Ouest ivoirien : L’ONU déclare la guerre aux combattants armés non identifiés

Le 18 juin 2012 par IVOIREBUSINESS - Hervé Ladsous sur RFI: «La frontière entre le Liberia et la Côte d'Ivoire est totalement poreuse»

Jamais l'Onuci n'avait subi une attaque aussi grave depuis son arrivée en Côte d'Ivoire, il y a huit ans. Le 8 juin 2012, sept casques bleus nigériens ont été tués près du village de Taï, dans l'ouest du pays. Un hommage leur a été rendu à Abidjan jeudi, en présence du président Ouattara et du chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous.

Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint de l'ONU chargé des opérations de maintien de la paix.

Le 18 juin 2012 par IVOIREBUSINESS - Hervé Ladsous sur RFI: «La frontière entre le Liberia et la Côte d'Ivoire est totalement poreuse»

Jamais l'Onuci n'avait subi une attaque aussi grave depuis son arrivée en Côte d'Ivoire, il y a huit ans. Le 8 juin 2012, sept casques bleus nigériens ont été tués près du village de Taï, dans l'ouest du pays. Un hommage leur a été rendu à Abidjan jeudi, en présence du président Ouattara et du chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous.

RFI : Une semaine après la mort des sept casques bleus, est-ce qu’on sait ce qui s’est vraiment passé ?
Hervé Ladsous : Ecoutez… Une enquête est en cours. Je pense qu’on y verra totalement clair très vite. C’est un drame épouvantable. N’oublions pas que pendant toute la période la plus difficile, la plus dure, de la crise ivoirienne, aucun casque bleu n’a été victime des événements. Et là, sept victimes d’un coup, c’est tout à fait dramatique.
RFI : Alors justement, de bonne source, le combat était très inégal. D’un côté, une vingtaine de casques bleus, de l’autre, une centaine d’assaillants. Est-ce que c’était une embuscade ?
H.L. : C’était une embuscade, incontestablement. Une sauvagerie inadmissible !
RFI : C'est-à-dire que les assaillants voulaient tuer les casques bleus ? C’était prémédité ?
H.L. : Prémédité directement, je ne sais pas. Mais qu’il y ait intention de nuire, oui, parce que les bandes armées étaient en train – ne l’oublions pas – de massacrer les civils. Et c’est cela qui a motivé l’intervention, à la fois de l’armée ivoirienne, qui a elle-même des victimes et des casques bleus.
RFI : D’après des autorités ivoiriennes, les assaillants étaient sans doute des mercenaires pro-Gbagbo venus du Liberia. Est-ce que vous confirmez ?
H.L. : Je ne pense pas qu’il soit possible, à ce stade, de conclure de manière tranchée. Il y a des indices, il y a des possibilités, mais je crois qu’il faut attendre la fin de l’enquête pour pouvoir le dire avec une certitude raisonnable. Ce qui est vrai, c’est que la frontière, vous le savez, entre le Liberia et la Côte d’Ivoire, est totalement poreuse, très peu contrôlée. Et c’est justement l’une des raisons qui ont fait qu’hier nous avons eu une réunion avec les gouvernements riverains de la frontière – le Liberia et la Côte d’Ivoire – mais aussi les deux missions des Nations unies dans les deux pays, car c’est en travaillant ensemble de la manière la plus étroite et la plus coordonnée, que nous pourrons espérer lutter contre les trafics, y compris l’équipement d’armes. Tous les moyens doivent être mobilisés pour resserrer et contrôler cette frontière.
RFI : Donc, l’objectif, c’est de contrôler les points de passage sur le fleuve qui fait frontière ?
H.L. : Pas seulement contrôler les points de passage, mais aussi faire des patrouilles parallèles, pour repérer les mouvements sur les mêmes populations, souvent de part et d’autre du fleuve. Donc, il y a des gens qui très légitimement vaquent à leurs affaires, vont faire leur marché de l’autre côté… Et ça, il n’y a pas de raison d’y faire obstacle. En revanche, les bandes armées, non.
