Guillaume Soro, invité de «Le débat Africain» d’Alain Foka sur RFI, révèle: ‘’La CPI a émis des mandats d’arrêt contre Simone Gbagbo, Blé Goudé et le général Dogbo Blé‘’

Publié le lundi 9 juillet 2012 | IVOIREBUSINESS – Pavé dans la mare que la révélation faite dimanche sur RFI par Guillaume Soro, président de l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire.

Guillaume Soro et Alain Foka, hier sur RFI.

Publié le lundi 9 juillet 2012 | IVOIREBUSINESS – Pavé dans la mare que la révélation faite dimanche sur RFI par Guillaume Soro, président de l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire.

En effet, au micro d’Alain Foka hier, Guillaume Soro a déclaré que des mandats d’arrêts internationaux avaient été lancés par la CPI contre Simone Gbagbo, Blé Goudé et le général Dogbo Blé.
Nul doute que cette annonce constitue un véritable séisme politique, et ne manquera pas d’alimenter les soupçons de justice à sens unique qui collent à la CPI.
Guillaume Soro est actuellement en visite privée en France où il se livre à une campagne de lobbying médiatique tout azimut.
Alain Foka, l’animateur de RFI, a conduit Guillaume Soro dans ses derniers retranchements au cours de l’émission, accusant le pouvoir d’Abidjan de justice des vainqueurs, et l’obligeant souvent à puiser dans ses dernières ressources, sans vraiment convaincre.

CI-DESSOUS, L’INTEGRALITE DES DEBATS.

Catherine Balineau

Président de l’Assemblée nationale après la crise postélectorale, où vous avez été l’un des principaux acteurs, l’un des chefs militaires qui est allé mettre en route l’armée du nord pour mettre fin au blocage d’Abidjan. Votre fonction est-elle une récompense ou une manière diplomatique de vous écarter de la primature et de la fonction de ministre de la défense que vous cumuliez. Est-ce une fonction pour vous éloigner de l’action et de la main mise sur le pouvoir ?

Je dois dire que président de l’Assemblée nationale que je suis, c’est d’abord par vocation et en harmonie et en accord avec le président de la République que j’ai décidé d’aller dans ma circonscription natale pour briguer le suffrage des populations.

Mais pour beaucoup cela ressemble à une sorte de retraite, une façon de vous écarter un peu du pouvoir parce que vous étiez très puissant ?

Pas du tout. Je pense que le président Alassane Dramane Ouattara est un homme d’honneur, de parole, un monsieur honnête que j’ai appris à côtoyer, à fréquenter. Nous avions déjà convenus qu’à partir du moment où il avait fait une promesse électorale au Pdci de lui donner la primature, en homme d’honneur il devait respecter cet engagement. Et nous avons convenu, mais je dis bien, en parfaite harmonie que je puisse aller briguer la tête de l’Assemblée nationale. Et c’est ce que j’ai fait.

C’est ce que vous avez fait et sans regret ?

Pas du tout ! Vous même vous l’avez dit, quand à 40 ans vous avez été ministre d’Etat et Premier ministre et que vous devez présider aux destinées de l’Assemblée nationale, deuxième pouvoir, deuxième institution de la République de Côte d’Ivoire, c’est plutôt avec honneur parce que bien entendu vous devenez le deuxième personnage de la Côte d ‘Ivoire.

Deuxième personnage à qui on pourrait prêter des intentions de devenir président de la République. Mais aujourd’hui que dit la Constitution. Si le président est empêché c’est vous qui prenez les affaires ?
Mais pourquoi avez-vous de telles idées morbides ? Vous n’en avez pas besoin ! Pour le moment, l’objectif du président Alassane Dramane Ouattara c’est de mettre en place les institutions de la République au plan politique. Nous avons installé le Conseil constitutionnel, aujourd’hui nous avons installé l’Assemblée nationale qui fonctionne, demain nous ferons les élections municipales.

Oui, mais lorsque l’Assemblée nationale est tenue par un ancien rebelle, c’est dire que l’envie peut venir pour dire que maintenant je prends les affaires et recommencer comme en 2002 ?
Vous savez, les choses sont très simples. J’avais l’opportunité quand monsieur Gbagbo s’était arcbouté au pouvoir de profiter de la situation ! Mais je ne l’ai pas fait. Par loyauté mais aussi par devoir, mais aussi parce que je suis profondément démocrate et je crois en l’Etat de droit.

Lorsque vous dites que vous êtes démocrate alors qu’une armée allait renverser le gouvernement mis en place en 2002 alors que vous étiez le chef de cette rébellion …
Est-ce que pour vous ATT est un démocrate ?

