Crise politique: Le PDCI-RDA entre la vie et la mort, Par Ferro Bally

Par IvoireBusiness - Crise politique. Le PDCI-RDA entre la vie et la mort, Par Ferro Bally.

Henri Konan Bédié, président du Pdci-Rda, entouré des membres du secrétariat général du parti. Image d'archives utilisée à titre d'illustration.

Le PDCI-RDA est dans la tourmente. Le mariage qu’il a scellé avec le RDR risque de coûter cher à sa cohésion. Car la division est affichée entre ceux qui sont pour la mort du PDCI-RDA en tant que formation politique et les autres qui œuvrent à sa pérennisation. La partie ne fait que commencer mais elle va faire des dégâts.

Le PDCI-RDA, en tant qu’entité politique, négocie le virage de sa survie ou de sa mort. Car, dans le cadre du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition au pouvoir), son mariage avec le RDR, formation politique sortie de ses entrailles en 1994, se révèle un poison qui risque de l’emporter.

Les contentieux avec le RDR et Alassane Dramane Ouattara sont en effet nombreux au point que, pour justifier la lune de miel avec le chef de l’Etat, son ennemi juré d’hier, Bédié a eu ces propos: «La politique, c’est l’art de l’impossible. Ce qu’on ne peut pas imaginer peut être la réalité».

Dans cet «art de l’impossible», le PDCI-RDA évolue en dents de scie. Après le coup d’État militaire qui a renversé Bédié et son régime le 24 décembre 1999, il y a eu hier les «Judas» du PDCI-RDA, c’est-à-dire les traîtres. C’étaient, sous la transition militaire, les militants qui, désertant les rangs du parti, ont rallié celui qui a renversé le régime: le général de brigade Guéi Robert, chef de la junte militaire.

Il pourrait y avoir aujourd’hui les Caïn du PDCI-RDA, c’est-à-dire les premiers meurtriers du parti qui réaliseront le vœu de Djéni Kobinan Kouamé à la naissance du RDR: réduire le PDCI-RDA à l’état de vestiges au Nord et de reliques au Sud.

Le 12 mars 2018, le Forum des houphouétistes a vu le jour. C’est le nom du nouveau groupe parlementaire du RHDP, rassemblant des députés du RDR et du PDCI-RDA. Son objectif final, obtenir, après un travail de sape, la dissolution du PDCI-RDA au sein du RHDP.

«Félix Houphouët-Boigny ne nous a pas laissé le PDCI-RDA comme héritage; Félix Houphouët-Boigny nous a laissé la Côte d’Ivoire comme héritage. Notre héritage ne doit pas être nos partis politiques», a déclaré le député PDCI Félix Anoblé, président du Forum, pour répondre au réseau des cadres du PDCI-RDA baptisé «Notre héritage» qui a organisé une journée d’hommage à Bédié le 10 mars.

« Je me félicite de la création du Forum des houphouétistes qui place l’intérêt de notre pays au-dessus de toute considération individualiste et égoïste. Il s’inscrit dans le renforcement de notre alliance au sein du RHDP», a affirmé l’Inspecteur général d’État, Théophile Ahoua N’Doli, secrétaire exécutif du PDCI chargé du Suivi de l’action gouvernementale, qui présidait cette cérémonie de mise à mort du PDCI-RDA.

C’est la manœuvre engagée par le parti au pouvoir pour fragiliser son allié du PDCI-RDA et aboutir à la formation du parti unifié baptisé RHDP. Cette opération a des recrues de poids au PDCI-RDA.

Au nombre des partants le vice-président de la République Daniel Kablan Duncan, le secrétaire général de la Présidence de la République Patrick Jérôme Achi, les patrons des administrations publiques et tous les membres du Gouvernement au nombre desquels Kobenan Kouassi Adjoumani, porte-parole du PDCI-RDA et du RHDP, qui a traité «d’excités» les Maurice Kacou Guikahué, secrétaire exécutif en chef du parti, et Jean-Louis Billon, secrétaire exécutif chargé des Etudes, de la Prospection et de la Propagande, qui militent pour la réunification des partis après la présidentielle de 2020.

Les militants du PDCI-RDA ont encore en mémoire les revers, aux couleurs d’humiliation, subis par le président Bédié. Le 17 septembre 2014, au risque d’être accusé de haute trahison, il s’élevait contre la Résolution du XIIè Congrès ordinaire du PDCI-RDA. Alors que celle-ci demandait la candidature d’un «militant actif» du parti à la présidentielle d’octobre 2015, lui proposait la candidature unique d’Alassane Ouattara dans le cadre du RHDP, en rêvant de la poursuite des «candidatures uniques au sein du RHDP», mais au profit du PDCI-RDA en 2020. En vain.

Le 17 novembre 2015, après la victoire électorale d’Alassane Ouattara, il a proposé le «retour de tous au PDCI-RDA qui reste l’œuvre à laquelle le président Houphouët-Boigny tenait le plus, celle qui lui était la plus chère». C’est-à-dire, le nom du PDCI-RDA comme du RHDP unifié ou réunifié, quand on sait que, à l’exception du MFA, le RDR et l’UDPCI sont sortis des entrailles du PDCI-RDA. Echec et mat.

Le 15 décembre et sans ambages, le Bureau politique du RDR lui a répondu sèchement. «Cette œuvre gigantesque de l’houphouétisme doit se faire dans le respect scrupuleux des uns et des autres. Elle doit se réaliser sans domination d’un courant par l’autre et sans reniement», relève le communiqué pour dire que chaque parti doit garder son identité et son autonomie au sein du RHDP.

Mais voilà que brusquement le RDR a changé son fusil d’épaule depuis son IIIè Congrès ordinaire (9-10 septembre 2017). Il a fait de la naissance du RHDP comme parti unifié son cheval de bataille, au moment où la présidentielle de 2020 approche à grands pas et que le PDCI-RDA ne cesse de ruer dans les brancards.

Le 31 octobre, Ouattara et Bédié se sont rencontrés pour déblayer le terrain et le 4 décembre un comité de haut niveau, sous la présidence du vice-président Duncan, s’est réuni pour définir les modalités du parti unique.

Mais la partie est loin d’être jouée. Des jeunes du PDCI-RDA ont empêché, le 11 janvier 2018, la première réunion du comité de haut niveau. Sous les auspices du secrétaire exécutif en chef et président du groupe parlementaire PDCI, une réunion des cadres du PDCI-RDA réunis sous le vocable «Notre héritage» s’est réunie, le samedi 10 mars à Yamoussoukro, pour célébrer le président Henri Konan Bédié.

En réalité, il s’agissait d’une rencontre pour dire non à la liquidation du PDCI-RDA au sein du RHDP. Cerise sur le gâteau, des députés du PDCI-RDA se sont rencontrés le 13 mars pour soutenir cette coalition des cadres et, désavouant le RDR pour se désolidariser du Forum, réaffirmé leur attachement au groupe parlementaire PDCI.

Mais c’est une crise politique sérieuse qui vient de s’ouvrir dans l’ancien parti unique avec un seul gagnant: le RDR. Qui réussit le tour de force de semer la zizanie partout, chez partenaires et adversaires.

FERRO M. Bally

Source: journaldeferro.wordpress.com