Mon cahier de Dabou

Aux premières heures
Le 11 avril 2011, la nuit est tombée sur la Côte d’Ivoire ; après « la capturation » (Ndlr : le mot est du ministre de l’Education

Aux premières heures
Le 11 avril 2011, la nuit est tombée sur la Côte d’Ivoire ; après « la capturation » (Ndlr : le mot est du ministre de l’Education

Nationale Kandia Camara) du président Laurent Gbagbo par l’armée française, Alassane Dramane Ouattara a lâché ses chiens de chasse aux trousses des pro-Gbagbo. Rien ne les attire autant que l’odeur du sang, et la promesse de la rapine, du viol, du pillage. Pour échapper aux serres de ces rapaces voraces, les abidjanais ont dû à leur corps défendant emprunter le chemin de l’exil externe ou interne. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés par la force des choses dans la ville de Dabou. Cette ville était parmi celles qui n’avaient pas encore été visitées par la milice d’ADO. Tout Abidjan s’était rué sur cette ville. Quelques jours plus tard, ayant eu vent de la création de bataillons des FRCI un peu partout, les responsables locaux du Rdr mettent eux-aussi sur pied un bataillon tactique, selon leur expression, des FRCI dans la ville. Il est composé de dozo, de mécaniciens, de ferronniers, de menuisiers, de vagabonds, de repris de justice etc. Ce bataillon va prendre son QG dans ce qui fait la fierté de la région du Leboutou, le luxueux complexe hôtelier AKPARO. Les corridors sud (en provenance d’Abidjan) et nord (entrée côtière) étaient désormais occupés par les FRCI dans une bouffonnerie à couper le souffle – pantalons treillis avec boubous dozo plaqués de galons militaires ou encore pantalons policier, chemises treillis des eaux et forêt, béret de douanier, chaussures de douche. Quelques jours plus tard, pour faire classe, tout le bataillon tactique va arborer des T-shirts bleus à l’effigie de « Che Guevara » estampillés de la marque déposée FRCI. Ils régnaient et règnent en maître absolu sur la ville.
Aux premières heures, les corridors étaient des véritables «ravins» de la mort. Il était interdit de porter un nom bété, wobê, gueré, attié, abbey, Gouro, ou d’être rasé ou encore de ne pas détenir une quelconque pièce déclinant votre identité (elle ne doit pas, si elle existe porter également la mention « étudiant ») et passer à ces corridors. Auquel cas vous êtes un homme mort.
Le 25 avril, revenant de la ville où nous nous rendions souvent, métier oblige malgré le risque de se faire prendre, notre véhicule, un minicar est stoppé comme à l’accoutumée par les FRCI. Le soldat en faction nous intime l’ordre de descendre et de traverser en file indienne avec nos pièces d’identité en main, dans un condensé de dioula et de noutchi. (Je circulais avec la carte professionnelle de mon tuteur). Ce que nous fîmes sans difficulté. Dans le véhicule, j’avais pour voisin un couple et leur bébé. L’homme fut stoppé à son passage parce qu’il portait un nom Gouro. Il fut mis derrière l’une des baraques qui servaient jadis d’abri aux gendarmes, aux agents des eaux et forêt et aux douaniers. De derrière, nous entendîmes deux coups de feu. Impossible de confirmer si c’est mon voisin qui fut ainsi abattu froidement parce qu’il était strictement interdit de chercher à regarder derrière les baraques. Néanmoins, un peu plus loin à environ un mètre, l’on pouvait voir des «prisonniers» en slips ou petites culottes, mains ligotées dans le dos et assis à même le sol. La femme de mon infortuné voisin pleurait à chaudes larmes. La tristesse et la colère se lisaient sur tous les visages. Nous laissâmes là, la pauvre femme et tous les autres qui étaient en « situation irrégulière » et qui attendaient d’être situés sur leur sort. « Même, la semaine dernière, un jeune homme fut abattu comme ça ici, parce qu’il était coiffé coco taillé (tête nue). Ils disent que c’est un milicien de Gbagbo. Lui, nous l’avons bien vu couché. Il a fait deux jours avant que la morgue ne vienne le chercher. » nous confiait un peu loin, un monsieur la quarantaine environ exerçant dans l’informel dans les environs du corridor. A notre remontée dans le véhicule, les commentaires allaient bon train, quand une femme éclata en sanglots. « Mon mari et moi avions hébergé un jeune guéré. Un jour, il est allé en ville avec les jeunes de notre village. Ses amis disent qu’avant le corridor, ils sont descendus pour prendre une voie détournée pour entrer dans la ville. C’est ainsi qu’ils ont été pris à partie par des jeunes mécaniciens qui les ont saisis pour les envoyer au poste. Lui n’est plus jamais revenu. » nous a raconté cette dame.

