Miaka Ouretto en EXCLUSIVITE:«Ce que Gbagbo m’a dit».«L’émotion à son comble».«Soro mérite le transfert à la CPI».«Je soutiens Me Altit».«Le FPI divisé?»

Le 08 février 2012 par IvoireBusiness - Le Président du FPI, Miaka Ouretto, s’est confié à IvoireBusiness hier à Paris après son retour de La Haye, où il a rencontré lundi le Président Laurent Gbagbo pour

la première fois depuis son kidnapping le 11 avril 2011 par la force française Licorne. Au micro de Christian Vabé, DP d’IvoireBusiness, il a bien voulu répondre aux questions sur cette rencontre inédite avec le Président Gbagbo.

Monsieur Miaka Ouretto, vous étiez hier (lundi) à La Haye à la rencontre du Président Gbagbo. Comment l’avez-vous trouvé ?

Christian Vabé, DP d'IvoireBusiness, et Miaka Ouretto, Président du FPI, le 07 février 2012 à Paris.

Le 08 février 2012 par IvoireBusiness - Le Président du FPI, Miaka Ouretto, s’est confié à IvoireBusiness hier à Paris après son retour de La Haye, où il a rencontré lundi le Président Laurent Gbagbo pour

la première fois depuis son kidnapping le 11 avril 2011 par la force française Licorne. Au micro de Christian Vabé, DP d’IvoireBusiness, il a bien voulu répondre aux questions sur cette rencontre inédite avec le Président Gbagbo.

Monsieur Miaka Ouretto, vous étiez hier (lundi) à La Haye à la rencontre du Président Gbagbo. Comment l’avez-vous trouvé ?

Nous étions effectivement à la Haye à la rencontre du Président Gbagbo. C’est d’abord affectif cette rencontre car ça fait un bout qu’on ne s’est pas vus.
Il a perdu le pouvoir dans des conditions dramatiques. Il a d’abord été Transféré à Korhogo. Ce n’était pas évident. Nous avions de ses nouvelles par presse interposée. On nous disait qu’il allait bien. Mais quand il est arrivé à La Haye, il a dit qu’il vivait dans des conditions difficiles à Korhogo. A la CPI, ça peut aussi peut-être pareil. Nous nous sommes donnés les moyens de saluer le frère qui nous manque, nous voulions voir comment il se porte.
Et je puis vous dire que l’émotion était vraiment à son comble, voilà! Je suis dans la petite salle où l’entretien devait se passer. J’ai attendu quelques temps et j’entends des bruits de pas et je vois mon Laurent Gbagbo qui arrive, pas aux pas sûrs que j’étais habitué.

Il a dit frère, frère, frère, et nous nous sommes jetés dans les bras l’un et l’autre. Vraiment l’émotion était à son comble. Il m’a tapé sur les épaules. Il a dit non, il faut tenir bon. Moi aussi je lui ai dit, il faut tenir bon. C’est le cœur de garçon, sinon on se serait effondré l’un et l’autre et on aurait pas eu le temps de parler. Nous nous sommes ressaisis et nous nous sommes mis à parler.

Vous avez parlé de quoi ?

Nous avons parlé de tout et de rien j’allais dire ! Nous avons parlé de tout d’abord parce que c’est des frères qui se retrouvent, c’est des camarades de lutte qui se retrouvent. Laurent comment vas-tu? Je suis là humblement moi Miaka, mais vois au-delà de moi, tous les militants du FPI qui ont soutenu ta candidature. Vois même au delà de cette grande famille LMP, une frange importante de la population ivoirienne car tout le monde le sait, Laurent Gbagbo a gagné le premier tour la présidentielle avec 38%, loin derrière le RDR 25% et ensuite le Pdci 22%. Et au second tour, il a été crédité selon le rapport officiel de 46% de la population, ce n’est pas rien. Laurent Gbagbo vers qui convergent de façon dense, les hommes et les femmes qui le portent. Sa préocupation c’est le pays.

Quelle a été sa première question ?

Comment ça va, et les nouvelles ? Je lui ai donné les nouvelles en deux temps : D’abord les nouvelles d’ordre général et les nouvelles concernant le parti.

