Crise au Fpi: Pourquoi Bédié a choisi Gbagbo au lieu d'Affi N'Guessan

Par Soir info - Crise au Fpi. Pourquoi Bédié a choisi Gbagbo au lieu d'Affi N'Guessan.

Henri Konan Bédié a jeté son dévolu sur Laurent Gbagbo pour sa plateforme. Image d'archives.

La grande bataille de 2020 s'annonce âpre. Depuis la changement de statut du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), passant de groupement politique en parti politique unifié, le 16 juillet 2018, c'est la guéguerre entre Henri Konan Bédié du Parti démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement démocratique africain (Pdci-Rda), et son ex-allié Alassane Ouattara, le chef de l'État.

Depuis, le Rhdp se renforce, débauche au sein de la classe politique. De grosses têtes du Pdci-Rda, dont Daniel Kablan Duncan, Théophile Ahoua N'Doli, Kobénan Kouassi Adjoumani, ont viré au parti unifié.

Face à cette situation, le Pdci-Rda de Henri Konan Bédié, à travers deux réunions du Bureau politique et un congrès extraordinaire, a pris des décisions dont celle de permettre au président du parti septuagénaire de négocier avec toutes les forces démocratiques de Côte d'Ivoire en vue de mettre en place une plateforme.

Henri Konan Bédié qui apparaît désormais comme l’un des leaders de l'opposition depuis son désamour consacré par son départ du Rhdp groupement politique, s'est approché du Front populaire ivoirien (Fpi). Ce parti fortement divisé par une crise de leadership et quelque peu idéologique, est toutefois l'une des plus grandes formations politiques du pays. D'où son importance dans le plan du président du « vieux » parti de renverser le pouvoir Rhdp à l'élection présidentielle d'octobre 2020.

Tout a commencé par l'intégration du Fpi dans les travaux des partis d'opposition la réforme de la Commission électorale indépendante (Cei). Cependant, au Fpi, deux camps se battent ; celui de Pascal Affi N'Guessan, le président légal et reconnu par les autorités ivoiriennes, et le camp de Laurent Gbagbo, le fondateur de ce parti, légitimement reconnu par la grande majorité des militants du Fpi. Laurent Gbagbo, acquitté de crimes contre l'humanité par la Chambre de première instance 1 de la Cour pénale internationale (Cpi), à La Haye, n'a pas encore regagné la Côte d'Ivoire, parce qu'étant dans l'attente d'une éventuelle décision d'appel de la décision d'acquittement. Il est en liberté sous conditions en Belgique, où il reçoit de nombreuses délégations qui partent lui faire allégeance.

Ainsi, face à un Fpi dirigé par Affi N'Guessan, arrivé deuxième à l'élection présidentielle de 2015 avec 9 % des suffrages exprimés, face à Alassane Ouattara, et Laurent Gbagbo, leader incontesté des « Gbagbo ou rien » (Gor) le président du Pdci-Rda a tenté d'abord un rapprochement entre les deux leaders du Fpi. Avec une préférence bien entendu pour l'ancien président ivoirien dont le retour en Côte d'Ivoire est vivement attendu par ses partisans et certains partis d'opposition, comme le Pdci-Rda. Pourquoi Laurent Gbagbo et non pas Pascal Affi N'Guessan pour soutenir le mouvement lancé par M. Bédié dans le cadre de sa plateforme non idéologique ?

Une mission politique et diplomatique, conduite par Maurice Kakou Guikahué, le Secrétaire exécutif du Pdci-Rda, a été envoyé, mardi 7 mai 2019, à Bruxelles, auprès de Laurent Gbagbo pour aplanir tous les différends entre Gbagbo et Bédié. Une réconciliation entre ces deux hommes, qui se sont longtemps combattus, offre une nouvelle équation, une autre réorganisation politique pour 2020. De fait, Laurent Gbagbo, a dirigé le pays durant 11 ans, avant d'être évincé en avril 2011. Par rapport à son adversaire interne au Fpi, il représente tout un espoir pour ses nombreux partisans. Ceux-ci et bien d'autres acteurs de la politique voient en sa victoire sur la Cpi, le signe d'un changement certain en Côte d'Ivoire. De plus, il serait mieux de faire alliance avec le camp jugé majoritaire d'un parti divisé que de se contenter de la partie dite minoritaire. En sus, Laurent Gbagbo a fait la preuve durant son séjour carcéral à La Haye qu'il a toujours de gros soutiens à l'international ; soutiens indispensables pour contrer Alassane Ouattara, le président de la République.

De retour de Bruxelles, et au cours d'un meeting à Grand-Bassam, samedi 11 mai, Maurice Kakou Guikahué, visiblement très enthousiaste, a livré l'issue de son entrevue avec le fondateur du Fpi. « Le président Henri Konan Bédié nous a envoyés à Bruxelles. Je suis allé, j'ai salué Gbagbo. J'ai discuté avec Gbagbo. À partir d'aujourd'hui, il y a la réconciliation entre le Fpi et le Pdci-Rda ! (…) J'ai eu l'honneur de diriger la délégation, on est parti à Bruxelles, le président Gbagbo nous a reçus. On a parlé. Je puis vous dire, au nom du président Henri Konan Bédié, à compter d'aujourd'hui, il n'y a plus palabre entre Fpi et Pdci ! », avait confié M. Guikahué, dans une ambiance de joie.

Qu'est-ce que Henri Konan Bédié a bien pu proposer à Laurent Gbagbo, lui qui semblait pourtant réticent à son invitation d'intégrer la nouvelle grande plateforme de l'opposition ? Quel rôle jouera désormais Pascal Affi N'Guessan dont le camp avait déjà commencé à travailler avec les partis de l'opposition dans le cadre de la réforme de la Cei ? La rencontre avortée entre Laurent Gbagbo et son premier Premier ministre, et les déclarations virulentes d'Affi N'Guessan qui ont suivi, sont-elles à la base du choix de Henri Konan Bédié ? Autant d'interrogations qui inclinent à penser que Pascal Affi N'Guessan n'est plus le premier choix dans la mise en place de la plateforme d'opposition voulue par le président du Pdci-Rda.

Hervé KPODION