Guerre contre le coronavirus : L’armée ivoirienne en danger, grogne. Profond malaise au sein de la grande muette

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Guerre contre le coronavirus. L’armée ivoirienne en danger, grogne. Profond malaise au sein de la grande muette.

L'armée ivoirienne lors d'un défilé militaire. Image d'illustration.

LU POUR VOUS

Via/Chris Yapi

LA GUERRE DU CORONAVIRUS : L’ARMÉE IVOIRIENNE EN DANGER GROGNE. Profond malaise en expansion dans la grande muette ivoirienne.

Tout le monde le sait, le gouvernement ivoirien a raté la gestion de la pire crise sanitaire de ces dernières décennies : le Coronavirus. Et il se refugie dans la politique de l’autruche. Des décisions ont été prises à la va-vite qui, hélas, sont lourdes de conséquences pour les populations ivoiriennes. Outre le fait que le Président de la République lui-même n’a pas eu une prompte réaction face à la pandémie, préoccupé qu’il était d’imposer son poulain Gon Coulibaly comme candidat du RHDP et de tripatouiller la Constitution, le gouvernement non plus n’a guère fait mieux. Comme si une sorte de léthargie les immobilisait et les rendait complètement inopérants, ils ont fait du pilotage à vue.

Les Ivoiriens n’ont donc pris conscience du danger que sur le tard. Jusqu’aujourd’hui, certains nient encore le danger et ont des comportements totalement inappropriés face à la pandémie. Au titre des mesures prises dans la précipitation, citons-en une qui risque d’avoir des conséquences graves pour la stabilité de l’État. Il s’agit du couvre-feu. Décidé sur proposition du Ministre de la Défense, sans réelle étude des textes ni concertation sérieuse, elle a été prise pour faire un effet d’annonce. Comprenez bien : il fallait donner le sentiment à la population qu’on reprenait la main sur le dossier et que le gouvernement était désormais décidé à combattre le Coronavirus.

Or, pour envisager un couvre-feu, il aurait fallu que l’État-major général des armées étudie tous les contours opérationnels et surtout la logistique qui va avec. Généralement, dans un cas comme celui-là, il aurait fallu un minimum de sensibilisation et de formation de la troupe. En quelque sorte, il fallait la préparer et l’outiller avant. Hélas, rien de tout ça n’a eu lieu. De sorte que les premiers jours du couvre-feu ont été catastrophiques pour la population et pour les soldats eux-mêmes. Des soldats en colère ont pu entrer en contact avec Chris Yapi et de leur propre chef. Leur mécontentement semble faire sens.

Ces soldats nous ont informé qu’après quelques jours de couvre-feu, la troupe dans sa majorité a commencé à grogner et à rechigner.
En effet, mal sensibilisés, les soldats ivoiriens ont été jetés dans l’aventure d’une guerre nouvelle contre le COVID-19 (car c’est vraiment une guerre mondiale qui a déjà fait plus de 26.000 morts recensés dans le monde), sans qu’on les prévienne de la dangerosité du virus, des dangers encourus et surtout des précautions à prendre face à la pandémie. Ils considèrent qu’ils auraient dû avoir un équipement de protection spécial pour éviter d’être contaminés sur le théâtre des opérations.

Deuxièmement, faute d’avoir prévu la logistique idoine, puisque la décision a été prise à l’emporte-pièce, leur pitance quotidienne n’a pas été prévue et c’est donc affamés qu’ils assurent le service du couvre-feu la nuit. D’où la nervosité qu’on a pu observer dans les vidéos sur les réseaux sociaux, où des soldats molestent hardiment les populations. Cela dans l’indignation générale de l’opinion publique. Ces incidents sont courants, beaucoup plus à cause de la faim et du stress des troupes !

Plus grave, d’ordinaire quand les soldats sont déployés pour des missions spéciales d’une telle dangerosité, il y a une prime de risque qui leur est attribuée. Or, les corps habillés considèrent que patrouiller, sans aucune protection, dans les rues pour faire respecter un couvre-feu en période de pandémie équivaut à aller en guerre. Une guerre plus effroyable, car l’ennemi est certes minuscule, mais il peut vous foudroyer n’importe comment, sans que vous ne puissiez le détecter.

Selon le Code de la Fonction Militaire, pour les missions de Maintien de l'Ordre (M.O), chaque élément déployé doit percevoir une prime régie par le décret n° 96-579 du 31 juillet 1996 déterminant « les règles et modalités générales du droit des militaires à la solde ». Ce décret, en sa Section 6 relative aux « Indemnités particulières de fonction et de sujétion » précise, via les articles 32 et 33, que les militaires mobilisés doivent recevoir une prime de sujétion. À fortiori, quand il s’agit d’aller en guerre.

Ainsi, sous le Président Henri Konan Bédié, les militaires mobilisés contre le « Boycott actif » percevaient 2.500 FCFA par jour. Les gendarmes précisent même que sous Bédié, le Commandant supérieur de la gendarmerie, feu Général Tanny payait 12.000 FCFA par gendarme pour une mission de 04 jours.
Sous le Président Laurent Gbagbo, au début de la crise de 2002, les primes dites « Haut les Cœurs », étaient de 3.000 FCFA par jour. Ce qui faisait 90.000 FCFA par mois pour les soldats qui étaient au front et 45.000 FCFA par mois pour ceux qui restaient en base arrière.