Je lui ai dit que nos frères et sœurs au début ont connu des moments durs et se sont battus dans des conditions difficiles.
La période qui a suivi la perte du pouvoir a été très difficile. Beaucoup sont allés en exil, d’autres sont en détention, certains sont décédés, leurs avoirs ont été gelés. Nous luttons actuellement pour qu’ils sortent de prison et retrouvent leurs droits. Il faut qu’ils retrouvent leur pays et y vivent. Car la langue et bouche cohabitent malgré qu’ils se marchent dessus. Trop c’est trop, la chasse aux sorcières, la haine contre tous les partisans Laurent Gbagbo.
Alors que Gbagbo a toujours aimé l’homme d’abord. En 2000, lui-même a reconnu avoir été élu dans des conditions calamiteuses. Mais il a pris des mesures pour ramener la sérénité dans le pays. Quand il est arrivé au pouvoir, il a fait face au scandale des 18 milliards de l’Union européenne qu’avait crée le Président Bédié. Grâce à une nouvelle politique gouvernementale à l’égard de nos partenaires. En 2000-2001, il a mis en place le forum de réconciliation nationale en faisant revenir Alassane Ouattara et Konan Bédié au pays, et le Général Robert Guéï de Kabacouma.
Après, il a mis en place un gouvernement de réconciliation nationale, puis un autre de plus grande ouverture après avoir appelé tous ses opposants à la table de négociation.

Vous a-t-il demandé de coopérer avec le pouvoir ou de maintenir vos exigences envers Ouattara en matière de réinstauration de la démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés publiques ?

Beh, je crois que ce qui caractérise Laurent Gbagbo, c’est qu’il se met au dessus des partis. Il l’a d’ailleurs toujours fait. Il n’aime pas donner des consignes, il n’aime pas imposer et donner une directive au parti.

Il ne vous a pas demandé de… ?

Non non non, pas du tout, il a juste demandé comment va le parti. Je lui ai dit que le parti a souffert, que nous nous battons sans moyens, nos responsables sont encore en exil. Et que pour les élections, voilà la position que nous avons décidée pour telle ou telle raison. Il nous a dit, vous avez bien fait.

Il a approuvé votre choix ?

Oui, il a approuvé la décision que nous avons arrêtée, car il a dit, la démocratie ça a des règles qu’IL FAUT RESPECTER. Lorsqu’on parle de jeu transparent, il faut dire que les règles du jeu ont été définies de façon consensuelle. Or c’est les conditions que nous avons posées. On ne peut pas avoir la plus part de nos militants et candidats qui sont à l’étranger, ceux-là même qui pouvaient être nos candidats et nous demander de participer aux élections ?
Et sans qu’on ne prenne des mesures pour que tout ce monde là rentre et retrouve la liberté. Voilà nos préoccupations qu’on continue de poser. Nous sommes aussi des orphelins parce qu’un parti, partout en Afrique, ne vit pas sur les cotisations de ses membres. Mais en réalité, tout parti politique est toujours adossé à un homme fort. Au Rdr, c’est le Président Alassane Ouattara, au Pdci c’est le Président Bédié qui finance, et c’est le Président Gbagbo qui finançait le FPI. Aujourd’hui il se trouve que le Président Gbagbo est déporté à la CPI, mais qui va nous financer nous ?
Qui plus est, il se trouve que on a bloqué les comptes de tous nos militants, eux qui avaient quelques moyens on a bloqué leurs comptes. S’ils ne sont pas en prison, ils sont en exil. Avec quels moyens allons-nous aller aux élections ?
Le financement public des partis politiques que Laurent Gbagbo a mis en place par une loi afin de consolider la démocratie, cette loi n’est aujourd’hui pas appliquée.

Vous avez reçu 125 millions du pouvoir récemment ?

Je vous vois venir, j’y arrive. Les 125 millions le pouvoir en fait un tapage. "Ils ont eu 125 millions et ne veulent pas participer aux élections". Ce n’est pas un financement contraignant. Il s’agit de consolider la démocratie. Pour un parti politique, ne serait-ce que pour organiser un meeting, il doit prendre des baches en location, il doit louer des chaises, il doit parfois assurer le financement du déplacement des militants ! Ça coute cher ! Il faut imprimer les cartes etc. etc.….
Alors c’est pour ça que ce financement là a été mis en place. Il représente une certaine fraction du budget de l’Etat qui est mis en place chaque année. Et les 125 millions que nous avons reçus, c’est un reliquat du financement de 2010.
Ça veut dire qu’en 2010, du temps où Gbagbo était au pouvoir, on a commencé à décaisser la part qui revenait à chaque parti politique. Et pour chacun de ces partis, il restait un reliquat
Et pour le FPI, il restait 125 millions. Le RDR et le Pdci recevant la même proportion de ce financement, l’information nous est parvenue qu’on a payé ces partis. Nous avons alors envoyé notre responsable du budget au Trésor. Le responsable du Trésor lui a dit que pour nous, rien n’est prévu içi. Nous avons dû tapoter un peu partout pour qu’on nous donne les 125 millions. Ce que nous attendons aujourd’hui du président Ouattara, c’est qu’il nous donne notre part de financement pour l’exercice 2011. C’est ça qui serait le financement Ouattara ! Sinon les 125 millions, c’est le reliquat du financement GBAGBO.