Vous vous comparez à ATT, mais est-ce qu’on était dans les mêmes circonstances que celles d’ATT ?
Est-ce que pour vous ATT est un démocrate ?

Je n’ai pas à me prononcer là-dessus.
Est-ce que pour vous De Gaulle a été un grand homme politique en France ?

Vous-vous mettez dans la classe de De Gaulle ? Vous estimez que comme en juin 1940 il fallait intervenir en Côte d’Ivoire en 2002 ?

Dans la vie des Nations il arrive, par le concours des péripéties diverses, la vie de ces Nations s’en trouve perturbée. Evidemment en 2002, j’ai été à la tête d’une rébellion qui a revendiqué clairement la démocratie et l’Etat de droit dans mon pays.

Alors ce que je veux dire, cette rébellion monsieur Guillaume Soro, comment vous en devenez le chef ? C’est un complot préparé de longue date où c’est par hasard que vous vous retrouvez à la tête de cette rébellion ?

Non ce n’est pas par hasard. La Côte d’Ivoire depuis quelques années déjà était frappée par une grave dérive ivoiritaire. Une partie de la communauté nationale était exclue de la vie politique. Il y avait le délit de patronyme dans mon pays. Et quand justement les rouages et les mécanismes de l’Etat ne permettent pas aux citoyens de s’exprimer par les canaux réglementaires, la révolte peut devenir de droit. Et c’est ce c’est passé.

Vous revendiquez cette rébellion de 2002 ?

Absolument !

Pensez-vous qu’elle était justifiée ?

Je considère qu’elle était justifiée. C’est Victor Hugo qui le disait : « Face à la dictature, la révolte est de droit ».

La révolte est de droit. Les élections, les dernières élections de 2010 c’est vous qui les avez organisées. C’est vous qui avez été un peu l’architecte de cette élection. Pensez-vous qu’elle a été crédible ? Est-ce que réellement aujourd’hui on peut dire que la contestation des autres est injustifiée ?

Non seulement elle est injustifiée, mais elle est infondée. C’est même malhonnête de vouloir contester une élection…

Vous n’avez pas manœuvré pour installer Alassane Ouattara au pouvoir ?

Comment l’aurai-je pu quand il y avait l’Union Africaine, la Cedeao, les Nations Unies, l’Union Européenne. Quand il y avait autant d’observateurs et surtout autant de mécanismes de validation du processus électorale. Je vous signale que très peu de pays en Afrique et dans le monde peuvent se targuer d’avoir eu un processus électorale aussi surveillé…

Oui, mais comment comprendre que l’on conteste les résultats qui sont sortis des urnes et que d’autres affichent d’autres procès verbaux qui ne sont pas ceux que l’on a présentés chez vous ?
Voilà justement entre les Nations Unies que vous, monsieur Alain Foka ne pouvez pas accuser de complaisance ni de partialité, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la commission indépendante. S’il y a bien une minorité qui a tort et qui a intérêt à falsifier les procès verbaux, c’est bien le camp de monsieur Laurent Gbagbo ! Cette élection a été démocratique, transparente et frappée par le sceau de la certification des Nations Unies.

Pour vous, il n’y a pas de contestation possible ?

Il n’y a pas de contestation possible.

On sait comment la crise postélectorale a entrainé des victimes. Il y a eu une guerre dans cette ville d’Abidjan. Vous étiez au Golf, enfermés dans cette République, la plus fermée de toute la planète. Vous en êtes sortis pour aller chercher une armée dans le Nord. C’est la même que vous aviez avant ?

Alors ! Deux choses. J’étais, je vous le rappelle, Premier ministre, ministre de la défense. Je ne suis pas allé chercher une armée ! J’étais ministre de la défense et je commandais aux Forces Républicaines de Côte d’Ivoire.

Mais il y a une bonne partie qui n’était pas les Forces Républicaines qui étaient les FDS, qui eux, appartenaient à l’autre camp et qui se disaient loyalistes aussi ?

Je dis que j’étais Premier ministre, ministre de la défense, je dirigeais les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire.

Qui étaient dans le Nord ?

Bien sûr !

De qui étaient-elles composées exactement ?

Les Forces Républicaines étaient aussi bien dans le Nord que dans le Sud ainsi qu’à l’Est qu’à l’Ouest. Donc il n’y a pas une progression unilatérale. Il y a eu plusieurs fronts qui ont été ouverts dans une stratégie et une tactique bien concertées. Ce que je veux dire c’est que les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire ont lancé une offensive le 27 mars 2011 pour arrêter et stopper les tueries qui avaient cours à Abidjan. Et aujourd’hui, je considère que ces Forces Républicaines ont joué un rôle important dans le rétablissement de la démocratie et la paix dans mon pays.