Les abris des ex-Fds étaient devenus des magasins de stockage de marchandises des petits vendeurs et vendeuses dioulas. La journée, tout le monde pouvait être FRCI, du vendeur de cigarettes au vendeur de jus en passant par le vendeur de pains fourrés. Il suffisait d’avoir au moins un pantalon ou chemise treillis et être dioula. Les petites vendeuses étaient très arrogantes. A chaque passage d’un véhicule de voyage, elles sortaient toutes sortes de quolibets ou de railleries dont la cible principale était le président Laurent Gbagbo. Les FRCI de leur côté jouaient à fond de la musique reggae et d’autres artistes du nord. Leur chanson préférée était celle d’une griotte dans laquelle elle faisait les «atalaku» des dioulas, d’Alassane Dramane Ouattara et couvrait d’injures le président Laurent Gbagbo.
La nuit tombée, les corridors grouillaient de monde. Ils étaient de véritables lieux de dépravation où se mêlaient drogue, sexe et alcool. Pendant la période du jeun musulman, les corridors étaient pris d’assaut pas tous les musulmans qui venaient y rompre leur jeun. L’imam du corridor nord était un chef FRCI, nous a confié une jeune fille.
Un petit vendeur de cigarette à ce même corridor nord, avec qui nous nous sommes liés d’amitié nous disait comme ça que la petite buvette qui servait jadis d’escale au voyageur était un véritable hôtel plein air. Le vrai hôtel qui jouxte la buvette servait de prison et de résidence aux chefs FRCI. Certaines filles travaillaient pour des soldats. « Vieux père, les filles viennent s’enrichir ici parce que les frères cissés (appellation des FRCI) là, ils ont l’argent qu’ils dépensent comme fou » m’a-t-il confié. A la question de savoir où ils trouvaient cet argent, il m’a répondu : «Ils rackettent fort mais souvent d’autres font des braquages, des agressions.»

Le calvaire de la population
La population danse au tango des FRCI. Ces derniers font la pluie et le beau dans la région. Il ne se passe pas de jour sans qu’un événement triste ne vienne troubler la quiétude de cette hospitalière population du Leboutou. Elle côtoie la mort au quotidien. Une vendeuse de légumes nous expliquait comment sa voisine perdit son fils à la suite d’une mauvaise manœuvre des FRCI.
« Chaque jour, les FRCI entrent dans le marché avec leur voiture. Alors, il y a un qui voulait tirer en l’air pour que les vendeurs quittent sur la route pour les laisser passer. C’est dans ça le coup est parti pour atteindre l’enfant dans le ventre » nous a confié cette dame. Un jour, c’est un vendeur de riz qui lui nous racontait le calvaire qu’ils vivent. « A chaque passage, nous devons donner de l’argent, du riz, de l’huile, du lait, du sucre, des cigarettes, des biscuits pour les soldats. Or, ils passent tous les jours, tu vois » nous a raconté ce dernier dépité.
Le marché qui, jadis était pris d’assaut par les commerçants en provenance des différentes communes du district et des communes environnantes, les samedis montre désormais un pâle visage. La raison est toute simple les commerçants sont fatigués de subir le diktat des FRCI.
Comme nous l’a expliqué ce vendeur de friperie. « Les soldats des FRCI prennent nos habits cadeau en plus de l’argent qu’on leur donne. Moi, je viens de Koumassi. Avant d’arrivée à Dabou j’ai payé 40.000 FCFA sur la route aux autres FRCI. Et chaque fois, c’est comme ça. On gagne combien même ? » Les vendeuses de légumineuses ne sont pas mieux loties. Elles subissent également les mêmes tracasseries. « Nous sommes taxés 5000 f par sac de gombo, de piments ou d’aubergines. Pour éviter tout cela nous cotisons une certaine somme que remettons au chauffeur, mais malgré cela ils nous font payer quand même. C’est difficile. A cause des tracasseries des propriétaires de camion refusent de venir à Dabou. » s’est confiée à nous cette dame. Une autre de renchérir : « Quand on parle, ils disent c’est de ça qu’ils vivent et que c’est normal parce qu’ils assurent notre sécurité. Ils n’ont qu’aller voir Alassane pour les payer, ce n’est pas lui qui les a envoyés. » Dans le marché, la collecte des taxes municipales est assurée par les FRCI. « Monsieur, ce type là n’est pas militaire. Je le connais bien. Il est vagabond. Mais, comme il a porté habit de militaire, c’est fini. C’est lui qui encaisse les tickets (taxes). Nous, on se bat pour gagner notre vie et eux ils s’enrichissent sur nous » s’est offusqué ce petit vendeur d’attiéké-poisson appelé communément « garba » Aucun secteur d’activité n’est épargné. Un conducteur de taxi-brousse regrettait les ex-Fds. « Avec nos anciens corps habillés, tu payais une fois pour la journée, mais eux ils ne travaillent pas et ils veulent bouffer l’argent des gens. Ils ont mille barrages. Même des mécaniciens font barrage. Pays là est gâté. Alors que c’est eux qui se plaignaient que les autres rackettaient. »

