CÔTE D'IVOIRE: CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ, VOICI LES PREUVES DONT A BESOIN LA CPI

CÔTE D'IVOIRE: CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ, VOICI LES PREUVES DONT A BESOIN LA CPI.

Le 22 fevrier dernier, dans le cadre du procés contre le président Gbagbo, la CPI a rendu publique un document, selon lequel les juges de la cour autorisaient le procureur Ocampo a enqueté sur les tristes

événement qui ont endeuillé la cote d'ivoire depuis le 19 septembre 2002, jour du déclenchement de la rebellion armée dirigée par Alassane Ouattara et Guillaume Soro. Ce qui pouvait etre perçu au départ comme une victoire pour les partisans du Président Gbagbo s'est vite mué en deception profonde. Et pour cause.
En parcourant le document en question au paragraphe 35, nous pouvons lire ceci: " In light of the limited information provided by the Prosecutor, the Chamber is unable to assess whether crimes against humanity may also have been committed by any of the rebel forces." En d'autres termes, les juges disent que sur la base des informations fournies par le procureur Ocampo, les juges de la cour n'ont aucune base légale qui permettrait de poursuivre les rebelles ivoiriens de Ouattara et Soro.
Selon Ocampo rien ne prouve que ceux ci ont commis des crimes contre l'humanité depuis 2002. Nous croyons en la bonne foi d'Ocampo, c'est pourquoi nous lui fournissons ce document d'Amnesty International, une organisation pas du tout reconnue comme étant pro-Gbagbo, la vidéo et les images ci-dessous. Dans ce document Dètaillé, amnesty international raconte les massacres de 60 gendarmes et de leurs enfants fait prisonniers par les rebelles de ouattara et guillaume Soro en octobre 2002.
Esperons que ces preuves aideront la CPI à rendre justice, et condamner les véritables responsables de ces massacres, à savoir Guillaume Soro, Alassane Ouattara, et leurs chefs militaires

