DOSSIER DU JOUR / ECO : La jeunesse africaine entre doute et optimisme, avec Président Christian Vabé

Par Septafrique.com - DOSSIER DU JOUR / ECO. La jeunesse africaine entre doute et optimisme, avec Président Christian Vabé.

Les débats deviennent de plus en plus houleux à propos de l’adoption de la monnaie commune par les Etats de l’Afrique de l’Ouest. Les avis sont partagés à tous les niveaux. En partant de la classe politique africaine aux simples citoyens et plus précisément au sein de la jeunesse. Le talon d’Achille reste les critères de convergence et surtout le maintien de la parité fixe avec l’Euro. Un détail qui sème autant de divergences et de doutes au sein de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

C’est dans l’optique de favoriser une véritable intégration africaine et créer une économie intégrée que les Etats de l’Afrique de l’Ouest ont émis depuis quelques décennies l’idée de la création d’une monnaie commune. Après plusieurs tentatives de lancement de cette monnaie, ce n’est qu’en 2018 que les discussions reprennent sur les caractéristiques esthétiques et la dénomination de la monnaie Ouest africaine. Les dirigeants de la CEDEAO ont en fin de compte décidé, en 2019 de nommer la monnaie commune « eco » et sa création prévue à l’horizon 2020.

Cependant, plusieurs détails relatifs à cette nouvelle monnaie suscitent de nombreux débats et réactions entres chefs d’Etats « cela pourrait virer au chaos parce qu’il y a une mésentente terrible entre les dirigeants des pays Ouest-africains, qui ne veulent en aucun cas s’entendre. » affirme Euloge Ayowa, étudiant béninois en Communication politique à l’Université de Paris Panthéon Sorbonne en France. « Ils ont instauré une guerre de leadership qui fait qu’on évite des débats sérieux sur la question et chacun de ces dirigeants ou leurs collaborateurs (ministre des finances) excellent dans des exposés qui montrent à quel point chacun veut se montrer au-dessus de la mêlée et donc point de consensus. » ajoute-t-il.

Le 23 juin 2020, le président nigérian Mohamadou BUHARI, à travers une série de tweets s’est prononcé sur ses doutes par rapport à l’adoption de l’Eco comme monnaie commune de la CEDEAO. Il reproche aux Etats Membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) de vouloir remplacer le franc CFA en adoptant la monnaie commune avant les autres pays de la CEDEAO. Il condamne le non-respect des critères de convergence établis par la Communauté et que tous les pays devraient respecter avant l’adoption de la nouvelle monnaie.

En effet le président ivoirien Alassane OUATTARA a conclu une alliance avec le président français Emmanuel MACRON en 2019 pour la mise en place de l’ECO à l’horizon 2020 sans au préalable informer les autres pays membres de la CEDEAO. Le principe de parité fixe avec l’euro est l’un des points qui crée la divergence au sein de la communauté.

Le Nigéria en tant que première puissance économique Ouest-africaine n’envisage pas perdre sa souveraineté monétaire au profit d’une monnaie arrimée à la France. Il en est de même pour les autres pays de la CEDEAO qui n’appartiennent pas à la zone franc. Pour Ousmane BA, étudiant sénégalais en journalisme à Dakar, « c’est un bon début pour les pays de l’UEMOA de réclamer une monnaie permettant un temps soit peu de s’affranchir de la domination française. Cependant on observe que l’influence de la France n’est que diminuée, mais elle est toujours présente sur l’Eco ».

Avis partagé par Rodrigue TOKPODOUNSSI, jeune communicant béninois, à Cotonou au Bénin. «Après 60 ans d’indépendance africaine, il est quand même temps que les pays Africains adoptent une monnaie qui est leur » déclare-t-il. «La monnaie au-delà de l’aspect économique est avant tout un indice d’expression de la souveraineté d’un Etat. Et s’il faudrait continuer à dépendre au plan monétaire de la France, cela ne concorde pas avec l’idée d’une véritable autonomie. Aussi, le verrou de la parité fixe avec l’Euro doit être sauté. Qu’importe les éventuelles conséquences, aucune réforme n’est possible sans prise risques».

Pour Euloge AYOWA, le maintien de la parité fixe ne constitue pas vraiment un problème. « Il ne sert à rien de refuser la parité avec l’Euro et que notre monnaie ne soit en fin de compte pas reconnue au plan international ».

A travers le maintien de la parité fixe, la France continuera à être garante de l’Eco. La monnaie y sera imprimée. Même si le compte d’opération est supprimé, 1€ aura toujours à l’instar du Franc CFA une valeur de 655,63 Francs CFA.

Selon l’économiste ivoirien Christian VABE, il y a des points positifs dans l’adoption de l’ECO « La France n’est plus dans les principales instances dirigeantes de la monnaie. L’ECO rassemble la Zone Monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZOMAO) et l’UEMOA dans une même communauté économique et monétaire. Une première qui est le résultat d’un combat mené par les pays africains ». Cependant, nombreux sont les inconvénients de l’adoption de cette monnaie selon Christian VABE, «Le maintien de parité fixe avec l’Euro est une aberration car la valeur d’une monnaie est normalement dictée par la valeur du marché et non par des décrets. Une monnaie doit être compétitive et flexible.

Un pays comme le Nigéria qui représente à lui seul 60% du PIB de la CEDEAO ne voudrait pas perdre sa souveraineté monétaire. Et c’est tout à fait normal qu’il exige que la monnaie soit exclusivement gérée par des Africains. En raison des présentes divergences sur les critères de convergences initialement établis, et avec le passage entêté des pays de l’UEMOA du Franc CFA à l’Eco sans les autres pays de la ZOMAO, on va vers un risque de la dislocation de la CEDEAO. Ce qui fragilisera les économies africaines ».

En effet le président nigérian BUHARI, dans l’un des tweets du 23 juin, se désole qu’il est inquiétant que des pays avec lesquels le Nigéria souhaite adhérer dans un groupement commun prennent des mesures importantes sans lui faire confiance pour en discuter au préalable. Le lancement de l’Eco prévu pour le 1er juillet 2020 a été reporté à la demande du Nigéria. Face à ce manque d’organisation des pays d’Afrique de l’Ouest, les populations se voient confuses. Il faudrait s’interroger sur l’avenir de cette monnaie commune , qui doit être signe d’unité et non de division.

Par Laura HOUNKPETO

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