RFI : Dans cette région, il y a une forêt primaire, la forêt de Taï, est-ce que ce n’est pas un refuge inexpugnable pour ces bandes armées ?
H.L. : Oui, il y a un refuge aussi inexpugnable de l’autre côté de la frontière, du côté Libéria. Enfin, voilà. On agit, on va renforcer tous les moyens d’action… Et je peux vous dire qu’en tout cas, pour les Nations unies, nous avons été extrêmement sensibles au fait que le président Ouattara ait honoré de sa présence toute cette cérémonie. C’était très poignant.
RFI : Depuis le début de l’année, vous avez envoyé quelque 800 hommes en renfort, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Est-ce qu’il faut envisager de nouveaux renforts ?
H.L. : Ecoutez… S’il le faut oui, bien sûr. Le gouvernement ivoirien fait ce qu’il doit faire de son coté. Nous comptons également sur la mobilisation du côté Liberia.
RFI : Mardi 12 juin, le gouvernement ivoirien a annoncé qu’il avait déjoué un complot fomenté par des partisans de Laurent Gbagbo stationnés au Ghana. Est-ce qu’il y a un lien entre ces deux affaires ?
H.L. : Ecoutez… Franchement, je ne vois pas qu’il y ait de lien entre ces deux affaires ! Ces mouvements de groupes armés, on en entendait parler déjà depuis un certain temps. Donc non, je ne pense pas qu’il y ait des corrélations.
RFI : Les assaillants de l’ouest de la Côte d’Ivoire peuvent-ils être en contact avec des cadres pro-Gbagbo qui sont stationnés au Ghana ?
H.L. : Ça, c’est de l’ordre du possible. Sinon, je dirais du probable. On sait qu’il y a beaucoup de partisans de Laurent Gbagbo qui sont dans des camps ou autour des camps au Liberia, oui.
RFI : Pensez-vous qu’il y a une vraie tentative de déstabilisation du régime ivoirien qui vient d’être déjouée, comme l’a annoncé le gouvernement ivoirien mardi ?
H.L. : Qu’il y ait volonté de créer de l’insécurité, cela, incontestablement. Qu’il y ait volonté de nuire, je pense que ceci découle de cela !
RFI : Au Nord-Kivu, des centaines d’ex-rebelles du CNDP ont repris le sentier de la guerre depuis deux mois. Est-ce pour empêcher l’arrestation de Bosco N’taganda, le général inculpé par la CPI, ou est-ce pour une autre raison ?
H.L. : Il y a à cela, je pense, plusieurs facteurs. Il y a eu le fait que oui, effectivement, une offensive était lancée par les forces congolaises pour arrêter un certain nombre de personnalités inculpées, dont celle-là. Du coup, il y a eu des mouvements des forces armées de la République Démocratique du Congo qui ont pu créer des vides, il y a eu des désertions, il y a eu l’apparition de nouveaux groupes armés, bref, c’est une situation dégradée, dans laquelle les civils risquent de payer les pots cassés.
Ils auraient pu, je pense, le payer beaucoup plus lourdement encore, si la Monusco n’avait fait preuve de beaucoup de créativité. Vous savez qu’on a créé des réseaux communautaires de téléphone pour permettre, quand il y a une inquiétude, ou carrément une alerte, d’être prévenu et d’envoyer aussitôt les casques bleus.
Nous avons, d’ailleurs, je le rappelle, presque 90 postes dans toute cette partie extrêmement boisée du Kivu, pour venir au secours rapidement aux populations menacées. On a même mis en place des patrouilles mobiles, pour accompagner les femmes quand elles vont au marché et éviter qu’elles ne soient violées par toutes les bandes sans foi ni loi. Bref, c’est une situation complexe, mais dans laquelle j’espère que les choses vont progressivement rentrer dans l’ordre.
RFI : Kinshasa accuse Kigali de fermer les yeux sur le recrutement de plusieurs centaines de rebelles en territoire rwandais.
H.L. : Ecoutez… Il y a effectivement des rumeurs de cet ordre. Tout ceci fait l’objet d’un travail d’investigation sérieux, qui est d’ailleurs mené avec la collaboration des autorités rwandaises, pour essayer de déterminer exactement ce qui s’est passé.

Propos recueillis par Christophe Boisbouvier.

NB : Le titre est de la rédaction.