Il y a eu beaucoup de morts dans cette bataille d’Abidjan. Ainsi que beaucoup de mort d’un côté comme de l’autre…
Ce que je veux vous dire c’est que les morts ont eu lieu du 28 novembre 2010 au 27 mars 2011. C’est parce qu’il y avait autant de morts (et les décomptes des Nations Unies sont là), c’est parce qu’il y avait des milliers de morts que nous n’avons pas eu d’autres choix pour arrêter la continuation et la commission des crimes et des meurtres à Abidjan, que nous avons déclenché l’offensive.

Monsieur le président de l’Assemblée nationale, aujourd’hui, seule une personne se retrouve à la Cour pénale internationale, le président Laurent Gbagbo. Est-ce que cela veut dire que c’est la seule personne qui a commis des crimes en Côte d’Ivoire ? Est-ce qu’il n’y a pas eu des personnes qui ont commis des crimes dans l’autre camp ? On a l’impression qu’il y a une justice des vainqueurs finalement…
Ça, c’est une propagande du FPI (Front populaire ivoirien), qui ne rime à rien. Pour ne pas justement être accusé d’avoir une justice des vainqueurs, nous avons fait appel à la Cour pénale internationale, la justice internationale insoupçonnable, qu’on ne peut pas soupçonner d’être complaisante ou de choisir.

Mais là, on a 148 personnes qui sont officiellement mises en examen et qui sont accusées de crimes et de génocides etc, etc… qui sont tous d’un seul camp, celui de Laurent Gbagbo ?

Vous ne pouvez pas me dire, je parle de la justice internationale, de la CPI, qu’elle est partiale. Jusqu’à présent la CPI a été appelée à venir investiguer en Côte d’Ivoire. Mais à ma connaissance, elle n’a émise que 4 mandats d’arrêts. Qui évidemment ont été émis contre monsieur Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo, Blé Goudé et le général Dogbo Blé. Vous me direz que la CPI a décidé sur la base d’enquête.

Mais monsieur Soro, vous n’allez pas dire que dans votre armée aussi on n’a pas commis de crimes ?

Les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire ont agi en légitime défense. Quand les policiers poursuivent et traquent le hors-la-loi et que celui-ci tire sur la police et qu’elle riposte, peut-on les mettre sur la même balance ? Le hors-la-loi depuis le 28 novembre c’était Gbagbo. Si Gbagbo avait cédé pacifiquement le pouvoir comme Wade l’a fait au Sénégal, il n’y aurait pas eu 3.000 morts ! Et vous n’allez pas me dire que Gbagbo n’a pas commis ces crimes en Côte d’Ivoire du 28 novembre 2010 au 27 mars 2011?

Mais il n’y a pas que dans le camp de Laurent Gbagbo qu’on ait commis des crimes ? On vous accuse par exemple, vous, monsieur Soro d’être responsable de la mort d’IB (Ibrahim Coulibaly) qui était légalement dans le camp du pouvoir. Et il se raconte qu’il existait des rivalités entre vous, ce qui a poussé les militaires à l’abattre froidement?

Monsieur Alain Foka, nous avons l’habitude de vous savoir sérieux, journaliste d’investigation sérieux, dites-moi qui m’accuse ?

Ça se dit partout monsieur Guillaume Soro !

Vous n’allez pas faire le relais des ragots de la presse ?

Vous n’avez donné aucun ordre ?

Je vous demande qui m’accuse ? Répondez ?

La presse, beaucoup de gens et également ceux du camp Gbagbo ainsi que les pro-IB…
Ecoutez, pour répondre plus sérieusement, en politique il y a tellement de calomnies que si je devais passer mon temps à répondre aux calomnies, je n’en aurais pas assez à consacrer à ma mission. Donc moi, ce que je dis, c’est que j’étais Premier ministre, ministre de la défense et en ma qualité de ministre de la défense, j’ai dû donner des instructions aux Forces Républicaines de Côte d’Ivoire pour stopper les tueries à Abidjan. Les 3.000 morts en Côte d’Ivoire, c’était avant l’offensive. Après l’offensive il n’y a pas eu autant de morts. Donc ces Forces sont venues pour stopper les tueries et il faut saluer les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire.

Et IB faisait partir de ceux qu’il fallait stopper ?

IB n’était pas notre adversaire dans ce combat.

Il n’était pas votre rival par hasard ?

Si je n’ai pas donné d’instructions aux Forces Républicaines pour tuer Laurent Gbagbo, pourquoi le ferai-je pour IB ?

Franchement, qui sont ceux qui ont tué à Duékoué ?

