LES DÉBUTS DE LA FRANC-MAÇONNERIE EN AFRIQUE

Le 23 décembre 2010 par IvoireBusiness - La « franc-maçonnerie », sur le continent, est un héritage de la colonisation. Les francs-maçons sont assez nombreux dans l’administration coloniale. Jules Ferry, inventeur de

Logo de la Franc-maçonnerie.

Le 23 décembre 2010 par IvoireBusiness - La « franc-maçonnerie », sur le continent, est un héritage de la colonisation. Les francs-maçons sont assez nombreux dans l’administration coloniale. Jules Ferry, inventeur de

« l'école laïque et républicaine » en France, également « grand architecte » de l’expansion coloniale de la France, était un franc-maçon. Le gouverneur des colonies Félix Eboué, Noir originaire de Guyane qui engagea l’« Afrique équatoriale française (AEF) », dans la résistance contre l’Allemagne nazie, était également un « frère de lumière ». A l’approche des indépendances, ces administrateurs d’Outre-mer ont donc coopté des «autochtones» (fascinés par l’influence mais également une forme d’initiation mystique qui leur rappelle les traditions de leurs terroirs) avec qui ils développeront une relation de « frères et sujets », selon l’expression de la philosophe allemande Hannah Arendt, reprise par l’historien Jean-Pierre Dozon, dans son dernier livre.
Ceci dit, la « franc-maçonnerie » ne devient incontournable dans l’Afrique indépendante qu’au début des années 1970. A Madagascar, au Bénin, au Mali, en Guinée, dans l’ex-Zaïre, ce courant « philosophique » est d’abord interdit. Dans les premières années de l’indépendance, de nombreux régimes nouvellement établis se méfient de cette « secte » qui semble tant aimer le pouvoir. Ainsi, en 1963, la majorité des mis en cause dans le « complot du chat noir » que dénonce Félix Houphouët-Boigny, sont estampillés francs-maçons, mais également membres de l’aile progressiste du « PDCI-RDA » : Jean-Baptiste Mockey, Jean Konan Banny, Amadou Thiam et Ernest Boka… mais également Seydou Diarra, l’actuel Premier ministre du « gouvernement de réconciliation nationale » ! Le « Vieux » se réconcilie toutefois avec la « franc-maçonnerie » en 1971, en affirmant avoir été induit en erreur par un commissaire de police du nom de Goba, sacrifié sur l’autel du rabibochage politico-ésotérique.
Les « frères de lumière » peuvent donc s’organiser en toute liberté autour des trois obédiences françaises : la « Grande loge nationale de France (GLNF, dont les membres ivoiriens sont souvent affiliés à une loge dakaroise) », le « Grand Orient de France (GO) » – représenté par la Grande Eburnie – ainsi que la « Grande Loge de France (GLF) » – représentée par la « Grande Loge Unie ».
Les francs-maçons consolident progressivement leur emprise sur la société. Ils sont présents dans le monde des affaires, au sein de la communauté libanaise, au cœur des professions libérales… et dans la classe politique !
Ainsi, l’on pense généralement qu’Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié (plus pour le premier que le deuxième) « en sont ». Robert Guei était également réputé « en être ». Certaines rumeurs persistantes ont affirmé que Laurent Gbagbo était membre du Grand Orient, ce que ses proches démentent fermement.
En tout cas, le chef de l’Etat ivoirien connaît et pratique les francs-maçons avec la même minutie qu’il a littéralement « étudié » la classe politique française. Il les a même courtisés avant la présidentielle de 2000, en leur rappelant par exemple que c’est son parti qui a milité pour l’abolition de la peine de mort (combat que les francs-maçons aiment bien revendiquer, pour leur prestige). Il a pris soin d’avoir son « franc-maçon de service », si l’on veut être méchant, en la personne de son oncle Laurent Ottro, Président du conseil d’administration de la « Société ivoirienne de raffinage (SIR) » et homme des missions secrètes, au même titre – et l’on s’interroge sur le paradoxe – que Moïse Koré. L’on dit également que son ministre de la Défense, René Amani, « en est ». « On avait besoin de tout le monde, il fallait rassembler. Charles De Gaulle a toujours utilisé les francs-maçons sans en être. C’est dans cette optique que s’est situé Gbagbo », explique un de ses très proches amis. Après la présidentielle de 2000, Alain Bauer, « gourou » du « Grand Orient de France », consacre la victoire de Gbagbo, tout en militant pour une « solution politique » au cas Ouattara, c’est-à-dire une réintégration au forceps. De nombreux observateurs politiques s’accordent à dire que le « Forum pour la réconciliation nationale (FRN) » était une « affaire de francs-maçons ». Seydou Diarra, qui avait toute latitude de choisir ses collaborateurs, a puisé largement dans le vivier des « frères », qui avaient sans doute leur « agenda secret ». Les francs-maçons s’impliquent dans la venue au Forum de Bédié, Ouattara et Gueï. Mais leur « plan » ne passe pas. Les propositions premières de Seydou Diarra sont rejetées au profit de recommandations plus consensuelles. Pis, Gbagbo affirme à plusieurs reprises que le Forum n’est « ni un Parlement bis, ni un gouvernement bis ».
La grande revanche des francs-maçons arrive lors du conclave de Linas-Marcoussis. De l’avis général, ce sont eux qui organisent de bout en bout cette rencontre, qui en fixent les règles, et qui rédigent, sans grand souci d’un réel consensus, le texte polysémique tant contesté. Plusieurs personnes, Ivoiriennes et étrangères (dont Albert Tévoédjré, qui n’est pas encore représentant spécial de Kofi Annan à Abidjan) participent de près ou de loin à l’organisation de la rencontre, entrent et sortent du complexe alors que toute présence « étrangère » est interdite. Alain Bauer du Grand Orient de France endossera lui-même à plusieurs reprises Marcoussis comme contribution des « frères de lumière » à la paix en Côte d’Ivoire. Il ira jusqu’à faire une tournée dans plusieurs palais africains, en mars 2003, pour vanter ces Accords et pourfendre « l’ivoirité », un « concept digne de l’extrême-droite ». Les milieux chrétiens militants affirment même que le complexe de rugby de Linas-Marcoussis appartient aux francs-maçons et que les leaders qui y étaient présents ont tous – à part Mamadou Koulibaly, qui a claqué la porte – été « captivés » par les effluves « maçonniques ».

Didier Gossio