Insécurité: Des hommes en armes sèment la terreur à Adaou

Publié le vendredi 22 avril 2011 | L'Inter - Adaou, gros village, nouvelle sous-préfecture à une dizaine de kilomètres d'Aboisso, chef-lieu de la région du Sud-Comoé, vit un cauchemar depuis la prise du pouvoir par le président Alassane

Hommes en armes dont un en cagoule, source de l'insécurité dans le pays.

Publié le vendredi 22 avril 2011 | L'Inter - Adaou, gros village, nouvelle sous-préfecture à une dizaine de kilomètres d'Aboisso, chef-lieu de la région du Sud-Comoé, vit un cauchemar depuis la prise du pouvoir par le président Alassane

Ouattara. Cette localité a en effet le malheur d'être le village natal du président du Conseil national des sages (CNS) de la filière café-cacao, Georges Bléhoué Aka, vieil ami du président sortant, Laurent Gbagbo. Depuis le samedi dernier, des hommes en armes sèment la terreur dans ledit village. Ces hommes, en tenue militaire, se présentant comme des membres des forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), y effectuent des descentes musclées qui se soldent par la séquestration des villageois, mais surtout par le pillage de la résidence du doyen Bléhoué Aka visitée à plusieurs reprises. Mardi 19 avril 2011. Un habitant du village nous informe par téléphone de l'ambiance de terreur qui règne dans le village. Le mercredi, nous entreprenons un voyage dans la localité pour nous rendre compte de l'évidence sur le terrain. 9H25, nous sommes, donc à Adaou, situé seulement à une centaine de kilomètres au Sud-Est d'Abidjan, la capitale économique ivoirienne, siège du pouvoir. En entrant dans le village, l'on est tout de suite frappé par le silence, en ce jours de marché dans la plupart des localités du Sud-Comoé. Aucun individu dans les ruelles de cette nouvelle sous-préfecture, naguère animée. Cette ambiance de cimetière, qui suscite la psychose, confirme les informations préalablement données par notre interlocuteur quant au sort infligé aux habitants. Un peu plus loin, vers le centre du village, à environ 150 m de l'axe principal conduisant à Aboisso, l'on aperçoit quelques présences humaines, qui se dépêchent pour se terrer dans une cour, dès qu’elles entendent tout bruit de moteur se reprochant. Ce sont ces témoins vivants de la scène, qui ont regagné le village juste pour ramasser quelques objets dont ils ont besoin, qui vont raconter leur drame, à la suite des violences d'Abidjan. Selon ces témoins, leurs malheurs ont commencé depuis le samedi 16 avril au soir. Alors qu'ils devisaient tranquillement dans leurs domiciles respectifs, les villageois sont tirés de leur quiétude par une meute de véhicules 4x4 qui sillonnent le village et y déversent des dizaines d'éléments en armes, en tenue militaire pour certains et en tenue traditionnelle appelée communément ''dozo'', pour d'autres. En un clin d'œil, la nouvelle sous-préfecture abritant plus de 1000 âmes est encerclée par le commando venu d'Aboisso et de localités environnantes, notamment du poste-frontière de Noé. Surpris, les jeunes du village n'ont pas le temps de s'organiser qu'ils sont pris à partie par les visiteurs. De nombreux habitants sont passés à tabac, sévèrement molestés et séquestrés, à l'image du chef du village qui n'échappera pas à la furia du commando se réclamant du FRCI. Le domicile du président du CNS est très vite repéré par ces hommes en armes, qui tentent de forcer les portails et arrivent finalement à y accéder par une porte à l'arrière-cour. En l'absence du maitre des lieux et de sa famille qu'il a mis à l'abri depuis le début des événements, des employés de la maison sont passés à tabac, ainsi que des habitants du voisinage, qui vont assister impuissants à un saccage inqualifiable des locaux de cet habitat de haut standing et au pillage systématique de biens et objets de grande valeur. Les visiteurs n’épargneront rien. Plus d'une trentaine de chambres et les salons feutrés, œuvre de longue haleine bâtie par le vieux planteur d'Adaou, sont passées au peigne fin, laissées sens dessus-dessous et vidées de l'essentiel de leur contenu. Placards et tiroirs éventrés, même des coussins de lit. Rien ne sera laissé à sa place dans le vaste domaine du Doyen Bléhoué Aka, composé d'une grande bâtisse à 3 niveau et de nombreuses chambres et suites d'amis aux alentours. Toutes les maisons de la cour familiale du planteur, à côté, même les chambres de femmes et vieilles dames ont eu leurs portes fracturées et ont été visitées. Au bilan, ce sont des pertes énormes qu'aura enregistrées celui qui passe aujourd’hui pour être l'icône des planteurs en Côte d'Ivoire. Plusieurs appareils de marque dont une quinzaine de télé LCD 42'' et 63'', des pagnes traditionnels de grande valeur, des appareils hifi et électroménagers, des équipements de bureau (ordinateurs, imprimantes, caméras, etc.), des cargaisons de boissons de marque, bref tout ce que les visiteurs, après avoir fait le tour de la maison, à la recherche dit-on d'armes, pouvaient emporter à bord de leurs véhicules et de deux camionnettes du propriétaire des lieux trouvées sur place. Fait marquant, ces pillards en armes ne se contenteront pas de leur seule visite du samedi ; ils ont remis le couvert le lendemain dimanche à 16h. Cette fois en pleine journée, où ils se sont donné assez de temps pour bien fouiller la maison du vieux planteur en cavale avec sa famille pour éviter toute dérive de la part des hommes en armes. Comme lui, Adaou est aujourd'hui un village sinistré ; ses habitants ont tous déserté biens et domiciles pour se réfugier dans la brousse. A notre passage, l'on annonçait l'arrivée d'un autre groupe d'hommes en armes, venant dit-on de Noé, qui entendait visiter à son tour le domicile du doyen devenu un lieu de pillage systématique. Cette annonce a aussitôt précipité dans la brousse les quelques rares habitants venus s'enquérir des restes de leurs habitations. Cette annonce va même abréger notre visite des lieux, au risque de faire les frais de notre présence aussi «indésirable» que celle des membres de la famille Bléhoué. A en croire des indiscrétions, les bourreaux du planteur d'Adaou lui reprocheraient son soutien au président sortant Laurent Gbagbo. Il serait même soupçonné de financer l'achat d’ armes pour le régime déchu et d'en héberger des fugitifs, comme l'écrivait un confrère s'interrogeant sur la cachette du leader de la galaxie patriotique, Charles Blé Goudé. Ceci expliquerait-t-il la barbarie au domicile du président du CNS de la filière café-cacao? Toujours est-il que l'acte posé ressemble fort bien à un saccage gratuit et à un pillage des biens acquis par le vieux planteur. Vengeance, règlement de compte ou simple acte d'individus incontrôlés? Les nouvelles autorités en sont interpellées, ainsi que du calvaire de bien d’autres personnes suspectées à tort ou à raison, individuellement ou collectivement d’avoir milité pour le régime déchu.

Félix D.BONY
Envoyé spécial