Détention de Michel, déportation de Gbagbo à La Haye: les vérités des Africains-Français à Sarkozy / Calixthe Beyala : «Nous exigeons le retrait rapide de nos soldats de Côte d’Ivoire»

Le 18 avril 2012 par Le Nouveau Courrier - Le grand rassemblement des Africains-Français a passé en revue, samedi dernier, au palais des congrès de la porte Maillot, à Paris, les dérives du régime Sarkozy sur le continent noir. Ses membres entendent peser dans

Calixte Belaya, présidente du mouvement des Africain Français, samedi 14 avril 2012 à Paris porte-maillot.

Le 18 avril 2012 par Le Nouveau Courrier - Le grand rassemblement des Africains-Français a passé en revue, samedi dernier, au palais des congrès de la porte Maillot, à Paris, les dérives du régime Sarkozy sur le continent noir. Ses membres entendent peser dans

le choix du futur locataire de l’Elysée, qui entre dans une phase décisive dimanche prochain. C’est un signe des temps. Samedi dernier, François Hollande, candidat du Parti socialiste français à la prochaine présidentielle, s’affichait lors du Congrès national des Africains-Français fondé par l’écrivain Calixthe Beyala, soutien clair de la souveraineté des pays du continent – et par ricochet du président Laurent Gbagbo. Lors de ce Congrès, la question ivoirienne n’a bien entendu pas été omise. Devant des élus socialistes de premier plan, Beyala a fustigé l’incarcération honteuse – et occultée – de Michel Gbagbo, mise en parallèle avec tout l’activisme déployé pour Florence Cassez, en prison au Mexique, et qui bénéficie de la solidarité nationale. Elle a aussi dénoncé la Cour pénale internationale. Sans oublier de dénoncer les guerres de Sarkozy.
Un peu plus tôt, Kofi Yamgnane, chargé des relations Afrique au sein de la campagne de François Hollande, qui s’était signalé par son ouattarisme sur les plateaux de télévision l’année dernière, avait pris ses distances avec le régime ivoirien dans un texte clairement hostile à la présence de Gbagbo à la CPI. Des propos qui sont indissociables du ressenti de la base électorale d’origine africaine du PS. Et aussi, de la franchise et de la clarté du discours de Jean-Louis Mélenchon, candidat du Front de gauche, à ce sujet. Le rassemblement a mobilisé un grand nombre d’intellectuels et d’homme de culture français d’origine dont le Gabonais Bruno Ben Moubamba, candidat à la dernière élection présidentielle au pays d’Omar Bongo Ondimba. On notait aussi la présence du professeur Jean Charles Coovi Gomez du Benin, qui a traduit le soutien du mouvement et de la diaspora africaine aux patriotes ivoiriens qui luttent pour la libération du président Gbagbo, de la Côte d’Ivoire et au-delà, de l’Afrique. "Ils savent, nos amis Ivoiriens, notre attachement à leur combat et à leur lutte. Nous soutenons Laurent Gbagbo", a-t-il déclaré, sous un tonnerre d’applaudissements. Extraits de leurs prises de parole.

Calixthe Beyala : «Nous exigeons le retrait rapide de nos soldats de Côte d’Ivoire»

«(…) D’une seule et même voix nous exigeons que des mesures d’urgence soient prises afin que le mot égalité devienne une réalité pour chaque homme, chaque femme ! Nous exigeons une égalité de fond et non seulement de forme comme c’est encore le cas jusqu’à ce jour. Parce que nous en avons assez de voir nos CV rejetés à cause de la consonance ou de la couleur de notre peau; parce que nous en avons assez de n’avoir point accès à un logement décent du fait de nos origines….
Chers amis, honorables invités, ces discriminations dont nous sommes victimes ne s’expriment pas seulement sur le territoire national, mais également à l’extérieur. C’est ainsi que nous constatons avec tristesse, que le sort d’un Africain-français emprisonné dans les geôles des pays étrangers n’intéresse personne, fût-il innocent. Michel Gbagbo, un Africain-français innocent emprisonné depuis plus d’un an en Côte d’Ivoire en est la parfaite illustration alors qu’au même moment, l’Etat déploie des moyens colossaux pour libérer nos compatriotes emprisonnés en Amérique Latine.

