Justice sélective du chef de l’Etat ivoirien : Un procureur à charge nommé Alassane Ouattara

Publié le mardi 2 août 2011 | Notre Voie - Le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, clame depuis son arrivée au pouvoir, dans les conditions calamiteuses, le 11 avril

Alassane Dramane Ouattara.

Publié le mardi 2 août 2011 | Notre Voie - Le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, clame depuis son arrivée au pouvoir, dans les conditions calamiteuses, le 11 avril

dernier, sa volonté de lutter « contre l’impunité » en Côte d’Ivoire. Qui serait, selon lui, la source de toutes les dérives constatées dans ce pays depuis plusieurs années. Il entend se démarquer, dans son entendement, de la gestion jugée trop paternaliste de l’ancien régime incarné par le Président Laurent Gbagbo. « Je suis contre l’impunité », a-t-il martelé, le vendredi 29 juillet dernier, dans un entretien à l’agence américaine, Associated Press (Ap). Dans le contexte de son voyage entamé, le mardi 26 juillet dernier, aux Etats Unis. Ce bel idéal, qui en réalité n’est pas une première en terre ivoirienne, souffre d’une terrible contradiction. Suscitée et entretenue par Ouattara, lui-même, alors qu’il n’a pas véritablement donné naissance à cette ambition. La lutte contre l’impunité, pour le nouveau Chef de l’Etat, n’est valable que pour ses adversaires. Ses partisans, pourtant reconnus coupables de graves exactions dans la crise post électorale, bénéficient de son silence. Ils sont parfois félicités. Dans ses entretiens, Alassane Ouattara, tel un procureur de la République qui instruit un dossier à charge, ne rate aucune occasion pour tirer à boulet rouge sur le camp Laurent Gbagbo. Il attribue à chacun des membres de ce camp, un délit en l’absence d’enquêtes préalables et de procès ; et il va jusqu’à donner des orientations à la justice ivoirienne dans ce sens. Le mercredi 27 juillet, au siège des Nations Unies à New York (Etats Unis), Ouattara a affirmé à la surprise générale que l’ancien président Laurent Gbagbo, déchu par la force des armes, sera jugé en Côte d’Ivoire pour les «crimes économiques ». D’où tient-il une telle information ? Sur quelle base affirme t-il pareille chose ? Le procureur de la République ivoirienne a-t-il diligenté une telle enquête ? Quand ? Et pourquoi les conclusions n’ont pas été rendues publiques ? A moins qu’Alassane Dramane Ouattara ait décidé de faire fi de la séparation du pouvoir (exécutif et législatif) pour se substituer à la justice. Alassane Ouattara se rebiffe quand on évoque les exactions commises par ses troupes à Abidjan et dans l’Ouest du pays. Il écarte du revers de la main les conclusions des enquêtes de l’Onu, des organisations des droits de l’homme telles que d'Amnesty International et Human Rights Watch (HRW). Sans compter les organisations humanitaires à l’image du Cicr qui ont conclu à la violation des droits de l’homme par les forces pro-Ouattara avant et après sa prise de pouvoir, par la force, le 11 avril dernier. En effet, un rapport d'Amnesty International publié, cette semaine, accuse les Frci, forces pro-Ouattara, de toujours s'en prendre à des populations favorables à Laurent Gbagbo. Un demi-million de personnes déplacées, appartenant à un même groupe ethnique, serait ainsi menacées. En outre, autre rapport de Human Rights Watch (HRW), daté de juin dernier, accuse les forces pro-Ouattara d'avoir tué 149 partisans de Gbagbo depuis son arrestation, le 11 avril dernier. Le document pointe du doigt Chérif Ousmane, chef de guerre dans la région de Bouaké (nord) et pilier de la rébellion armée, qui aurait ordonné l'exécution de 29 personnes. "ça ne peut pas être vrai (...) Chérif Ousmane est l'un de nos meilleurs soldats", a rétorqué Alassane Ouattara à l’Ap, sans fournir un début de preuve. Il a défendu Chérif Ousmane, juste parce que c’est son chien de guerre qui lui a été d’une aide précieuse pour sa prise de pouvoir. Par la force. C’est l’entretien exclusif d’Alassane Dramane Ouattara accordé, le dimanche 22 mai dernier, à Rfi et à la chaîne française France 24, au lendemain de son investiture et après un mois et demi de sa prise de pouvoir, qui nous situe sur le sort qu’il entend réserver à Laurent Gbagbo et à ses collaborateurs. Cette interview nous permet également de mieux cerner sa psychologie du pouvoir. Alassane Ouattara affirme ceci devant les questions de France 24 et de RFI. Sur la question des violations des droits de l’homme après la guerre survenue à partir du 28 novembre 2010. Et ce, avant même qu’une instruction soit ouverte de façon officielle par le procureur de la République. « Il y aura deux catégories (de procès). La corruption, la déstabilisation, la confiscation du pouvoir après les résultats des élections, les forfaitures etc… Tout ça peut être jugé par les tribunaux ivoiriens. Mais à côté, nous avons tout de même des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de sang. Nous pensons et nous demandons que ce soit la Cour pénale internationale », a-t-il déclaré. En ce qui concerne le sort de l’ancien président Laurent Gbagbo, voici l’échange entre Alassane Ouattara et la journaliste de France 24 : « France 24 : Donc Laurent Gbagbo ira à la CPI.

