Gbagbo acquitté par la CPI : comment le dossier de l’accusation s’est effondré

Par Le Monde - Gbagbo acquitté par la CPI. Comment le dossier de l’accusation s’est effondré.

Devant la CPI, à La Haye, le 16 janvier. Peter Dejong / AP.

En dépit de ses 82 témoins, le procureur n’a « pas démontré qu’il y avait un plan pour maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir », selon les juges.

Par Stéphanie Maupas

C’est en prison que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont connu leur première nuit d’acquittés. Dès la fin de l’audience à la Cour pénale internationale (CPI), mardi 15 janvier, quelques minutes après avoir été blanchis de crimes contre l’humanité, l’ex-président ivoirien et son ancien ministre tombaient dans les bras l’un de l’autre.

Mais leur mise en libération a été suspendue, les procureurs de la CPI ayant annoncé leur volonté de faire appel, affirmant qu’il existe des « raisons exceptionnelles » de s’opposer à la libération inconditionnelle de M. Gbagbo et évoquant un « risque concret » que ce dernier disparaisse dans l’éventualité où le procès se poursuivrait. Ils ont cependant déclaré qu’ils accepteraient une remise en liberté dans un pays membre de la CPI – excepté la Côte d’Ivoire – « si le risque de fuite peut être atténué en imposant une série de conditions ».

Ce 15 janvier, il n’a fallu que quelques minutes pour que le puzzle de l’accusation s’effondre. « Le procureur n’a pas démontré qu’il y avait un plan commun pour garder Laurent Gbagbo au pouvoir [lors de la présidentielle de 2010 face à Alassane Ouattara] », a lu le président de la chambre de première instance, Cuno Tarfusser. Il n’a pas démontré que « les crimes ont été commis en vertu d’une politique d’Etat ciblant la population civile », et il n’a pas démontré que « par leurs discours, les accusés ont incité au crime ».

La décision, rendue à la majorité des trois juges, provoque un curieux flash-back. En 2013, d’autres juges avaient refusé de mettre en accusation Laurent Gbagbo. Ils avaient ordonné au procureur de revoir son enquête, soulignant les mêmes faiblesses qui ont conduit à l’acquittement prononcé le 15 janvier. Et lorsque l’ancien président ivoirien a finalement été renvoyé en procès, il avait déjà passé dix-huit mois dans la prison de la CPI.

C’est Eric MacDonald qui a conduit le procès pour l’accusation. Le substitut du procureur n’a pourtant pas brillé par ses faits d’armes à la Cour, comptant à son passif l’acquittement – déjà – d’un milicien congolais et la condamnation au rabais d’un second. Le 26 janvier 2016, il ouvrait pourtant le procès de l’ex-chef d’Etat et de l’ancien ministre.

Timides repentis

Il veut alors prouver que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont mis sur pied un plan ciblant les civils favorables à Alassane Ouattara, l’actuel président ivoirien, dans l’objectif de conserver le pouvoir. Croyant à tort conforter sa thèse, et malgré les incitations des juges, le procureur a tout au long du procès minimisé le rôle de la rébellion des Forces nouvelles, soutien d’Alassane Ouattara.

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