Nous disons, ça suffit ! Assez ! Assez ! (…)
Chers amis, Honorables invités, avez-vous comme nous constatez oh, combien est absente la politique étrangère de la France dans les débats de ces présidentielles ? Existe-t-il réellement une politique Africaine de la France ?
A cette question, la réponse est non. Il n’existe aucune lisibilité, aucune ligne directrice de la politique de la France en Afrique. Celle-ci varie en fonction des intérêts de petits groupes et autres obscures officines. Politiques et médias nous ont justifié les interventions armées de l’année 2011 sur le continent noir par le souci de nos dirigeants occidentaux d’instaurer la démocratie dans les pays africains.
Nous rétorquons que la démocratie n’est pas un produit exportable. Il appartient à chaque peuple de construire la sienne en fonction de son histoire et de son évolution. Nous disons que notre si belle République a tant d’atouts, qu’elle n’a pas besoin de mener des croisades çà et là pour s’imposer dans un univers mondialisé. Nous ne saurons soutenir ces guerres de conquête et de recolonisation d’un nouveau genre.
Nous exigeons le retrait rapide de nos soldats de plusieurs pays, parmi lesquels l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, la RCA, le Tchad et le Gabon.
Au Mouvement des Africain-français, nous aimons la paix, la fraternité, la solidarité et la justice. Nous disons qu’avec les pays émergeants, la France se doit d’entretenir des relations de partenariat et de respect mutuel.
Chers amis, Honorables invités, les pays d’Afrique, notre continent d’origine n’est pas seulement victime des guerres meurtrières menées contre ses populations pour la captation de ses matières premières. Il est également de nouvelles formes des pressions juridiques spécifiquement conçues.
C’est ainsi que la dernière trouvaille des dirigeants du Nord pour mieux soumettre les gouvernements du Sud à travers des ONG complices est la notion de « Biens Mal acquis ».

Nous constatons :
A – Que les pays concernés par la question des « biens mal acquis » sont les pays pétroliers du Golfe de Guinée, de la Guinée Equatoriale au Cameroun, du Gabon en passant par le Congo. Quid des Emirats ? Quid du Qatar ? Quid de la Russie ? Pourquoi les dirigeants de ces pays ne sont pas eux aussi mis au banc des accusés alors qu’ils achètent palaces et yachts de luxe en France ? S’agirait-il de faire chanter les dirigeants Africains pour les rendre encore plus dociles ? S’agirait-il de fragiliser ces Etats pour ensuite justifier des interventions militaires comme en Côte d’Ivoire ou en Libye ?
Où sont donc passés les milliards soit disant volés par Mobutu ? Qu’en est-il de la fortune libyenne ? Quant à ceux de la Côte d’Ivoire, nous savons aujourd’hui que Laurent Gbagbo est indigent et que la Cour Pénale Internationale est obligée de payer ses avocats.
Chers amis, Honorables invités,
Nous venons de nommer la Cour Pénale Internationale.
Il est curieux de constater que la plupart des puissances occidentales qui ne reconnaissent pas la compétence de cette cour pour juger leurs propres ressortissants, sont les mêmes qui exigent à cors et à cris que les Africains y soient envoyés pour y être jugés et ceci pour des crimes commis en Afrique contre les Africains. Il est temps de dénoncer cette fumisterie au nom des droits universels de l’homme.
L’existence de la Cour Pénale Internationale est pour chaque Africain descendant une humiliation. Elle nous rappelle les périodes sombres de l’esclavage lorsqu’on expédiait les résistants Noirs mourir loin de la chaleur de leur terre natale, loin de leur soleil. Il en avait été ainsi de Toussaint Louverture, de Jean-Jacques Dessalines, de Boukman Duty, de Makandal pour ne citer que ceux-là, paix à leur âme !
Nous ne préjugeons pas de l’innocence ou de la culpabilité de ceux qui sont enfermés dans cette prison pour nègre. Nous demandons pour eux un traitement humain, à savoir celui d’être jugés dans leur pays, sur la terre de leurs ancêtres et par les leurs.
Ceci explique pourquoi, le Mouvement des Africain-français demande la fermeture de la cours pénale Internationale, cette prison qui porte en elle les germes de l’esclavage et de la colonisation, cette prison qui ressemble étrangement en un purgatoire pour Africain récalcitrant, ce goulag pour peuple dominé.
Nous, au Mouvement des Africain-français déclarons, que dorénavant nous serons l’interface entre la France et l’Afrique parce que nous sommes les héritiers naturels de l’Afrique en Occident, parce que nous sommes les mieux fondés à défendre les intérêts des peuples d’Afrique.»