Toutes les sociétés exerçant dans la zone ont été visitées par des éléments « incontrôlés ». Certaines plus d’une fois. Tout le parc auto vidé, les ordinateurs, des appareils électroniques, des sommes importantes emportés. Un chef de service d’une des sociétés avec qui nous avons partagé un pot nous racontait comment ils ont vécu cette situation. « Ils sont descendus dans la société à bord d’un camion KIA. Au départ, ils nous ont laissé entendre qu’ils venaient sécuriser la zone. A leur départ ils ont emporté 3 véhicules 4x4 doubles cabines. Le lendemain, un autre groupe nous surprend. Tous les travailleurs ont désertés l’usine. Ils ont encore emporté 3 véhicules 4x4, une Mercédès 406, des ordinateurs, des pneus, de l’essence, du gas-oil, du matériel de mécanique et d’électricité etc. Et, le calvaire n’était pas fini. La troisième fois, c’est aux travailleurs qu’ils se sont empris. Fouillant dans toutes les maisons sous prétexte de rechercher des miliciens, ils ont emporté des appareils électroménagers, des matelas, des ustensiles. Ou bien, Alassane ne leur a pas distribué tout ça. C’est des soldats non. (Rire aux éclats de nous deux). Ils ont procédé à des déménagements. Nous n’avons plus de voitures. Tous nos véhicules personnels et de service ont été emportés. Nous voyons certains de nos véhicules en ville. Toutes les démarches auprès des responsables pour les récupérés, ont été infructueuses. D’autres ont été endommagés et laissés dans la broussaille. Les travailleurs ont été traumatisés.»
Un autre responsable lui nous laissait entendre que toutes les entreprises versaient une somme à la compagnie FRCI de la ville et elles toutes, les dotaient en carburant, essence et gas-oil toutes les fins du mois. C’était un droit.

Manque d’autorité dans la ville
Dans la ville, ne parler pas de justice parce qu’elle n’existe que de nom. Lorsque nous demandions à tous nos interlocuteurs qui nous racontaient leur mésaventure de se rendre soit à la justice, au commissariat ou à la gendarmerie, tous nous rétorquait : « Mon frère, tu perds ton temps, ici le bon Dieu ce sont les FRCI ». Il se raconte que le préfet de Dabou n’a aucune autorité devant les FRCI. Le commissariat, la gendarmerie sont la propriété privée des FRCI. Un jeune collégien qui habite les abords du commissariat nous a décrit le spectacle qui s’offre à eux tous les jours. « Nos Fds sont les boys des FRCI. Les matins, les éléments des FRCI reçoivent des dizaines de pains et de sardines qu’ils mangent sans donner à nos Fds. Au comptoir, ce sont nos Fds qui reçoivent les plaintes et autres dépositions, mais ce sont les FRCI qui vont sur le terrain. Seuls les FRCI ont droit aux véhicules. Quand, ils reviennent des patrouilles, nous les voyons distribuer leur butin au nez et à la barbe de nos Fds. » Son ami lui nous a plutôt raconté une anecdote. « Un jour, quand ils ont fini de partager le produit de leur racket, il restait quelques ignames, des bananes et un petit sac d’aubergines, un élément des FRCI bien trapu a lancé aux Fds : ″les miliciens de Gbagbo là, voilà pour vous dans camion là. Si vous finissez, gborossez (nettoyer en noutchi) bien le camion là sinon vous allez piquer (faire des corvées) ″. Ceux-ci se sont exécutés à la perfection. » A la gendarmerie, même décor. Les gendarmes tuent le temps dehors et les FRCI occupent l’intérieur. Certains sous les hangars bavardent chaleureusement avec les jeunes filles dioulas. Chaque midi, les femmes du Rdr leur font à manger. Le palais de justice était momentanément fermé. Une jeune fille se réjouissait de cette situation. « C’est bien comme ça. Il n’y a plus voleurs à Dabou ici. Quand tu voles tu connais pour toi, on te tue en même temps. Dabou est devenu bien. On peut durer dehors maintenant. On n’a plus peur. » C’était le sentiment contraire pour certains habitants de Dabou que nous avons rencontré. L’absence de justice, des Fds (aujourd’hui ex-Fds) leur pose de nombreux préjudice. Dame X nous raconte : « Au marché on peut plus parler. Si tu as affaire à une femme dioula au commissariat ou à la gendarmerie, dis-toi que c’est toi qui va rester. J’ai perdu ma place au marché parce qu’une femme dioula dit que ça lui appartient. On n’a fait palabre quand FRCI est venu ils m’ont dit à partir de demain ils veulent plus me voir là.» Une autre vendeuse ajoute: « Chaque jour, les femmes dioulas avec qui on vend là, nous insultent seulement. Elles disent que marché ce n’est plus pour les adjoukru.» Un homme la soixante environ, a été exproprié de son terrain. « Mon frère m’a-t-il dit, je l’ai acquis au temps de Gbagbo. J’ai tous les papiers. Je suis allé deux fois avec le monsieur en justice j’ai gagné tous les procès. Avec l’arrivée d’Alassane, ils m’ont arraché le terrain. Je suis allé voir le préfet, il m’a dit on verra. Je suis allée voir le maire, sans suite. J’ai été menacé de mort. Donc, j’attends que tout se normalise.».
Une tenancière d’un petit restaurant a perdu son gagne-pain de retour de son village où elle s’était rendue pour des soins. La place est tenue par une femme dioula désormais. Ces spoliations sans droit sont légions dans la région. Le sentiment qui se dégage est que les populations du Nord se sentent comme sur un nuage avec l’arrivée des FRCI. Elle se croit au-dessous de tout.