A Duékoué, il y a eu des batailles. C’était la guerre. Nous étions confrontés à des miliciens et mercenaires libériens à la limite du cannibalisme. Si vous considérez que les Forces Républicaines avaient une revanche à prendre alors, pourquoi n’a-t-elle pas exterminé toute la population de Mama, de Gagnoa, d’où vient Laurent Gbagbo ? Qu’est-ce qui justifie que ce soit à Duékoué qu’il y ait eu autant de morts ? Justement parce qu’il y avait des miliciens, des mercenaires qui étaient des hors-la-loi ne respectant pas les règles de la guerre. Voilà ce qui s’est passé à Duékoué !

Vous n’avez pas peur d’être inquiété par qui que ce soit ?

Je suis d’une sérénité imperturbable. Je considère simplement que de ma responsabilité de ministre de la défense et de Premier ministre, il était devenu insupportable de laisser monsieur Gbagbo continuer de tuer les Ivoiriens. Et nous sommes venus à Abidjan pour stopper les tueries en Côte d’Ivoire.

Vous êtes un ancien de la Fesci qui avait comme mentor, monsieur Laurent Gbagbo. Aujourd’hui vous lui êtes opposé. Qu’est-ce qui vous a opposé à ce point ? A quel moment vos chemins se séparent ?

Il est clair que fondamentalement je suis un homme de principe, de conviction et je crois en l’Etat e droit et à la démocratie. Je n’ai pas supporté que dans mon pays, il y ait des dérives ivoiritaires et que l’ethnicisme soit érigé en règle de gestion du pouvoir d’Etat. Et c’est ce qui m’a divisé d’avec monsieur Laurent Gbagbo. Quand nous avons signé l’Accord Politique de Ouagadougou et j’ai été Premier ministre, ma seule mission était d’organiser des élections démocratiques et transparentes. Il n’y avait pas d’autres objectifs pour moi. Et j’ai tenu le cap. J’ai organisé des élections démocratiques et transparentes certifiées par les Nations Unies qui ont donné monsieur Alassane Dramane Ouattara gagnant. Si c’était monsieur Bédié qui avait gagné, je l’aurais dit. Mais l’histoire a voulu que ce soit Alassane Ouattara qui ait gagné. Et je l’ai dit, et je l’assume !

Et le poste de Premier ministre n’a pas été une récompense pour ce que vous avez fait ?

En l’état actuel des choses en décembre où on était confiné au Golf, il y avait très peu de candidats au poste de Premier ministre en Côte d’Ivoire.

Ce n’était pas joué d’avance ?

Sûrement pas ! Pas quand nous étions encerclés par les chars de monsieur Gbagbo et par ses troupes. Quand nous étions confinés au sein de l’hôtel du Golf, je le répète, il y avait très peu de candidats pour être Premier ministre.

Mais on a souvent dit que vous avez passé un accord avec la France pour vous sortir de cet endroit avec Alassane Dramane Ouattara du Golf. C’est quoi cet accord ?

(Rire) Vous savez, il y a tellement d’élucubrations et d’inventions ! Comment pouvez-vous, monsieur Alain Foka, je le répète, vous êtes un journaliste connu en Afrique pour votre sérieux et vous ne pouvez pas faire le relais de ragots de presse ! Vous ne pouvez pas être quand même l’avocat du diable !

Ce n’est pas que des ragots de presse. En face, il y a des gens, l’opposition, le parti de Laurent Gbagbo qui disent des choses et qui ont également des avocats qui présentent des documents à eux qui vous incriminent de temps en temps et qui estiment que dans cette guerre il y a eu des responsabilités des deux cotés et pour l’instant, la justice n’a l’air que de s’occuper de ceux qui sont les perdants de cette bataille ?

Que la propagande du FPI soit celle-là, c’est politicien et c’est compréhensible. Que le grand journaliste de Rfi s’en fasse l’écho…

On vous pose des questions monsieur le président. Vous y répondez et si ça ne vous concerne pas, donnez les réponses qui sont les vôtres ! Mais on va vous poser les questions !
Nous ne sommes pas concernés et vous le savez bien.

Donc vous n’avez peur de rien ?

Vous croyez que je suis un homme qui ait peur de quoi que ce soit ?

Non ! Je suis serein.

Est-ce que vous avez encore beaucoup d’amis dans l’armée aujourd’hui qui sont proches de vous et qui sont bien vus ?

