A la veille du sommet de l`UA - Ces chefs d`Etat qui vont péser dans les débats à Addis-Abeba

Publié le samedi 29 janvier 2011 | L'Inter - Dans quelques jours, l'Union Africaine (UA) va se réunir en sommet ordinaire à son siège panafricain d'Addis-Abeba en Éthiopie. Ce sommet aurait pu être des plus ordinaires, s'il n'allait pas traiter

Jean Ping, président de la commission de l'Union africaine.

Publié le samedi 29 janvier 2011 | L'Inter - Dans quelques jours, l'Union Africaine (UA) va se réunir en sommet ordinaire à son siège panafricain d'Addis-Abeba en Éthiopie. Ce sommet aurait pu être des plus ordinaires, s'il n'allait pas traiter

de deux sujets très importants. D'abord, le dossier épineux de la Côte d'Ivoire en proie à une crise post-électorale inédite du fait des résultats du 2nd tour de la Présidentielle, diversement interprétés par les camps Gbagbo et Ouattara. Ensuite, la série d'élections présidentielles, 14 au total, qui doivent avoir lieu cette année sur le continent africain et dont on craint qu'elles ne soient contaminées par le désormais ''syndrome ivoirien''. Que faire si l'exemple ivoirien commençait par faire des effets de contagion? Mais, à la veille de ce sommet, l'UA ne présente pas un visage véritablement reluisant. Et ce, pour deux grandes raisons. Premièrement, parce que le mandat de son président sortant, le malawite Bingu Wa Mutharika n'a pas été des plus médiatisés. Mieux, son mandat a été plutôt éteint par l'influence du président de la Commission de l'UA, le très charismatique ancien patron de la diplomatie gabonaise, M. Jean Ping. D'ailleurs, depuis un certain nombre d'années, les présidences de l'Union Africaine passent et se ressemblent, c'est-à-dire dans la plus grande morosité et dans l'anonymat le plus complet. Les grand-messes des différents sommet de l'UA se résument de plus en plus aux shows de Chefs d'État comme le libyen Mouammar Kadhaffi, plus prompt à pourfendre l'Occident qu'à prendre à bras le corps les problèmes de l'Afrique et des Africains. Deuxièmement, ce visage peu reluisant de l'UA se renforce quand on jette un regard plus attentif sur l'aréopage de Chefs d'État africains qui forment l'Union. Le constat est amer: les Chefs d'État africains sont de plus en plus vieux au sein de l'UA. Les plus représentatifs ou significatifs sont, soit octogénaires, soit septuagénaires. Tenez, le Sénégalais Abdoulaye Wade, âgé de 83 ans aujourd'hui et qui veut rempiler pour un autre mandat. L'Egyptien Hosni Moubarak, aujourd'hui en proie à une forte contestation dans son pays sur le modèle de ce qui a emporté le tunisien Bel Ali, est âgé lui-même de 82 ans. Le Zimbabwéen Robert Mugabé, figure de proue de lutte anticolonialiste dans les années 1970, est aujourd'hui âgé de 86 ans, et n'entend pas céder un pouce de son fauteuil à qui que ce soit. Le Camerounais Paul Biya a lui 77 ans avec plus de 21 ans de présence au pinacle. La Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, pourtant arrivée tard au pouvoir, totalise 75 ans. Que dire du Kenyan Mwai Kibaki qui a 71 ans, et qui a ''brigandé'' le fauteuil présidentiel qui ne lui appartenait plus? A côté de lui, on a les présidents Rupiah Banda de Zambie âgé de 73 ans et Hifikepunye Pohamba de Namibie âgé de 74 ans. Suivent tranquillement les presque septuagénaires comme le colonel Kadhafi de Libye qui a 68 ans, Jacob Zuma d'Afrique du Sud qui a aussi 68 ans. Selon des sources bien introduites, au sein de l'UA, la moyenne d'âge des Chefs d'État oscille entre 65 et 69 ans. L'UA est-elle finalement devenue un club de vieux présidents dépassés par l'évolution du monde? Cela est tout a fait probable quand on sait que la moyenne d'âge des Chefs d'État et Chefs de gouvernement des grandes puissances tourne autour de 50 ans.

POURQUOI L'UA NE PEUT RESOUDRE LA CRISE IVOIRIENNE...