Sélectionné par Philippe Brou

CÔTE D'IVOIRE: LES BONIMENTEURS SONT FATIGUES/JUSTE UN RETOUR AU NIVEAU DE PRODUCTION D'AVANT-GUERRE/ UNE PROPAGANDE PATHETIQUE QUI PERD DU SOUFFLE

Le 18 avril 2012 par Le Nouveau Courrier - Il y a un an, alors qu’il menait ses violentes guerres de Côte d’Ivoire et de Libye avec l’approbation complaisante de la presse de son pays, Nicolas Sarkozy, s’imaginait faire campagne, à la faveur de la présidentielle qui vient, sur son statut de sauveur des peuples «opprimés» du monde et sur sa «stature internationale». Las ! La Libye «libérée» de Muammar Kadhafi a sombré dans des conflits tribaux déstructurés et son chaos, alimenté par une politique irresponsable de largage d’armes au tout-venant, a contaminé le Mali. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, il n’y a pas d’hostilités ouvertes, mais la nature profonde du régime installé sous le feu des missiles de la force Licorne apparaît désormais aux yeux de beaucoup, malgré les trésors d’ingéniosité déployés par les «communicants» et autres «étouffeurs» de vérité au sein de l’Hexagone.
L’an I de l’arrestation du président Laurent Gbagbo a été un moment intéressant à analyser sous l’angle des discours médiatiques que cette commémoration a produits. Le cadre général a été, d’une manière, fixé par l’Agence France Presse, qui a décrété, dans un papier d’angle : «Côte d’Ivoire : la reconstruction chemine, la réconciliation piétine». Un tel dispositif idéologique donne aux optimistes et autres complaisants professionnels l’opportunité de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Bien que séduisant pour le grand nombre – on devrait se consoler en mentionnant que la «bulle explicative mondiale» admet que de profondes divisions déchirent le pays des Eléphants –, ce biais est mensonger. Et ce ne sont pas les intervenants interrogés par le Journal des Auditeurs, sur RFI, dont les propos ont tourné autour des licenciements de masse, du racket des FRCI et de la vie chère qui diront le contraire. Une reconstruction sans le peuple, voire contre le peuple ? Lubie et imposture.

Juste un retour au niveau de production d’avant-guerre

«Un an après [le 11 avril 2011], la métropole économique Abidjan est constellée de chantiers, et ses hôtels sont pleins d'hommes d'affaires étrangers qui ne veulent pas rater le coche. Car les perspectives sont prometteuses : après un effondrement en 2011 pour cause d'impasse politique, la croissance attendue en 2012 se situe au-delà de 8% chez le premier producteur mondial de cacao, toujours première puissance économique d'Afrique de l'Ouest francophone», écrit, grandiloquent, le correspondant de l’AFP. Les journalistes économiques savent que ce ne sont pas de tels critères qui déterminent une reprise sérieuse. La croissance de 8% évoquée à tout propos et hors de propos n’est que l’effet du retour au niveau de production nationale d’avant-guerre. Et ce n’est pas un exploit dans un pays essentiellement agricole, où les champs n’ont tout de même pas été «soufflés» par les missiles bleu-blanc-rouge. Les exceptionnels prêts et aides venus de l’étranger ont juste permis de réparer ce que la guerre totale décrétée par Nicolas Sarkozy et ses alliées locaux avait «gâté». Les investissements directs étrangers (IDE) ont-ils grimpé de manière significative en Côte d’Ivoire ? La confiance est-elle de retour parmi les entrepreneurs nationaux ? L’inflation préoccupante est en tout cas un indice prouvant qu’il faut mettre de toute urgence de l’huile dans les rouages. Dans un pays miné par une insécurité structurelle alimentée par les forces de «l’ordre», où les spécialistes disent qu’il faudra dix ans pour désarmer les fameux «faux FRCI», où la moitié de la population est exclue du jeu politique, où c’est l’ONU qui sécurise les frontières nationales au moindre toussotement à la frontière avec le Mali, où le niveau de ré-endettement est déjà considéré comme préoccupant, qui se bousculera pour investir ? Pourquoi un fonds d’investissement préférerait-il miser sur la Côte d’Ivoire plutôt que sur le Sénégal ou le Ghana ? Le problème de la communication à outrance est qu’elle occulte les vrais problèmes de fond qui ne se feront pas prier pour se rappeler à nous.

