Groupe de haut niveau :POURQUOI LES CHEFS D’ÉTAT ONT ENTREPRIS UNE NOUVELLE ÉVALUATION

Le 24 février 2011 par Fraternité Matin - "Nous continuons les travaux". Ce sont les mots qu’a lâché mardi à 23 heures, à l’hôtel Pullman au Plateau, le président du panel des Chefs d’Etat de l’Union

ADO recevant le président du Panel, le Président mauritanien Ould Abel Aziz, le 21 février dernier à Abidjan.

Le 24 février 2011 par Fraternité Matin - "Nous continuons les travaux". Ce sont les mots qu’a lâché mardi à 23 heures, à l’hôtel Pullman au Plateau, le président du panel des Chefs d’Etat de l’Union

africaine le Président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz. C’était au moment de quitter cet hôtel où résident ses homologues de Tanzanie et du Tchad et qui sert également de lieu de travail du panel. Le constat qui a été fait durant le séjour de 48 heures des quatre Chefs d’Etat après que Blaise Compaoré, représentant la Cedeao, a annulé son déplacement «pour des raisons de sécurité», porte sur la méthodologie de travail adoptée. Laquelle est quasiment identique à celle utilisée par l’équipe des 13 experts que l’Union africaine avait mandatée et qui a évalué la situation socio-politique ivoirienne du 6 au 10 février dernier. Mission au terme de laquelle un rapport a été remis aux membres du panel qui l’ont analysé le 20 février à Nouakchott en Mauritanie avant de venir à Abidjan le lendemain. Ainsi, comme les experts, les Présidents Jacob Zuma (Afrique du Sud), Jakaya Kikwete (Tanzanie), Idriss Deby Itno (Tchad) et Mohamed Ould Abdel Aziz ont eu des entretiens avec presque les mêmes interlocuteurs: Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, les protagonistes de la crise qui étaient entourés de leurs proches collaborateurs et partisans; le Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu, Young Jin Choi, le président Yao N’Dré et les membres du Conseil constitutionnel. Questions-réponses, écoute méthodique des parties et propositions ivoiriennes pour la sortie de crise. Tel est le schéma traditionnel de travail. Contrairement à l’équipe d’experts, les Chefs d’Etat n’ont pu recevoir les membres de la Commission électorale indépendante (Cei) bien que, à leur demande, le camp présidentiel s’est rendu à Pullman et y est resté de 16 heures à 22 heures 30.
Le Président Jacob Zuma a pris congé de ses homologues à 21 heures pour se rendre à l’aéroport d’où il s’est envolé à 22 heures 30 pour répondre à un rendez-vous avec son parlement.
James Victor Gbeho rejoint la mission
Quant aux trois autres membres de la délégation, ils ont quitté Abidjan hier 23 février. Au terme de la séance de travail avec le Conseil constitutionnel à 22heures 30, l’on a aperçu dans le hall le président de la Commission de le la Cedeao, le Ghanéen James Victor Gbeho, qui a rejoint la mission au sein de laquelle était déjà présent, depuis le premier jour, le président de la Commission de l’Union africaine, le Gabonais Jean Ping. Le communiqué de presse en date du 22 février remis à la presse à minuit indique le bilan portant essentiellement sur les rencontres et perspectives. Sur ce dernier point, l’on retient ceci: «Les membres du Groupe de haut niveau ont également mené des consultations relatives à la poursuite de leurs travaux, en particulier en ce qui la formulation de propositions de sortie de crise, conformément à leur mandat. Dans ce contexte, ils ont décidé de tenir leur prochaine réunion à Nouakchott dans les prochains jours».
La question que la presse et certains observateurs se sont posé durant le séjour de la mission du panel et le lendemain, c’est de savoir ce à quoi a servi la mission des experts et leur rapport au point que les Chefs d’Etat soient obligés de faire le travail à l’identique. Deux raisons pourraient expliquer cette démarche.
Nécessité de s’imprégner de la réalité
D’une part, la nécessité pour les dirigeants africains de s’imprégner personnellement de la crise ivoirienne au-delà des rapports, communiqués, déclarations et avis contradictoires entendus, lus et vus ici et là. Etant donné que la crise dure depuis huit ans et que plusieurs médiations ont été entreprises sans succès avec cette énième crise. Et, ayant réaffirmé leur détermination à trouver une issue définitive et durable dans l’intérêt de la sous-région, du continent et du monde entier, les émissaires de l’Ua n’ont pas voulu faire les choses à la légère. Une mise à niveau pour ces personnalités qui n’ont pratiquement jamais mis les pieds sur le territoire ivoirien était donc nécessaire pour que le diagnostic ne soit pas en déphasage avec les prescriptions consensuelles qui seront proposées aux parties ivoiriennes. La seconde raison pourrait s’expliquer par l’existence d’une profonde divergence entre les conclusions des premières missions qui étaient pour la plupart favorables à M. Alassane Ouattara (excepté celui de Thabo Mbeki qui a exposé les faits sans prendre de position) et le rapport des 13 experts qui a été réalisé après l’apparition, en janvier, de profondes divergences au sein de l’Union africaine.
Profondes divergences à l’Ua
Dès lors, de la quasi-unanimité au départ, le dernier rapport sur la crise et le déroulement de la présidentielle ivoirienne devrait être dépassionné et plus objectif parce que basé à la fois sur les faits, les arguments et les rapports de force sur le terrain. Autant d’aspects que le panel prendra en compte pour décider de l’avenir du pays avec le consentement des Ivoiriens. En d’autres termes, la mission n’est pas aussi aisée que cela et il faudra une bonne dose de bonne volonté de part et d’autre des parties ivoiriennes. Même si des rumeurs diffusent plusieurs schémas de sortie de crise depuis la réunion de Nouakchott le 20 février en présence du Président du Faso, Blaise Compaoré. En effet, des sources proches de ces négociations avancent deux options. La première serait la méthode kenyane avec «Laurent Gbagbo Chef de l’Etat et Alassane Ouattara Vice-président grâce à l’usage de l’article 48 de la Constitution ou Premier ministre, chef d’un gouvernement d’union nationale». (Là où d’autres pensent à un gouvernement d’union sous la présidence de Ouattara). La seconde option serait de « réaliser le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (Ddr) des ex-combattants pour ensuite réorganiser le second tour de l’élection présidentielle ». Ce qui est au moins certain, c’est que le Groupe de haut niveau n’est pas parti d’Abidjan sans avoir fait des propositions concrètes aux parties qui en discuteront d’ici la fin de ce mois et dont ils tiendront compte lors de leur deuxiéme réunion en Mauritanie. Déjà, pour montrer leur esprit d’ouverture et d’impartialité, les Chefs d’Etat ont décidé de n’être reçus, ni accompagnés par aucun proche collaborateur des deux camps ou un officiel du gouvernement. Seul le Représentant spécial du président de la Commission de l’Ua à Abidjan, Ambroise Niyonsaba, était au bas de l’échelle de coupée à leur arrivée. Tout comme ils avaient leur propre service de sécurité rapprochée et n’ont accepté aucune réception à déjeuner ou dîner.
PAULIN N. ZOBO