Guerre ouverte avec Gbagbo: Affi met Bédié dans l’embarras

Par Soir Info - Guerre ouverte avec Gbagbo. Affi met Bédié dans l’embarras.

Bédié pourrait être une grosse victime collatérale de la guerre Affi-Gbagbo.

Situation cornélienne pour Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (Pdci-Rda). La guerre de contrôle du Front populaire ivoirien (Fpi), qui vient d’éclater au grand jour entre son président-fondateur, Laurent Gbagbo, assigné dans une commune de Bruxelles en Belgique par la Cour pénale internationale (Cpi) en attendant un possible appel de son acquittement, et Pascal Affi N’Guessan, actuel président légal du parti, met, manifestement, Henri Konan Bédié, dans une position inconfortable.

Alors qu’il a besoin des deux tendances du Fpi, déchirées entre les « Gbagbo ou rien » (Gor) et « Affidés », pour solidifier sa plateforme, Henri Konan Bédié devra, aujourd’hui, revoir tous ses calculs après la sortie « incendiaire » d’Affi N’Guessan contre Laurent Gbagbo, l’âme vivante du Fpi.

Le dilemme sera aussi grand pour Maurice Kakou Guikahué, Secrétaire exécutif du Pdci, qui a révélé, lors d’un meeting, à Gagnoa, en février dernier, une initiative de paix, visant à rapprocher Pascal Affi N’Guessan et son « patron » Laurent Gbagbo. Le coup d’épée dans l’eau, qui a sanctionné la rencontre annoncée entre les deux hommes en Belgique, le jeudi 21 mars 2019, fera, sans nul doute, de Bédié, une victime collatérale de taille.

Et pour cause ! Cette guerre Gbagbo-Affi impactera, forcement, son projet de plateforme, et s’il n’y prend garde, elle va jeter dans la lagune, ses calculs et ses plans… C’est alors que les observateurs sont à s’interroger sur ce que va faire Bédié face à la conjoncture qui prévaut en ce moment.

L’ex-allié d’Alassane Ouattara, porteur d’un projet de plateforme de l’ensemble de l’opposition ivoirienne, misait sur Gbagbo et Affi, dans la mise en œuvre de son projet. Il aurait, dès lors, bien voulu se passer de la survenue d’une telle crise entre les deux personnalités du Fpi. Il voudrait les avoir à ses côtés dans la plateforme dont les bases sont déjà jetées sur la question de la réforme de la Commission électorale indépendante (Cei).

La présence des pro-Gbagbo ou Gor, dont Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (Eds) du professeur Armand Ouégnin est le fer de lance, et le Front populaire ivoirien (Fpi) de Pascal Affi N’Guessan, légalement et officiellement reconnu par l’État ivoirien, donnerait un solide espoir d’alternance en 2020, et un caractère stable à la structure de Bédié.

Nœud gordien

La présence de ces deux tendances du Fpi garantirait une efficacité d’action sur le terrain, et lui conférerait un caractère national qui va au-delà des idéologies. Mais, après la conférence d’Affi N’Guessan du samedi 23 mars 2019, tenue à Abidjan, sur un ton de colère noire contre Laurent Gbagbo qu’il a proprement raillé, la marge de manœuvre de Bédié devient étroite voire difficile. Comment négocier ce « créneau » très serré entre les deux hommes, en guerre désormais ?

« Gbagbo n’est pas le président du Fpi. On ne peut pas me dire qu’il est président du Fpi et moi, je vais accepter ça. Où est-ce qu’il a été élu ? A La Haye ?», a martelé Affi N’Guessan. « Ni aujourd’hui ni demain, je ne pourrais faire une telle déclaration parce que le président Gbagbo n’est pas président du Fpi, il est président-fondateur du parti, il est notre chef », a-t-il précisé, entre autres. Visiblement, Bédié se trouve entrelacer dans un nœud gordien…

Quelle attitude va-t-il adopter entre Affi et Laurent Gbagbo, en tenant compte du rapport de force entre ces deux hommes sur le terrain ? Si Bédié se passe des Gor pour s’allier à Affi N’Guessan, dans sa plateforme, il s’expose aux foudres des pro-Gbagbo, lesquels tiennent majoritairement les bases du Fpi. Ce qui pourrait le fragiliser sur le terrain.

S’il se sépare d’Affi N’Guessan, couvert de la légalité à la tête du parti, qui compte des élus dans ses rangs, et qui a droit au financement des partis politiques, la plateforme court des risques de s’atrophier… Bédié devra donc adroitement manœuvrer pour mener à bien sa coalition.

Armand B. DEPEYLA