Je n’ai pas à avoir d’amitié spécifique ou particulière dans l’armée de Côte d’Ivoire. Aujourd’hui je suis président de l’Assemblée nationale. Ma responsabilité c’est de faire en sorte que l’Assemblée nationale soit au cœur de la République. Que l’Assemblée nationale puisse jouer le rôle qui est le sien. A savoir, le contrôle à postériori de l’action gouvernementale, l’initiative des lois et la contribution forte à la réconciliation des fils et filles de la Côte d’Ivoire.

Avez-vous le sentiment que cette Assemblée nationale reflète la couleur politique de la Côte d’Ivoire aujourd’hui ?

Absolument ! Cette Assemblée nationale est largement représentative du peuple ivoirien puisqu’aucune partie de la Côte d’Ivoire n’a été exclue.

Un grand parti avec pour président quelqu’un qui avait quand même fait 46% des suffrages si on s’en tient aux résultats des élections présidentielles n’est pas représenté à cette Assemblée nationale ?

Justement ! C’est ça la démocratie ! La démocratie veut que chacun soit libre. Un parti est libre de participer aux élections législatives et le même parti est libre de ne pas participer aux législatives. En Côte d’Ivoire et dans le monde entier, la démocratie n’est pas la démocratie des partis politiques. Parce que tous les citoyens d’un pays ne sont pas organisés au sein d’une formation politique ! Il y a certains qui ne militent pas dans un parti politique. Les élections législatives ce sont adressées à tous les Ivoiriens sans exclusion.

Monsieur Soro n’avez-vous pas le sentiment que votre ascension fulgurante s’est faite avec la violence et en suscitant pas mal de haine et de rancœur ? On lit ce qu’on lit dans la presse et on se dit que peut être que plaisez, mais vous n’avez pas mal d’ennemis ?

J’aurais aimé ne pas avoir d’ennemis certains. Mais ma conviction propre, est que j’ai accompli mon devoir, en toute honnêteté. Et j’ai essayé de le faire avec compétence !

D’abord ministre d’Etat, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, c’est quoi la prochaine étape ? En 2015, vous serez candidat à la présidentielle ?

Je trouve que c’est prématuré d’ouvrir un tel débat. Le président Alassane Ouattara n’a même pas encore faire la moitié de son mandat!

Mais les campagnes commencent souvent très tôt ? Et les ambitions aussi on commence vite à les mettre en place ?

Bien sur. Mais pour le moment, ce n’es pas mon, ambition. Mon ambition est de faire de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, une institution qui compte dans mon pays.

Alors comment ça se fait. Est-ce que vous ne vous ennuyez pas un peu de la haut là où il y a moins d’actions en tant que Premier ministre et ministre de la défense ?

Je peux vous assurer qu’effectivement quand on est beaucoup dans l’activité c’est un peu plus prenant, mais maintenant je suis président de l’Assemblée nationale. Une Assemblée nationale qui du reste n’a pas fonctionné depuis dix ans ! Donc il y a encore beaucoup de chose à faire et nous sommes en train d’y travailler.

C’est quoi le gros chantier ?

La première chose c’était déjà de remettre en place cette institution aussi bien physiquement que dans la psychologie des Ivoiriens !

Vous n’êtes pas tout simplement une caisse de résonnance du gouvernement ?

Ah non ! Notre Assemblée nationale a des prérogatives dévolues par la Constitution. Et dans ma déclaration quand j’ai été élu, j’ai dis que notre Assemblée nationale ne sera pas une caisse de résonnance. Elle jouera son rôle jusqu’au bout. Et le président de la République convient avec moi que la pire des choses en démocratie ce ne sont pas les débats ! Ce n’est non plus pas la contradiction ! La pire des choses en démocratie ce n’est pas ça. Tous les débats et les contradictions qui peuvent être constructives permettent à la démocratie de progresser.

Donc il va y avoir débat véritablement dans cette Assemblée nationale que l’on croit unicolore ?

Absolument ! Je vous le garantis, nous ne serons pas complaisants. L’Assemblée nationale a été renouvelée à 85%. Ce sont pour la plupart des jeunes qui en veulent.

Mais proche de la mouvance quand même?

Oui, mais ça n’autorise pas une sorte d’unanimisme. Nous allons faire notre travail professionnellement, avec compétence et nous ne verrons rien que l’intérêt du citoyen ivoirien.

Quelles sont vos relations aujourd’hui avec Alassane Ouattara ? Elles sont bonnes ? On dit que vous êtes un peu éloignés parce que vous avez des velléités de devenir président ?

Non, non, non. Mes relations avec Alassane Ouattara sont excellentes. Et elles durent depuis bien longtemps. Passé le moment où certaines personnes cherchaient à discréditer l’un ou l’autre ! Et le président de la République a pris le temps de m’observer et a pu s’assurer de ma loyauté en toute circonstance.