Que pensez-vous de la guéguerre entre Alassane Ouattara et Guillaume Soro monsieur le Président ? Quelle est la position du FPI sur cette guerre, sur ce clash entre le père et le fils ?

Ecoutez, c’est vous qui nous amenez sur ce terrain là. Alassane Ouattara, Guillaume Soro, c’est du pareil au même hein !!!
Ils sont tous de la même famille, ils sont tous du RHDP. De façon beaucoup plus large et à un niveau restreint, ils sont tous du RDR.
Aujourd’hui des querelles entre eux, il leur appartient d’en juger. Ce n’est pas à nous de juger.

Le Président Gbagbo vous a-t-il donné sa position ou son avis sur cette guéguerre entre ADO et Soro?

Il n’en a même pas fait cas. Toutes ces questions politiques qui regardent les autres, il n’en a pas fait cas.
La seule remarque qu’il a faite, le seul jugement j’allais dire, c’est qu’aujourd’hui on note la résurgence de valeurs que nous avons combattues, à savoir le tribalisme, l’ethnisme, le régionalisme. En effet, dans la gestion des affaires de l’Etat, de jeunes cadres perdent leurs postes parce qu’ils sont taxés d’être pro-Gbagbo ou du Sud. La place doit revenir aux gens du Nord selon Ouattara. Il a dit que « c’est regrettable, que c’est ça qui perd les pouvoirs en Afrique ».

Le Président Gbagbo ne s’est-il pas montré revanchard, amer… ?

Non non pas du tout. Ça c’est un aspect que je tiens à mettre en évidence. Ça m’a beaucoup frappé. Il ne s’est pas montré du tout montré amer. Il n’a pas dit ils vont voir. Aujourd’hui ils sont en train de se battre entre eux ils vont voir ce qu’il va leur arriver. Si on revenait au pouvoir, ils vont voir ce qui va leur arriver. Non non non, il n’a même pas fait allusion à ça. Il a simplement souhaité que le nouveau pouvoir fasse son travail et que le sens de l’alternance aille, car on suppose théoriquement que les citoyens auront le temps d’apprécier le pouvoir en place pour juger qu’il a été défaillant et qu’il faut le remplacer par un nouveau pouvoir. Et lorsqu’on fait ce choix, c’est dans l’espoir que ce nouveau pouvoir va vous apporter plus de satisfaction, va pourvoir davantage aux besoins des citoyens. Mais si c’est pour régresser, c’est dommage.
Et quand c’est les citoyens qui ont toujours le dernier mot, c’est attendre le jour des élections pour se présenter aux nouvelles élections.

Pensez-vous que Guillaume Soro mérite d’être transféré, avec ses com’zones, à la CPI ?

La question ne se pose même pas. Nous connaissons le début de cette crise là qui a conduit jusqu’à l’éviction de Laurent Gbagbo du pouvoir. Elle remonte au 19 septembre 2002. A Lomé, Soro au nom du MPCI a déclaré vouloir instituer un nouvel ordre politique en CI. Donc c’est lui le responsable de la rébellion. Et tout le monde a encore le tableau hideux et terrible des femmes éventrées, des hommes égorgés, de ceux qui ont perdu une jambe, un bras, provoquant la partition de la Côte d’Ivoire en deux, le Nord et le Sud. Donc les crimes de sang et les crimes contre l’humanité tels qu’on en parle aujourd’hui, il en est le principal responsable.
Laurent Gbagbo s’est trouvé dans une position de quelqu’un qui a été attaqué, qui était en position de légitime défense avec une armée, une police, et une gendarmerie. Et dans cette position, on ne peut pas laisser les citoyens dont on a la responsabilité et le bien être se faire massacrer et puis regarder.
Au moins le minimum, si Gbagbo qui s’est défendu a qui a été injustement transféré à la CPI, ceux-là même qui ont envoyé la violence ne méritent pas d’être laissés en liberté, car c’est eux qui ont envoyé la guerre chez nous. Soro mérite donc d’être transféré à la CPI. Sinon il aura quelque chose de choquant pour le bon sens et la morale.