Tenez, le président Barack Obama, Chef de l'État le plus puissant du monde, les USA, a 49 ans. M. David Cameron, le Premier ministre anglais, a tout juste 43 ans. Même si le président français Nicolas Sarkozy a 55 ans et tient la palme des plus âgés avec la chancelière allemande Angela Merkel, 56 ans, ces deux leaders ne paraissent pas vieux pour autant à côté de M. Luis Zapatero, Premier ministre d'Espagne, 49 ans, et le Président russe Dimitri Medvedev, âgé de 45 ans. Une différence d'âge qui dépasse et qui dérange. Mais, si le dossier ivoirien aura des problèmes de résolution, de façon pacifique il faut le préciser, sur le continent africain lors de ce sommet de l'UA, cela est essentiellement dû au fait que le contentieux électoral qui secoue la Côte d'Ivoire n'est pas un fait nouveau en Afrique. Deux à trois années en arrière, le Zimbabwe et le Kenya ont connu cette même situation post-électorale. D'un côté, au Zimbabwe, on a eu le président Robert Mugabé qui a brigandé au vu et au su de tous un fauteuil présidentiel qui devait échoir à son rival Morgan Tsvangirai. Lequel a accepté finalement de devenir son Premier ministre. De l'autre côté, au Kenya, le président Mwai Kibaki a chopé le fauteuil présidentiel qui devait revenir, au regard des résultats du scrutin, à M. Raïla Odinga, lui aussi devenu son Premier ministre. Il est clair que ces deux Chefs d'État cités comptent parmi ceux qui ne jetteront pas la pierre à leur homologue Laurent Gbagbo à Addis-Abeba lors du sommet, qui s'ouvre ce dimanche. On le sait, le Zimbabwéen Mugabé fait partie de ceux qui créent à chaque fois l'événement quand il participe à un sommet de l'UA. A côté de cela, il y a le fait que pour cette seule année 2011, 14 élections majeures sont prévues sur le continent africain. Nombreux sont ceux des Chefs d'État en fonction qui, suivant avec une attention toute particulière la situation en Côte d'Ivoire, commencent même à bien apprendre la leçon ivoirienne, pour bien l'assimiler afin de mieux l'appliquer chez eux le cas échéant. Le risque de contagion que craignait le SG de l'ONU, M. Ban Ki-Moon, est grand et le cas ivoirien risque de faire désormais école sur le continent si l'on n'y prend garde. Mais, que peut-on reprocher à ces Chefs d'État africains qui traînent chacun tant de casseroles et face à qui les gouvernements et autres ONG de l'Occident ne font point de ménagement, brandissant à chaque fois pour certains des menaces de poursuites pénales, au cas ils ne seraient plus au pouvoir dans leurs pays? N'est-ce pas la porte ouverte aux tripatouillages des résultats des scrutins pour se maintenir? Le mandat d'arrêt international lancé contre l'ancien président tunisien Ben Ali, malgré le fait qu'il ait lâché le pouvoir pour fuir vers l'Arabie Saoudite, n'est pas du genre à rassurer plus d'un Chef d'État en fonction, quand on sait à quoi ceux-ci s'exposent quand ils partent du pouvoir. Du coup, pour la plupart des Chefs d'État africains, candidats à leur propre réélection et qui seront présents à Addis-Abeba, il n'est point question de perdre les élections, par quel que moyen que ce soit. Il est clair donc qu'il ne faudrait pas s'attendre à un renouvellement massif du paysage des Chefs d'État africains pour cette année 2011. Et l'exemple le plus patent est celui du président Théodore Obiang Nguema Mbasogho de Guinée Équatoriale, qui doit remplacer le malawite Bingu Wa au poste de président en exercice de l'Union Africaine. L'homme d'État est sous le coup de poursuites judiciaires en France dans le cadre de l'affaire des «biens mal acquis». Qu'espère-t-on d'un tel président dans le cadre des élections chez lui? Il apparaît donc clair que ce n'est pas à une bande de vieux chefs d'État traînant des casseroles particulièrement bruyantes qu'on demandera d'être très regardants sur le cas de la Côte d'Ivoire. D'où les sorties bruyantes des uns et des autres qui présagent de ce qui va se passer à Addis-Abeba dans les heures à venir sur la crise ivoirienne.

JMK AHOUSSOU