LA GUERRE AU MALI UN PIÈGE SUBTIL TENDU À L'AFRIQUE

Il faut que les leaders africains comprennent que le monde politique est avant

Il faut que les leaders africains comprennent que le monde politique est avant

tout un vaste champ de bataille où ils ont surtout le devoir de protéger la vie de leurs
citoyens, au-delà des affaires publiques qu'ils sont appelés à gérer. Pour Clausewitz,
général et théoricien militaire prussien, la guerre est un instrument de la politique.
D'autres penseurs affirment que la guerre n'est rien d'autre que la continuation de la
politique par d'autres moyens. La guerre devient, en réalité, un instrument de la
politique, là où les gouvernants sont incapables d'atteindre leurs objectifs, de
protéger, en général, les intérêts de leurs nations respectives. Face à la montée du
panafricanisme, au désir des africains de prendre en main leur propre destin, les
hommes politiques occidentaux sont amenés à adopter une attitude beaucoup plus
subtile, flexible. Ils ont choisi, en effet, de tester la maturité politique des africains à
travers le choix qu'ils se doivent d'opérer face à la crise malienne. Le Mali est en fait
une zone hautement stratégique puisqu'elle lie l'Afrique noire au Maghreb et à
l'Europe. Susciter une guerre au Mali, c'est embraser tout le continent africain, c'est
déstabiliser nos États. Il appartient aux africains d'analyser toutes les informations
relatives aux groupes qui occupent le nord du Mali, ainsi que les conséquences des
guerres menées par les troupes occidentales contre des intégristes musulmans au
Moyen-Orient, pour prendre conscience du piège politique subtil qui leur est tendu.
Certaines informations de la Presse lient le Qatar à ces intégristes religieux du nord
du Mali, et démontrent qu'il existerait un lien étroit entre ces musulmans favorables à
la Charia et les multinationales qui ont le pouvoir de décision en Afrique, puisque le
Qatar, conscient des limites de ses ressources naturelles, est désormais semblable à
une grosse multinationale qui investit partout dans le monde. Le Qatar a, par ailleurs,
joué un rôle déterminant dans la guerre en Lybie. Il n'est donc pas surprenant de
constater l'existence de liens entre ce petit mais riche pays du Moyen-Orient et les
intégristes au Mali qui ont récupéré les armes de Sarkosy en provenance de la Lybie.
Toutes ces informations nous amènent à conclure que la nouvelle colonisation de
l'Afrique par les multinationales a choisi aussi bien le Mali que la Côte d'Ivoire
comme bases stratégiques. Au Mali, les multinationales ne font que reproduire le
schéma des extrémistes du Moyen-Orient qui permettra une invasion légale de ce
grand territoire par les armées étrangères, comme en Irak, et en Afghanistan. Quelles
seront les conséquences d'une guerre au Mali contre ces intégristes religieux? Elles ne
seront pas en fait différentes des guerres menées par les troupes occidentales contre
les groupes d'Alqaeda ou les talibans au Moyen-Orient. Nous assisterons
progressivement à une radicalisation des positions des jeunes musulmans africains
qui s'enrôleront aux côtés des leaders de ces mouvements islamistes installés au nord
du Mali. Nous avons sûrement parmi les membres du mouvement ANSAR-DINE,
certains de leurs leaders formés par les multinationales pour appâter les jeunes
musulmans africains, et les endoctriner par la suite. Si le christianisme joua un rôle
prépondérant dans la colonisation de l'Afrique, aujourd'hui l'intégrisme religieux du
monde musulman créera les conditions favorables à la conquête de toute l'Afrique, en
déstabilisant les nations laïques africaines, puisque la charia nie tout État laïc. Une
fois attaqués, le mouvement ANSAR-DINE et leurs alliés se disperseront et
envahiront tout le continent africain. Nous assisterons à une sorte de décentralisation
du conflit malien, à une métastase des cellules des extrémistes religieux dans toute
l'Afrique et notre continent sera, comme au Moyen-Orient, secoué par des attaques de
toutes sortes contre nos différentes Institutions. Face au dilemme du Mali, le
président François Hollande, dans un langage purement hermétique se lave les mains.
Il dit en substance: «Il appartient aux africains de faire part à l'ONU de leur décision.
S'ils choisissent d'attaquer le Mali, nous leur fournirons la logistique nécessaire». Ban
Ki-Moon, de manière diplomatique, préconise la négociation avant la guerre. Nous,
africains, sommes appelés, aujourd'hui, à prendre en main notre destin, choisissons la
voie du dialogue, et non celle de la guerre. Nous avons assez d'Imams africains
capables de conduire une médiation entre le peuple mandingue et le mouvement
ANSAR-DINE afin que soient extirpés du Mali les intégristes musulmans au service
des multinationales. Il est possible de fonder un État laïc malien à la tête d'une nation
malienne où il existera des régions favorables à une application plus rigoureuse des
lois islamiques. Aux États-Unis, les lois ne sont pas égales dans tous les états;
certains états sont à faveur de la peine de mort d'autres non, personne ne peut
cependant accuser les États-Unis de pratiquer la charia. Nous savons quand
commence une guerre, mais nous ne savons pas quand elle finit. Alassane Ouattara
qui a choisi la voie de la guerre en Côte d'Ivoire en fait les frais. Il existe, certes, des
guerres justes comme celle menée contre Hitler qui annexait les autres États
européens, mais au sein d'une même nation, tout homme politique doit être, selon
Platon, un tisserand; il lui faut utiliser tous les voies possibles, dans le but d'inciter
ses populations à vivre ensemble, à développer un esprit de tolérance vis-à-vis des
autres. La guerre au Mali sera suicidaire pour ce pays et pour toute l'Afrique.
Pratiquer la politique comme dit Houphouët et Laurent Gbagbo, c'est accorder le
temps au temps. Tous les leaders africains qui sont, en général, favorables à la guerre
au Mali sont étrangement ceux qui sont au service des multinationales occidentales.
Que le capitaine Sanogo médite les conseils des sages du mandingue qui affirment
que c'est la guerre qui a détruit le mandingue. Durant une guerre on court toujours le
risque de mourir aussi bien sous les bombes de ses ennemis que de celles de ses
propres alliés. Une « maladresse » de nos propres soldats peut nous être fatale.
Isaac Pierre BANGORET
(Écrivain)