Très sérieusement, dans la rébellion, il n’était pas concerné ? Vous n’aviez pas le président Alassane Dramane Ouattara derrière vous lorsque vous étiez dans la rébellion? Etait-ce sa rébellion ou pas ?

Je pense que cette question vous devez la poser au président de la République.

Mais je vous ai en face, vous étiez le chef de guerre ?

Bien sûr, en ce qui me concerne, je dis et je le répète, j’étais secrétaire général des Forces nouvelles.

Qui était votre patron ? Qui finançait ?

J’étais mon patron.

Vous êtes venu comme ça et vous avez financé une armée ? (rire). Vous savez bien que les gens se posent la question de savoir qui finançait la rébellion ? Je vous ai en face, qui finançait ?

Bien sûr ! Si vous avez suivi mon cursus, vous savez bien que je ne suis pas un homme à se laisser manipuler. J’ai été secrétaire général de la Fesci. Le même Alassane Dramane Ouattara était Premier ministre à cette époque. Et nous lui disions quand on était étudiant, nos vérités.

Mais est-ce que le Nord ne s’est pas retrouvé un peu plus tard pour mettre fin à cette ivoirité dont vous parlez ?

Je veux dire qu’il est clair que quand l’ivoirité est apparu dans mon pays et que monsieur Alassane Dramane Ouattara a été la cible, forcement, sa région d’origine s’est sentie solidaire de ce fils qu’on voulait à tout prix excommunier de la Côte d’Ivoire. Mais ceci dit, ce n’est pas un fondement idéologique ou politique. Ce que je suis en train de dire, c’est que moi, le combat que j’ai mené en Côte d’Ivoire, est un combat pour l’Etat de droit et la démocratie. Je ne pouvais pas soutenir qu’on spolie des citoyens de leur nationalité. C’est très clair !

Donc il vous a financé pour cette campagne de 2002 ou pas ? Je parle de campagne militaire ? Cette rébellion, qui l’a financé ?

Je ne crois pas que c’est de la nature de monsieur Alassane Dramane Ouattara de financer des rébellions. Il avait un parti politique le RDR, c’est un homme politique. Il avait plus à financer son parti que de financer une campagne militaire !

Vous avez plus à gagner en restant avec Gbagbo Laurent pendant les élections qu’à rejoindre Alassane Dramane Ouattara. Pourquoi avoir choisi le contraire. Vous aviez voulu tuer le père ?
Justement, mon éducation et mes principes ne m’autorisaient pas à suivre monsieur Laurent Gbagbo dans la forfaiture.

Alors, aujourd’hui on parle de plus en plus et la presse ivoirienne l’a dévoilé il y a quelques jours, de tentative de putsch en Côte d’ivoire. On a démasqué quelques uns qui dans les pays voisins avaient préparé des putschs et naturellement vous allez encore dire radio trottoir, certains ont dit qu’il y a avait quelque part derrière tout ça, la main de Guillaume Soro ?

Ecoutez, pourquoi, quel intérêt ?

Vous pensez encore possible un coup d’Etat militaire en Côte d’Ivoire ?

Quel intérêt alors que je suis la deuxième personnalité de l’Etat de Côte d’Ivoire, quel intérêt ai-je à aller faire un coup d’Etat dans mon pays ? C’est révolu ce passé de coups d’Etat en Afrique. Et je suis optimiste et convaincu que dans dix ans, quinze ans, il n’y aura plus de coups d’Etat en Afrique! Parce qu’évidemment quand il y a un coup d’Etat, quand il y a rupture constitutionnel dans un pays, c’est la réprobation générale. L’exemple c’est le Mali, c’est la Guinée Bissau!

Pour vous c’est terminé les coups d’Etat ?

C’est terminé, les coups d’Etat en Afrique.

Même s’il y a cette situation que vous décriviez, un chef qui ne respecte plus la légalité ?

Les mécanismes et l’encrage démocratique dans nos Etats ne permettront plus aux individus de s’arcbouter au pouvoir. Vous avez vu la situation au Sénégal, Wade est quand même parti ! Donc, je veux dire que la culture démocratique, l’éveil des consciences des populations avec les réseaux sociaux tels que Facebook, Twiter, l’enracinement de la démocratie pour moi est inexonérable. Et on ne peut pas faire machine arrière.

Récemment le fils de Laurent Gbagbo, Michel Gbagbo a porté plainte contre vous, mais pas contre l’Etat de Côte d’Ivoire pour enlèvement, séquestration et traitement inhumain et dégradant. Pourquoi l’a-t-on arrêté ? C’est son père qui est responsable?