Me Altit est au centre d’une certaine polémique pour avoir déjà travaillé pour Sarkozy et son ex Cécilia. Pensez-vous qu’il doit être maintenu comme Conseil de Laurent Gbagbo ? N’y-a-t-il pas un risque qu’il soit manipulé par Sarkozy?

Ce genre de questions, il faut les traiter avec beaucoup de circonspections. Me Altit, c’est un avocat de carrière quand même, un avocat profesionnel. Et dans toute profession, on est toujours lié par une sorte de serment. Ça c’est important. Vous avez votre client qui vous a sollicité pour votre compétence pour le défendre par rapport à un dossier. Vous en conviendrez que c’est en fonction de ça que vous travaillez.
Me Emmanuel Altit, du fait qu’il soit français, c’est tout à fait normal qu’il ait des relations avec le Président de la République française.
Vous savez les relations entre les hommes relèvent de beaucoup de choses, mais il faut aller à l’essentiel. C’est Laurent Gbagbo qui l’a choisi et qui le connait très bien, il ne devrait pas y avoir de problèmes.

Mais où sont passés les Me Vergès, Dumas, Ceccaldi, Bourthoumieux, Clédor Ly, eux aussi choisi par Laurent Gbagbo ?

Bon, Me Vergès et les autres là, ce dossier il faut l’avouer, nous on ne l’a pas suivi de très près. Ce que je puis dire sur le problème de sa défense, Gbagbo m’a conseillé de rentrer en contact avec Me Altit et que c’est lui qui me ferait le point de toute la procédure.

Autre question, le FPI est aujourd’hui divisé. Il y’a plusieurs groupes, plusieurs clans au sein du parti en Côte d’Ivoire et même exil?

Le FPI n’est pas divisé. Le FPI a une unique direction présidée par Miaka Ouretto qui se trouve à Abidjan. Ceux qui sont à l’extérieur sont en exil. Ce n’est pas une direction du FPI. Et ça, dans un parti politique en démocratie, le débat est pluriel. De façon moutonnière, on ne peut pas avoir le même point de vue sur des questions essentielles. Nous on est habitué au débat contradictoire. A condition de ne pas perdre de vue l’essentiel. L’objectif que nous recherchons, c’est que Laurent Gbagbo soit remis en liberté et soit réhabilité dans tous ses droits. Que tous nos amis qui sont en exil puissent retrouver le pays pour que la démocratie puisse jouer. Et que tous ceux qui sont en prison puissent recouvrer la liberté. C’est ça l’objectif. Le reste, ce sont des contradictions secondaires pour lesquelles nous n’avons pas à nous émouvoir. Ceux qui sont à l’étranger savent que la direction du FPI se trouve à Abidjan.

Quand croyez-vous que le FPI reviendra au pouvoir, Gbagbo est-il connecté ? Comment s’informe-t-il ? A-t-il droit aux nouvelles technologiques ?

A vrai dire, nous n’en avons pas parlé, mais lui-même à eu à le dire.
Tous ces moyens d’information dont vous parlez, il en dispose. Lors de l’audience de comparution initiale il a eu a le dire.
Mais quant à votre question, quand est-ce qu’on revient au pouvoir, le pouvoir d’abord relève de la volonté de Dieu. Tout ce que nous faisons, il y a un grand maître qui dispose de notre vie et qui a un chemin pour chacun de nous. Si Dieu dit que Laurent Gbagbo doit revenir au pouvoir, vous allez voir il va revenir au pouvoir. Mais Gbagbo ne fait pas du pouvoir une préoccupation spéciale. Lui-même disait : « bon écoutez, à ce stade de ma lutte là, je crois avoir atteint mon objectif, de faire en sorte que la démocratie fonctionne en Côte d’Ivoire ».
Son souci c’est la démocratie. La voix de passage obligée de nos états s’ils veulent accéder au statut d’Etats modernes développés.
Beaucoup ne comprennent pas ça chez nous. Nous voulons que la démocratie s’enracine chez nous, mais la gestion patrimoniale du pouvoir n’est pas de son ressort.

Merci Miaka Ouretto.

Propos recueillis à Paris par Christian Vabé