Guerre en Ukraine : un mandat d'arrêt contre Poutine émis par la Cour pénale internationale

Par Le Figaro - Guerre en Ukraine. Un mandat d'arrêt contre Poutine émis par la Cour pénale internationale.

Maria Alekseyevna Lvova-Belova, commissaire présidentielle aux droits de l'enfant en Russie, fait également l'objet d'un mandat d'arrêt. Une décision jugée «historique» par Kiev, «insignifiante» par Moscou.

Par Le Figaro avec AFP

La Cour pénale internationale (CPI) a déclaré ce vendredi avoir émis un mandat d'arrêt contre le président russe Vladimir Poutine pour sa responsabilité dans des crimes de guerre perpétrés en Ukraine depuis l'invasion russe. «Aujourd'hui, 17 mars 2023, la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale a émis des mandats d'arrêt contre deux personnes dans le cadre de la situation en Ukraine : M. Vladimir Vladimirovitch Poutine et Mme Maria Alekseyevna Lvova-Belova», commissaire présidentielle aux droits de l'enfant en Russie, a déclaré la CPI dans un communiqué.

Poutine «est présumé responsable du crime de guerre de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées d'Ukraine vers la Fédération de Russie», a ajouté la cour. «Les crimes auraient été commis sur le territoire ukrainien occupé au moins à partir du 24 février 2022», a poursuivi la CPI, ajoutant qu'il existait «des motifs raisonnables de croire que Vladimir Poutine est personnellement responsable des crimes susmentionnés». Plus de 16.000 enfants ukrainiens ont été déportés vers la Russie depuis l'invasion, selon Kiev, et beaucoup auraient été placés dans des institutions et des foyers d'accueil. Lors d'une rencontre le 16 février au Kremlin, Maria Lvova-Belova a elle-même dit à Vladimir Poutine avoir «adopté» un enfant de Marioupol, ville ukrainienne ravagée par l'armée russe avant de la conquérir au printemps 2022. «Maintenant, je sais ce que signifie être mère d'un enfant du Donbass - c'est un travail difficile mais nous nous aimons, c'est sûr», a-t-elle dit au président russe. «Nous avons évacué des foyers d'enfants vers des zones sûres, organisé pour eux une rééducation et des prothèses et leur avons fourni une aide humanitaire ciblée», avait-elle ajouté.

«Enquête prioritaire»
Lundi, le New York Times avait rapporté que la CPI s'apprêtait à lancer des poursuites contre des Russes pour le transfert d'enfants vers la Russie et pour des frappes délibérées sur des infrastructures civiles en Ukraine. Le procureur de la CPI Karim Khan a déclaré plus tôt ce mois-ci après une visite en Ukraine que les enlèvements présumés d'enfants faisaient «l'objet d'une enquête prioritaire».

La diplomatie russe a dénoncé dans la foulée les déclarations «insignifiantes» de la CPI. «Les décisions de la Cour pénale internationale sont dénuées de sens pour notre pays, y compris d'un point de vue juridique» car Moscou n'a aucune obligation envers elle, a écrit sur Telegram la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, sans faire référence nommément à Vladimir Poutine dans son message. «La Russie n'est pas partie prenante du statut de Rome de la Cour pénale internationale et n'a aucune obligation en vertu de celui-ci», a souligné Maria Zakharova, ajoutant que Moscou «ne coopère pas» avec la cour.

Elle a averti que «les (mandats) d'arrêt émanant de la Cour pénale internationale seront juridiquement insignifiants» pour la Russie. «La Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine. Pas besoin d'expliquer où ce papier doit être utilisé», a pour sa part écrit sur Twitter l'ex-président russe Dmitri Medvedev, terminant son message par un émoticône de papier toilette.

Le Kremlin a jugé vendredi que le mandat d'arrêt émis par la CPI à l'encontre du président Vladimir Poutine n'avait aucune valeur juridique, car la Russie ne reconnaît pas ce tribunal. «La Russie, comme un certain nombre d'États, ne reconnaît pas la compétence de ce tribunal, par conséquent, du point de vue de la loi, les décisions de ce tribunal sont nulles et non avenues», a déclaré aux journalistes le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov. Le statut de Rome est le texte fondateur de la CPI, qui siège à La Haye aux Pays-Bas.

«Ce n'est que le début», affirme Kiev
Kiev n'a pas tardé à saluer l'annonce de la CPI, affirmant que «ce n'est que le début». Le parquet ukrainien a de son côté salué une décision «historique». «Les dirigeants internationaux vont y réfléchir à trois fois avant de serrer sa main», a ajouté dans un communiqué le procureur général ukrainien Andreï Kostine au sujet de Vladimir Poutine. Le ministre ukrainien des affaires étrangères Dmytro Kouleba a réagi sur Twitter, saluant le fait que «la roue de la justice tourne». «J'applaudis la décision de la CPI d'émettre un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova» sa commissaire chargée de l'enfance, a-t-il ajouté. Les criminels internationaux seront redevables d'avoir volé des enfants et d'autres crimes internationaux».

Un autre responsable de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak a lui estimé qu'avec cette décision «le monde a changé». «C'est le début de la fin pour la Russie dans sa forme actuelle sur la scène internationale», a-t-il dit sur Twitter.

Le Royaume-Uni s'est félicité de cette décision. «Nous saluons la mesure prise par la CPI indépendante pour obliger ceux qui sont au sommet du régime russe, y compris Vladimir Poutine, à rendre des comptes», a déclaré sur Twitter le ministre britannique des Affaires étrangères James Cleverly. Pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, ce mandat est une «décision importante» qui «n'est que le début du processus pour amener la Russie et son dirigeant à rendre des comptes pour les crimes et les atrocités qu'ils commettent en Ukraine. Il ne peut pas y avoir d'impunité».

Plusieurs responsables internationaux avaient sollicité un mandat d'arrêt de la CPI à l'encontre de Vladimir Poutine, comme la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen aux premiers jours de l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes. Plus récemment, la ministre des Affaires étrangères française Catherine Colonna avait estimé qu'un procès contre Poutine à la CPI était «une possibilité».

La CPI, créée en 2002 pour juger les pires crimes commis dans le monde, enquête depuis plus d'un an sur d'éventuels crimes de guerre ou contre l'humanité commis pendant l'offensive russe. Ni la Russie ni l'Ukraine ne sont membres de la CPI, mais Kiev a accepté la compétence de la cour sur son territoire et travaille avec le procureur. La Russie nie les allégations de crimes de guerre. Les experts ont admis qu'il était peu probable qu'elle remette des suspects.

Le Figaro et AFP