères de Feu Félix Houphouët-Boigny, premier Président de la république, est si triste que ces lieux ne sont plus l’objet de curiosité.
M’BRA Konan, envoyé spécial à Yamoussoukro