Deux choses. La première est que je considère que tout citoyen est libre de porter plainte. C’est l’Etat de droit. Je suis démocrate, je fais confiance à la justice, donc si quelqu’un en Côte d’Ivoire, quel qu’il soit veut poser plainte, c’est son droit. Et je salue cette initiative. Maintenant pourquoi Michel Gbagbo a été arrêté ? Michel Gbagbo, ceux qui le connaissent, l’ivoirien Michel Gbagbo a été parmi les extrémistes. Il était avec son père dans le bunker le jour où on les a arrêtés.

Peut-être qu’il était venu protéger son père. Il était tout simplement solidaire, c’est tout ?

Il était peut-être solidaire de son père et c’est louable à la limite. Mais l’activité politique qu’il a menée, l’extrémisme dont il a fait preuve pour tuer des Ivoiriens, n’est pas justement acceptable. Et il répondra devant la justice. Si aucune charge n’est retenue contre lui, il sera mis en liberté.

Il a dit qu’il était Français et qu’il ne pouvait pas être retenu comme ça ?

Ah bon ! Parce que les Français sont au-dessus des lois ? Parce que les Français peuvent se permettre de tuer ? Ce n’est pas ma conception de la justice et de la démocratie !

La Côte d’Ivoire qui est dans le processus de réconciliation nationale, on a eu à dire finalement que ça ne bougeait pas beaucoup, et que ce n’était pas normal qu’on arrête toujours d’un côté. Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu’on est véritablement engagé dans un processus de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire?
Pour moi, la réconciliation fait son chemin en Côte d’Ivoire. Je ne crois pas que la réconciliation advienne en Côte d’Ivoire par coups de baguettes magiques. Et je comprends les impatiences des uns et des autres.

Surtout de ceux qui sont en charge de cette réconciliation nationale, parce que Charles Konan Banny n’a pas l’air très, très…
Je ne crois pas que cette déclaration soit de Charles Konan Banny.

C’était les propos de l’un de ces proches.
Ceci dit, je considère que la réconciliation est une quête permanente. Dans tous les Etats du monde, en Afrique du Sud on continue de parler de réconciliation ! J’étais à Conakry il y a quelques mois, on continue de parler de réconciliation en Guinée ! On en parle encore au Rwanda ! Donc il faut être optimiste. Les élections législatives se sont déroulées dans un environnement plus apaisé, en tout cas, que les présidentielles. Nous allons organiser les élections locales, ce sera encore un acte de réconciliation. L’Assemblée nationale jouera son rôle et apportera une forte contribution à l’apaisement en Côte d’Ivoire. Nous allons le faire dans les mois qui viennent.

Est-ce qu’on pourra parler de réconciliation nationale si ceux d’en face ne sont pas traduit aussi devant la justice ?

Mais pourquoi monsieur Alain, vous voulez, …

Est-ce que ça ne traine pas trop ?

Non, je veux dire, monsieur Alain Foka vous voulez forcement qu’on aille attraper des gens qui n’ont rien fait.

Mais écoutez, ils n’ont rien fait?

Ils n’ont rien fait. Je dis et j’insiste. Laissez la justice faire son travail. Vous n’êtes pas juge, les enquêtes ne sont pas terminées. Laissez la justice continuer de faire les investigations et d’inculper qui il faut ! Mais ce n’est pas aux journalistes, ce n’est pas à la presse d’indiquer des coupables.

Pour vous, ceux qui sont de l’autre côté n’ont rien fait ? C’est toujours la question qui revient ?

Je dis clairement que ce n’est pas à moi Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de faire le travail de la justice. La Cour Pénale Internationale a été saisie, c’est à elle de dire qui est coupable.

Alors aujourd’hui au Mali c’est la crise. La crise qui secoue la Cedeao (la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), qui n’arrive pas à s’entendre sur cette crise…
Je ne suis pas du même avis que vous.

Pour vous la crise est résolue?

Vous êtes certainement impatient, mais laissez la Cedeao continuer de faire la médiation qu’elle a entreprise.

A quel rythme ? Lorsque l’on voit les images de destruction, ça ne vous dit rien ?
Moi je suis meurtri. Mais je dis qu’il faut laisser le soin à la Cedeao de faire sa médiation et d’aboutir à des résultats pour tous. Vous savez, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.

Pour vous aujourd’hui, que faut-il faire ?

Je n’ai pas la prétention d’avoir la solution. Je fais confiance à la Cedeao pour mener la médiation. Je soutien la médiation de la Cedeao.

Je vais être un peu taquin, mais je vais vous poser la question. Est-ce qu’il y a une rivalité entre le ministre Hamed Bakayoko et vous ?