Sous le Président Ouattara, aucune prime n’est payée. Les militaires mobilisés pour « L'opération Renard » contre les coupeurs de route attendent toujours leurs primes.
Selon les policiers et gendarmes qui m’ont contacté, ils ne perçoivent rien pour cette bataille contre le Coronavirus, alors qu’ils sont plus que jamais exposés à ce virus mortel. Pis, la haute hiérarchie qui devait mettre les gants et les gels à la disposition de leurs éléments, ne le fait pas. C’est pour toutes ces raisons qu’ils déversent leur colère sur les quelques noctambules qu'ils croisent au cours de leur patrouille. On rétorquera que c’est une maigre excuse, mais tout de même ! Ils allèguent que la légitimité de leurs préoccupations ne devrait pas être occultée par les dérapages de quelques brebis galeuses en leur sein qui ainsi expriment maladroitement leur désaccord sur les agissements de leur hiérarchie. La question fondamentale est OÙ sont passés leur argent de sujétion et leurs équipements spéciaux de protection dans l’exercice de leur mission ?

Les soldats sont donc en colère, mais ils sont aussi inquiets parce que certains de leurs camarades partis appliquer le couvre-feu sont revenus malades et semblent contaminés par le Coronavirus. Toussotants et fiévreux, ces soldats sont actuellement cachés par la hiérarchie qui interdit qu’on en parle. La grogne s’amplifie parce que ces soldats malades ne sont pas pris en charge. Personne ne le dit, mais le Coronavirus a fait son entrée au sein des forces armées.

Les soldats estiment qu’ils ne méritent pas de mourir pour un gouvernement inconséquent, quand le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly, lui-même se sauve pour aller recevoir de meilleurs soins au Maroc. Ils sont d’autant plus courroucés qu’ils ont appris que la Banque Mondiale a accordé 95 milliards de FCFA à l’État de Côte d’Ivoire, c’est le Président Ouattara qui en a fait état lors de son récent discours. Certains soldats sont fermement convaincus que dans les 95 milliards de la Banque Mondiale prévus pour combattre la pandémie, leurs primes de risque sont incluses.
Or, une certaine rumeur se répand tenant à accréditer la thèse selon laquelle le régime prévoit détourner une partie de cette somme pour alimenter la campagne de son poulain à hauteur de 75 milliards de FCFA (cf. Jeune Afrique). Inacceptable clament-ils !

Les soldats ont décidé de revendiquer leur dû et la prise en charge de tous leurs camarades malades. Les policiers et gendarmes déployés veulent leur argent et leur santé. Aussi ont-ils décidé de le faire savoir. Compte tenu de la spécificité de la guerre contre le Coronavirus, ils exigent que leurs primes soient revalorisées de 3000 à 6000 FCFA.

Ensuite, que des équipements de protection leur soient donnés avant toute opération sur le terrain. Ils vont plus loin pour accuser le Général Touré Apalo Commandant supérieur de la Gendarmerie nationale, le Général Kouyaté de la Police nationale et les ministres Hamed Bakayoko et Vagondo de se sucrer sur leurs dos en détournant leur dû. Le sergent de police O. L. atteste qu’une confidence leur serait parvenue de ce que les quelques maigres équipements ont été acheminés dans les villages respectifs de leur hiérarchie pour protéger égoïstement leurs parents. Quant est-il de leurs primes ? Tout simplement détournées pour engraisser des généraux et ministres déjà riches.

C’est ce que ces forces de l’ordre refusent d’accepter d’autant que c’est un droit acquis et consacré par la loi. Pour certains, ils ne comprennent pas que malgré leurs sacrifices pour installer Alassane Ouattara au pouvoir, il soit celui qui les maltraitent, là où les présidents Bédié et Gbagbo leurs donnaient leurs primes à hauteur de 2500 FCFA et 3000 FCFA.
Quant aux populations ahuries, elles assistent indignées et impuissantes aux violences des forces de l’ordre dans les rues ! Pour peu que vous soyez en retard de quelques minutes sur l’heure du couvre-feu, vous recevez des bastonnades sévères qui vous transmettent le virus, puisque les matraques ne sont même pas aseptisées.

C’est à croire que l’incompétence de ce gouvernement est si criarde qu’il fait tout pour répandre la maladie et créer le chaos. Quand l’on sait les ravages de cette pandémie en Europe, l’on se demande quel carnage ce sera au sein des forces armées ivoiriennes ! Voudrait-on organiser une compression de notre armée, puisque c’était à l’origine l’objectif du gouvernement avec les départs volontaires suscités par la hiérarchie et le gouvernement, qu’on ne s’y prendrait pas autrement et cela dans le silence et l’indifférence totale. Ni vu ni connu. On envoie nos soldats à la mort certaine pour faire des coupes budgétaires. L’armée est pléthorique et coûte trop cher à la Côte d’Ivoire disait un Ministre. Nos soldats ont pourtant droit à la santé et au respect de leur sacrifice !

CHRIS YAPI NE MENT PAS.

Source: Mediapart

Par CHRIS YAPI L'enquêteur Tous Terrains
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