Alassane Ouattara. : Oui mais pas seulement lui, d’autres aussi. J’ai d’ailleurs déjà fait une demande écrite. » Et Ouattara d’ajouter : « Pourquoi certains chefs d’Etat devraient être devant la Cour pénale internationale pour ce qu’ils ont fait et que Laurent Gbagbo ne le soit pas ? ». Un autre échange, cette fois relatif aux exactions de ses troupes à Duekoué. « France 24 : Vos hommes, les FRCI (Forces républicaines de Côte d'Ivoire), ont commis également des exactions, notamment dans l’ouest du pays à Duékoué. Vous avez dit qu’il n’y aura pas d’impunité pour ces hommes-là.

Alassane Ouattara. : Tout à fait.

France 24 : Ces hommes ont-ils déjà été arrêtés ?

A.O. : Non, il faut d’abord faire le point, que nous sachions ce qui s’est passé. Nous avons diligenté le procureur de cette région qui allait faire des investigations. J’ai demandé à la Commission des droits de l’homme de faire également une enquête. Et donc, à l’issue de ces enquêtes, tous ceux qui auront des choses à se reprocher, à qui on reprocherait des crimes seront jugés. Tous les Ivoiriens sont égaux devant la loi. Il n’y aura pas d’exception. ».Et pourtant Laurent Gbagbo et ses collaborateurs sur qui pèsent de simples soupçons sont arrêtés depuis 199 jours. On le constate, Ouattara demande une procédure en bonne et dû forme quand ses hommes sont mis en cause. Voici l’image de la nouvelle justice ivoirienne. Sous Alassane Ouattara.

Serge Armand Didi

Le chef de l’Etat et ses promesses : Ouattara dit une chose et fait son contraire
Publié le mardi 2 août 2011 | Notre Voie
Le nouveau chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, revient des Etats unis où il a effectué une visite de travail. Au cours de ce voyage diversement apprécié dans l’opinion publique ivoirienne, il a tenu des propos qui sont en déphasage avec les actes qu’il pose sur le terrain en Côte d’Ivoire. Lors d’une conférence de presse qu’il a tenue dès son arrivée en terre américaine, il y a quelques jours, M. Ouattara a soutenu, au sujet des ivoiriens qui ont fui les exactions des Frci et qui se sont retrouvés en exil à l’étranger, qu’il comprend leurs difficultés pour avoir été, lui-même, exilé (allusion faite à ses déboires sous le régime Bédié). Ces propos de Ouattara seraient passés inaperçus, s’il n’avait pas poursuivi qu’il y a deux sortes de réfugiés : « Il y a ceux qui ont commis des forfaitures et détourné des deniers publics. Ceux-là doivent répondre de leurs actes devant la justice. Maintenant, il y a des militaires qui ont tué. Ceux-là seront jugés par le tribunal militaire ». Par cette déclaration, Alassane Dramane Ouattara avoue que c’est un piège qu’il tend aux Ivoiriens exilés lorsqu’il leur demande de rentrer au pays, au nom de la réconciliation nationale.

En fait depuis le coup d’Etat de la France contre le Président Gbagbo et l’installation de Ouattara au pouvoir, tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir soutenu le président Gbagbo sont pourchassés sans motif valable. Ceux qui n’ont pas eu la chance de sortir du pays sont systématiquement arrêtés et jetés en prison. Et c’est seulement après les avoir mis aux arrêts qu’on cherche leurs chefs d’inculpation. Ceux qui ont pu sortir du pays font l’objet d’un mandat d’arrêt international.

S’agissant de tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir commis des crimes contre l’humanité durant la crise postélectorale, Alassane Dramane Ouattara a encore affirmé qu’il ne protégera personne. C’est absolument le contraire qui se passe sur le terrain. Seuls les pro-Gbagbo sont dans le viseur de la justice. Alors que tous les chefs de guerre de l’ex-rébellion, pro-Ouattara, nommément cités par les organisations internationales de défense des droits de l’Homme, comme auteurs d’exactions graves, sont protégés par le pouvoir Ouattara. Le chef de l’Etat a même récompensé ces tortionnaires. Il dit d’ailleurs, à propos du chef de guerre, Chérif Ousmane, qu’il est un bon soldat. En réalité, les déclarations de Ouattara sont en contradiction avec les actes qu’il pose dans la réalité.

Boga Sivori
bogasivo@yahoo.fr