Mais pourquoi une rivalité ? Hamed Bakayoko est un ami. C’est même un frère ! Pourquoi il y aurait une rivalité entre nous ? Je ne suis pas au gouvernement. Je suis président de l’Assemblée nationale.

Certains ont dit que vous êtes parti de là parce qu’il y avait des rivalités entre vous dans le partage des prérogatives au gouvernement. Où se limitait le rôle de l’armée…
Ah bon ! Je suis surpris pourtant la Constitution ivoirienne et le décret de formation du gouvernement et de nomination des ministres précise les attributions du ministère de l’intérieur et du ministère de la défense !

Donc là c’est encore de la rumeur ?

Vous savez, je vais vous dire. Je connais le FPI, je connais les animateurs du FPI. Je sais qu’ils ont des officines d’intoxication et de fabrication de rumeurs. Ils ont créé pleins de sites internet pour perturber la paix en Côte d’Ivoire. Mais ils ne réussiront pas et ils ne pourront pas nous embarrasser.

De quel parti êtes-vous ?

Je suis candidat RDR à Ferkessédougou, je suis donc de ce parti qui m’a non seulement parrainé mais qui m’a soutenu et permis mon élection.

Est-ce à dire que vous êtes président de l’Assemblée nationale et RDR ?

Non ! Quand vous êtes président de l’assemblée nationale vous êtes au-dessus de la mêlée. Vous êtes président de tous les députés. J’ai été oint et investi par le RDR mais à partir du moment où je rentre dans le rôle de président de l’institution, je dois considérer tous les députés comme les miens. De la même façon que le président de la République est proposé par un parti politique, mais une fois élu président de la République, il n’est plus affilié à un parti politique.

Vous êtes décrit comme un homme de gauche et on a l’impression qu’aujourd’hui vous êtes plutôt libéral.

J’ai été étudiant, militant dans les mouvements de gauche aussi bien à Abidjan qu’en France ici où j’ai poursuivi ma scolarité. J’ai assumé ce passé et je l’assume encore.

Donc vous êtes toujours de gauche ?

Je crois aux valeurs de gauche.

D’où vient l’idée que la France soit éloignée de la Côte d’Ivoire, que les relations soient moins bonnes quand la gauche est arrivée au pouvoir?

L’Etat c’est le principe de la continuité et les rapports entre Etats sont impersonnels. La Côte d’Ivoire continuera d’entretenir des relations fortes et privilégiées.

Il n’y a pas de froid ?

Il n’y a aucun refroidissement. La preuve, à peine six jours élu, que M. Claude Bartolone me recevait en audience officielle. Le président Hollande a eu son homologue Alassane Dramane Ouattara au téléphone pour s’enquérir de la situation sécuritaire de la sous-région. Les relations continuent et vont se renforcer.

Avez-vous l’impression que la gauche qui arrive au pouvoir est moins au courant des choses que la droite. Est-ce que vous avez l’impression que François Hollande connait bien les questions africaines ?
Particulièrement sur la situation de la Côte d’Ivoire, j’ai trouvé le président François Hollande, alors premier secrétaire du parti socialiste, très, très au fait de la situation en Côte d’Ivoire. Souvenez-vous que c’est lui qui, très tôt déjà, alors que les massacres s’annonçaient, a déclaré que Gbagbo était un monsieur infréquentable !

Mais ça ne fait pas qu’il connaisse mieux l’Afrique ?

Je pense que sur le dossier ivoirien, monsieur François Hollande président de la République française a tous les moyens d’être au fait et d’être parfaitement informé de la situation en Côte d’Ivoire.

Mais c’est une autre méthode de travailler avec l’Afrique ?

Evidemment, la politique africaine du parti socialiste n’est pas la politique africaine de l’UMP. Ça on en convient même si ce n’est pas mon rôle de parler de la politique intérieure de la France.

Vous êtes prêt à aller à Bruxelles pour une réunion. C’est ça ?

Je vais à Bruxelles à la 38e session de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Il y aura, j’en suis heureux, la réintégration de la Côte d’Ivoire au sein de cette institution. Je viens de rencontrer le secrétaire général, le président Abdou Diouf.

Cette assemblée-là, qu’est-ce qu’elle apporte ?

C’est une grande famille de la francophonie qui cultive la solidarité, c’est la diplomatie parlementaire. C’est heureux que toutes les assemblées se retrouvent pour scruter et regarder dans la même direction.

Est-ce qu’elles sont actives ?

Évidemment qu’elles sont actives. Je vous précise que la Côte d’Ivoire est membre-fondateur de cette assemblée. C’est pourquoi l’héritage de nos pères fondateurs doit être assumé par nous. Nous poursuivons l’œuvre....

Retranscrit par Catherine Balineau