L’insécurité et les FRCI : même visage
Les agressions se passent de jour comme de nuit. L’insécurité est impressionnante dans la région. Certains accusent les FRCI d’entretenir cette situation. L’axe Dabou-Sikensi est un nid de coupeurs de route. Les usagers pointent un doigt accusateur sur les FRCI. « Une fois, je me rendais à Bécédi, je suis tombé sur des coupeurs de route en plein 17h. A ma grande surprise, je retrouve l’un de mes agresseurs au corridor. Je l’ai reconnu à son collier sur lequel était accroché une douille et un cauri ensuite son bonnet qui portait une dent d’un animal.» nous a confié un jeune pisteur dans une société agroindustrielle. « Ne vous aventurez jamais sur cette voie à partir de 20h me déconseille un chauffeur de transport de village. Parce que c’est à cette heure que les braqueurs opèrent. Moi, j’ai été victime deux fois. Et, les coupeurs de route étaient non loin du corridor. Quand nous sommes venus appeler les FRCI, ils nous ont répondu qu’ils ne patrouillent pas la nuit.» L’état de la route est un aussi élément défavorable pour les usagers de la route. Les braqueurs se mettent aux endroits où la voie est endommagée parce qu’à ces endroits le ralentissement est obligatoire. Moment favorable pour ces hors-la-loi de sévir. Des ouvriers ont été agressés en pleine plantation. « Nous, on lavait les fonds de tasse (latex), des hommes en treillis sont arrivés et ont pris tous nos portables et de l’argent » nous a confié un manœuvre. Les travailleurs des entreprises exerçant dans la zone sont stressés chaque fin du mois à cause des agressions qui connaissent une recrudescence à ces périodes. Une auxiliaire de maison d’un cadre nous raconte sa mésaventure. « Le samedi (c’est le jour de marché à Dabou) notre camion nous conduisait au marché quand nous sommes tombés sur les bandits qui ont tout pris sur nous. »
Vivement que les vrais militaires, policiers et gendarmes reviennent, tel est le souhait de la population.