le jeudi 27 février 2003 - 00 H 01] Public
amnesty international

INTRODUCTION
À Bouaké, le 6 octobre 2002, une soixantaine de gendarmes accompagnés d’une cinquantaine de leurs enfants et de quelques autres civils (voir image ci-dessus) ont été arrêtés dans leur caserne par des éléments armés du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) qui avaient pris le contrôle de la deuxième ville du pays depuis le 19 septembre 2002. Ces personnes ont été conduites à la prison du camp militaire du 3e bataillon d’infanterie. Ce même soir, des éléments armés du MPCI sont entrés à plusieurs reprises dans la prison et ont tiré en rafales, tuant et blessant des dizaines de détenus.
Les survivants sont restés deux jours avec les blessés et les cadavres en décomposition sans recevoir de nourriture. Certains ont été contraints de transporter les cadavres et de les enterrer dans des fosses collectives et une dizaine d’entre eux ont très vraisemblablement été tués sur les lieux mêmes du charnier après qu’ils eurent enterré leurs camarades. Ces informations ont été recueillies par des délégués d'Amnesty International auprès de quelques-uns des survivants de ce massacre au cours d’une mission d’enquête menée dans la zone tenue par le MPCI en décembre 2002.
Elles ont ensuite été recoupées avec les témoignages d’autres survivants qui avaient été libérés et avaient pu rejoindre les zones sous contrôle gouvernemental Amnesty International n’a pas immédiatement rendu publiques ces informations car elles risquaient de mettre en danger la vie des gendarmes témoins de ce massacre et qui étaient encore détenus à Bouaké. Tous ces gendarmes ont été depuis lors libérés après avoir payé de très lourdes rançons et Amnesty International peut donc maintenant relater dans le détail le déroulement de ce massacre tel que l’organisation a pu le reconstituer.
LE MASSACRE DES GENDARMES À BOUAKÉ EN OCTOBRE 2002
La nouvelle du massacre de dizaines de gendarmes à Bouaké par le MPCI au début du mois d’octobre 2002 s’est très vite répandue sous forme de rumeurs ou d’affirmations catégoriques publiées notamment dans la presse proche du gouvernement d’Abidjan.
Cependant, faute de témoignages directs des faits, peu de détails étaient connus sur les circonstances exactes et sur le déroulement chronologique de cette tuerie. Pour leur part, les autorités du MPCI ont reconnu que des gendarmes avaient été tués au début du mois d’octobre 2002 tout en affirmant que ces gendarmes étaient morts lors de combats qui ont opposé, à partir de la nuit de 5 au 6 octobre 2002, les forces du MPCI et des éléments des forces gouvernementales qui ont tenté de reprendre la ville de Bouaké avant d’être repoussés. C’est cette même version des faits que le MPCI a ommuniqué à la délégation d'Amnesty International à Bouaké en décembre 2002.
À la suite d’une enquête approfondie, Amnesty International a pu retracer, sur la base de témoignages directs, les circonstances de ce massacre. Les gendarmes arrêtés le 6 octobre 2002 à l’état-major de la 3e légion de gendarmerie de Bouaké n’ont pas été tués lors de combats. La plupart d’entre eux ont été abattus de sang-froid par des éléments armés du MPCI alors qu’ils étaient détenus avec une cinquantaine de leurs enfants et quelques civils dans la prison du camp militaire du 3e bataillon d’infanterie de Bouaké. De plus, certains d’entre eux, y compris des blessés, ont très vraisemblablement été abattus sur les lieux de la fosse collective où ils avaient été contraints d’ensevelir certains de leurs camarades. Les survivants de ce massacre n’ont eu la vie sauve que grâce à un ordre donné au tout dernier moment par un responsable du MPCI. Finalement, la dizaine de gendarmes encore détenus en décembre 2002 ont été libérés après avoir payé des rançons très élevées.
À Bouaké, au cours de leur mission d’enquête, les représentants de l’organisation ont officiellement demandé à des responsables de l’aile militaire du MPCI de visiter les fosses collectives où auraient été enterrés ces gendarmes. Les autorités du MPCI ont répondu qu’elles ne connaissaient pas le lieu exact de ces fosses et que celles-ci ne contenaient que des corps de gendarmes tués au combat.
Voici donc dans le détail le déroulement chronologique de ce massacre tel qu’il a pu être reconstitué par Amnesty International. Pour des raisons de sécurité, les noms des gendarmes qui ont réchappé de ce massacre ne seront pas divulgués dans le présent document car certains d’entre eux ont reçu, au moment de leur libération, des menaces du MPCI.
a) Les circonstances de l’arrestation des gendarmes le 6 octobre 2002
La prise de Bouaké par des éléments armés qui allaient ensuite prendre le nom de Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) a pris au dépourvu toutes les forces de sécurité se trouvant dans la deuxième ville de Côte d’Ivoire.