Une propagande pathétique qui perd du souffle

Toujours dans la mouvance de la commémoration du 11 avril, l’universitaire français Christian Bouquet, zélateur passionné du régime Ouattara, glorifie, dans une tribune, un «retour prometteur sur la scène internationale», comme s’il y avait quelque mérite à servir, à la tête de la CEDEAO, comme par le passé Blaise Compaoré ou Gnassingbé Eyadéma, de relais complaisant à la politique d’influence de la France en Afrique de l’Ouest. En quoi l’activisme régional de Ouattara sert-il aux entreprises et à l’économie ivoiriennes ? En quoi trace-t-il un horizon nouveau pour le continent ? Quand la France, les Etats-Unis ou la Chine se déploient à l’étranger, c’est pour servir un grand dessein indépendant des visées d’une autre puissance. Tout le reste n’est que colifichets et mauvaise pacotille comme au temps de l’esclavage. Dans sa volonté forcenée de diaboliser Gbagbo, Bouquet va jusqu’à faire passer la mise à mort d’une décentralisation «à la française», sur le modèle électif, au profit d’un retour au statu quo ante de l’époque Houphouët-Boigny pour la fin de «la démocratie prébendière». Venance Konan, quant à lui, demande à ses sympathisants «d’oublier Gbagbo», désormais considéré comme un agneau sacrificiel dont l’immolation rituelle permettra d’exorciser toutes les contradictions nationales rejetées sur lui pour solde de tout compte.
Mais toute cette propagande pathétique perd du souffle, assurément. Premièrement, parce que les dernières annonces du régime Ouattara sur les transferts à la Cour pénale internationale (CPI) prouvent sa vision instrumentale de la justice internationale et la logique d’impunité qui est au cœur de sa pratique du pouvoir. Deuxièmement, parce que les reculs de la démocratie en Côte d’Ivoire sont manifestes. Un récent débat sur la Côte d’Ivoire diffusé par France 24 et qui a fait le buzz montre, à côté d’un Bernard Houdin, conseiller de Gbagbo tout en mesure, un Antoine Glaser – ancien patron de «La Lettre du Continent» – s’inquiéter de l’avènement d’un régime autoritaire et une Leslie Varenne taillant en pièces les mensonges officiels du régime, transformés sans scrupules en histoire officielle. Face à eux, Adama Diomandé, soutien de Ouattara en France, faisait figure de caricature du «Nègre de maison», plus royaliste que le roi, plus pro-Français que le Quai d’Orsay, devenant grossier au contact de la contradiction.
Grossier comme Amadou Soumahoro, secrétaire général par intérim du RDR, spécialiste en dérapages verbaux de tous ordres, venu signer, alors que les deux partis se côtoient déjà au sein de l’Internationale libérale, un étrange accord d’association avec l’UMP de Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy, le chef d’Etat français en fin de mandat le plus impopulaire de ces dernières décennies. L’initiative, qui n’a mobilisé qu’un auditoire clairsemé, se voulait une sorte de contre-feu face au fort impact des mouvements de rue organisés par la diaspora ivoirienne à Paris, et à la mobilisation d’organisations comme le Mouvement des Africain-Français. Quelque chose est en train de se passer, et le régime ivoirien ne pourra pas l’empêcher.

Théophile Kouamouo