Le Leboutou en colère, les FRCI indésirables, une « rébellion » se prépare
Dabou fait partie des départements de la région des Lagunes où LMP a réalisé un gros score ; environ 80% des suffrages. La ville qui a vu naître le FPI, le parti de Laurent Gbagbo a difficilement vécu sa chute. La population le digère très mal. Elle est très remontée contre les soldats d’Alassane Dramane Ouattara qui sont devenus indésirables dans la ville. Un jeune avec une chevelure de femme, c’est pour sa fête de génération nous a t–il confié à laisser éclater sa colère à la vue d’un camion des FRCI qui passait. «Eux et nous c’est la mort qui va nous séparer, ce qu’ils ont commencé, on va terminer. Notre propre ville, ils viennent pour faire la loi. Des plaisantins comme ça, c’est armes sinon ils peuvent rien. Mais ça vient.» C’est le sentiment général dans tous les villages. Jusqu’à présent la population considère encore le président Laurent Gbagbo comme le président de la Côte d’Ivoire.
Un octogénaire, dans le village où j’étais réfugié me confiait : « Mon fils, nous ici (dans le Leboutou) notre président c’est Laurent Gbagbo. Même, si Alassane veut, qu’il construise ce qu’il veut mais dans notre cœur il pourra jamais enlever Gbagbo. » Les affiches de campagne du président Laurent Gbagbo sont encore visibles sur les murs, les portes et les poteaux électriques dans plusieurs villages. Certains villageois exhibent encore fièrement leur T-shirt à l’effigie du président Laurent Gbagbo. Un autre jour, c’est une femme qui me confiait que la libération du président Laurent Gbagbo partira de Dabou. Grande fut ma surprise venant d’une femme. Un jeune étudiant d’enfoncer le clou : « L’incident de Lopou a été prémédité. Ces actes nous les multiplierons. Ce que Alassane va toujours chasser toutes les autorités de la ville. Il ne faudrait pas qu’il pense nous faire peur avec ses rebelles.» Un autre qui a été dans un mouvement de résistance patriotique s’est voulu plus ferme : « Nous revenons en force. Notre mouvement se réorganise. Ce qui est sûr, ce pouvoir va tomber. Nous allons leur faire manger ce qu’ils nous ont servi. C’est eux qui courent. » La grogne gagne les villages.
Le Leboutou n’entend pas laisser son « bébé » (le FPI y est né) et son président être décapités par les rebelles. Il compte se signaler très bientôt.

Aujourd’hui
Lorsque nous quittions le département, la situation s’est légèrement améliorée dans certains domaines. Le corridor sud n’est plus animé et le nombre de soldats y a considérablement diminué par contre celui du nord a gardé son engouement de départ. Les passagers ne descendent plus des véhicules.
Par contre dans d’autres, c’est le statuquo.
La situation sécuritaire reste inchangée. Les différents tronçons demeurent toujours dangereux. Le commissariat et la gendarmerie sont occupés par des éléments des ex-Fds et des FRCI. Mais, les entreprises, les artères de la ville, certains établissements sont surveillés par des soldats analphabètes du Nord.
L’autorité du préfet, du maire, du commandant de brigade, du commissaire est toujours mise à rude épreuve par le chef des FRCI. Il est associé à toutes les décisions qui normalement ne relèvent pas de ces compétences.
Notre sexagénaire n’est toujours pas en possession de son terrain, la tenancière du maquis est en négociation pour récupérer son maquis. Les choses semblent en bonne voie de son côté. Les commerçants eux attendront encore longtemps pour pouvoir exercer en toute tranquillité leur activité préférée. Parce que le racket a gagné en intensité. Les exactions continuent. La tension reste toujours vive dans le marché entre les différentes communautés. Les corridors restent l’affaire exclusive des FRCI.
Les entreprises continuent de fournir du carburant, de l’essence et du gasoil aux FRCI.
La colère de la population dans les villages n’a pas baissée. La grogne gagne du terrain à une vitesse grand V.
Malgré, la misère que ces frères du Nord lui font subir, la population du Leboutou est restée toujours chaleureuse et hospitalière. Plusieurs jeunes que nous avons trouvés sur place y sont encore. Certains y ont des activités. « Mon vieux, moi je me sens à l’aise ici. Et, j’ai été adopté donc je reste. J’ai mon petit truc que je gère. Souvent, j’irai voir mes parents qui d’ailleurs sont d’accord » m’a dit un jeune homme de Yopougon.
« Pendant notre séjour, nous n’avons manqué de rien malgré notre nombre. Les Adjoukru sont très gentils. Tu passes dans n’importe quel cours quand tu dis que tu es étranger net, tout le monde est à tes petits soins.» parole d’un étudiant qui est arrivé avec un groupe d’amis.
Avant notre départ et celui d’un grand nombre d’exilés, nous avons disputé une rencontre entre les «exilés» et leur bienfaiteur. Ce fut un grand moment d’émotion pour chacun. La séparation était difficile pour d’autres. Pleurs et tristesse étaient de la partie. Il se racontait que les Adjoukru aimaient fête, nous avons pu le vérifier par nous-mêmes. Mais, nous avons remarqué que ces fêtes avaient un but, le développement social de l’homme.
C’est sur cette note de gaieté que nous avons pris congé de cette merveilleuse population du Leboutou.

Charles Tiekpo
tiekpocharles@yahoo.fr