L’un des survivants du massacre de Bouaké a raconté à la délégation d'Amnesty International comment lui et ses camarades ont été surpris par cette attaque :
« Nous avons entendu des coups de feu vers 3-4 heures du matin dans la nuit du 18 au 19 septembre. Nous avons sifflé le rassemblement pour protéger la caserne d’une attaque. Nous avons appris par la radio que les « Zinzins » et les « Bahéfoués » [les militaires engagés sous la période de transition dirigée par le général Gueï qui avaient appris leur prochaine démobilisation] s’étaient révoltés. Toute la journée du 19 septembre, nous sommes restés sur nos gardes mais nous n’avons pas été attaqués,alors nous sommes restés à l’intérieur de nos barrières. Le 20 septembre, des 4x4 se sont approchés de la clôture et des éléments armés se trouvant à bord de ces véhicules ont tiré en l’air. Nous n’avons pas répliqué parce que nous n’avions pas assez d’armement. Nous avons décidé de mettre un drapeau blanc sur la clôture et de ranger nos armes. Nous sommes ainsi restés dans notre caserne sans problèmes jusqu’au 6 octobre vers midi. »
Tous les gendarmes rencontrés par Amnesty International ont affirmé que le drapeau blanc n’avait cessé de flotter au-dessus de leur caserne et que, durant les trois premières semaines de l’occupation de la ville par le MPCI, ils n’ont eu aucun contact ni problème avec les éléments du MPCI. Certains gendarmes ont même pu quitter la caserne librement pour regagner leur domicile à Bouaké et des civils, parents ou amis, ont pu leur rendre visite à la caserne de la 3e légion.
Cette information qui montre bien que ces gendarmes ont cohabité sans problèmes avec les éléments du MPCI durant trois semaines a été confirmée à la délégation d'Amnesty International en décembre 2002 par un des hauts responsables du MPCI à Bouaké. Celui-ci a confirmé que « au lendemain de la prise de la ville par nos forces, les gendarmes ont laissé leurs armes et nous pensions que nous pouvions cohabiter. Tout s’est bien passé jusqu’à l’attaque de Bouaké par les forces gouvernementales le 6 octobre. »
Ce 6 octobre 2002 en effet, les troupes gouvernementales ont lancé une offensive pour reprendre la ville de Bouaké et les éléments du MPCI ont estimé que cette attaque n’avait été rendue possible que grâce à des «gendarmes infiltrés » dans la ville. Ils ont donc encerclé la caserne de la 3e légion et ont arrêté tous les hommes qui s’y trouvaient, à savoir une soixantaine de gendarmes accompagnés d’une cinquantaine de leurs enfants âgés de plus de douze ans et quelques civils qui se trouvaient à ce moment- là dans la caserne où ils rendaient visite à des parents ou des amis.
Plusieurs gendarmes ont raconté à Amnesty International les conditions dans lesquelles ils ont été arrêtés ce jour-là :
« Le dimanche 6 octobre, entre midi et treize heures, nous étions en train de nous préparer pour le repas, lorsque la caserne a été encerclée et les ‘ rebelles’ nous ont demandé de sortir. Ils tiraient tout autour de la caserne. Ils ont demandé à tous les hommes de sortir et nous sommes sortis avec nos garçons et les civils qui se trouvaient avec nous. Les femmes sont restées dans la caserne et je crois qu’elles n’ont pas été molestées. Les ‘ rebelles’ nous ont dit qu’ils avaient appris que des agents de renseignement d’Abidjan seraient parmi nous et qu’ils voulaient vérifier cela. Certains nous ont accusés d’être des combattants envoyés par Abidjan. On nous a donc conduits au camp militaire. »
Un autre gendarme a raconté :
« J'étais à la caserne avec ma famille. Je ne portais pas de tenue de combat. J'étais dans la tenue que je porte encore maintenant [un short et un T-shirt]. Les ‘mutins’ sont arrivés en 4X4 le dimanche et ont encerclé le camp, ils ont tiré en l'air et un de nos collègues gendarme est sorti pour demander ce qui se passait. Les ‘mutins’ lui ont répondu qu'il y avait des rumeurs de loyalistes infiltrés et qu'ils procédaient à des vérifications. Nous sommes tous sortis des maisons avec un drapeau blanc, ils nous ont fait asseoir sur le goudron pour vérification. »
La centaine d’hommes arrêtés et désarmés ont été conduits au camp militaire du 3e bataillon d’infanterie distant d’à peu près 7 kilomètres. Certains détenus ont été emmenés à bord de véhicules, d’autres ont dû faire le trajet à pied. Parmi ceux-ci, l’un d’eux a raconté à la délégation d'Amnesty International :
« Nous avons dû marcher durant plus d’une heure sous les huées de la population. Vers la préfecture de police, il y avait un attroupement qui criait : Egorgez-les, tuez-les’. Des gens nous ont aussi jeté des cailloux et nous ont frappés. » (voir image ci-dessous)

b) Le massacre dans la prison militaire du 3e bataillon d’infanterie

Une fois arrivée au camp militaire du 3e bataillon d’infanterie, la centaine de détenus a été conduite à la prison du camp. Comme ce centre de détention était relativement petit (à peu près 8 mètres de long sur 5 mètres de large avec trois petites cellules sans électricité), la plupart des détenus se sont assis dans la cour de la prison (voir dessin page suivante). Il était alors environ 14 heures.
Dessin de la prison militaire où ont été détenus les gendarmes à Bouaké

Si le massacre lui-même n’a commencé ce jour- là que vers 20 heures, il a été précédé de plusieurs avertissements qui se voulaient être à la fois une justification des actes qui allaient être commis et une manière de torturer moralement les détenus en annonçant par avance le crime qui se préparait.
Tous les gendarmes rencontrés par Amnesty International se souviennent encore de ces menaces proférées à leur encontre quelques heures avant le début de la tuerie :
« A plusieurs reprises, des hommes armés sont entrés dans la prison pour nous regarder et l’un d’eux nous a dit : ‘Souvenez-vous du Cheval Blanc , de la Mercedes noire, de Yopougon, moi j’ai été contraint de partir en exil, vous allez tous mourir.’ Un autre est venu plus tard et nous a dit : Rappelez-vous de Yopougon, maintenant ce sera votre tour. Ce qui doit arriver, arrivera. »
En dépit de ces menaces, de nombreux détenus ne semblent pas avoir mesuré le danger qui les guettait. L’un des survivants a raconté à Amnesty International :
« Nous étions incrédules, on pensait qu’ils disaient cela juste pour nous démoraliser, on ne pensait pas qu’ils allaient faire cela. »
Soudain vers 20 heures, deux hommes armés sont entrés dans la prison dont un Dozo et là tous les témoignages recueillis par Amnesty International concordent :
« Deux hommes sont entrés, un Dozo et un autre en tenue militaire. Ils sont restés sur le seuil de la porte d’entrée et nous ont lancé des menaces agressives. Puis soudain, contre toute attente, le Dozo a envoyé une rafale de kalashnikov touchant tous ceux qui étaient devant lui. Certains détenus étaient assis, d’autres couchés par terre, beaucoup ont été touchés. J’ai pu en réchapper parce que j’étais adossé au robinet qui se trouve près des WC, dans le coin gauche de la prison [voir dessin plus haut], j’étais donc hors de portée des tirs. Puis ils ont fermé la porte et sont repartis. »
Les détenus ont alors compris que ces hommes en armes allaient revenir et chacun a tenté de trouver désespérément une cachette, dans ce petit espace clos. Une demi-heure plus tard, un deuxième groupe d’hommes armés a ouvert la porte de la prison. L’un des survivants a raconté à Amnesty International :
« Je me suis caché dans une des cellules du fond, d’autres plus agiles sont montés sous la toiture. Une demi-heure plus tard, des hommes armés sont entrés et ont continué à tirer de manière aveugle sur nous. J’ai entendu des enfants qui criaient : ‘Nous ne sommes pas gendarmes, ne nous tuez pas !’ »
Vers 22 heures, un troisième groupe est entré et l’un des hommes a crié :
« Tuez-les tous ». Alors l’un des membres du groupe est entré dans l’enceinte de la prison en enjambant les corps des personnes tuées et blessées qui gisaient dans la cour.
Un témoin a raconté à Amnesty International l’arrivée de cet homme en armes près de lui :
« J’étais caché dans la cellule de gauche et le mur nous protégeait des tirs mais l’un des ‘mutins’ s’est approché de nous et a jeté un coup d’oeil dans notre cellule en disant : ‘Putain, ils sont encore beaucoup ici’. Il a arrosé la chambre de balles, puis il a pris un autre chargeur et a tiré sans distinction. Quand il est parti, je me suis grimé de sang et je me suis caché sous un cadavre pour me protéger. »
Un autre témoin a eu la vie sauve en se cachant dans la cellule de droite qui a été épargnée par les éléments armés du MPCI car des membres des Forces nationales de Côte d'Ivoire (FANCI) y étaient détenus apparemment depuis la prise de la ville par le MPCI, le 19 septembre 2002. Ce témoignage démontre bien que cette tuerie planifiée n’a pas été commise de manière incontrôlée. En dépit de la haine exprimée par les mots et la violence aveugle de ces tirs en rafales, les éléments armés du MPCI ont gardé à l’esprit dans leur fureur la distinction entre les différents corps des forces
de sécurité.
Selon les survivants, ces trois vagues successives de tirs ont tué une quarantaine de gendarmes, une trentaine de leurs enfants et 5 civils arrêtés avec eux dont un instituteur et un vendeur travaillant dans la pharmacie « des 18 logements » à Bouaké.
Toute la journée du lendemain, le lundi 7 octobre 2002 et une bonne partie du mardi 8 octobre, personne n’est entré dans la prison et les survivants sont restés seuls sans nourriture avec les morts et les blessés dont certains ont succombé ce jour-là.
L’un des gendarmes rencontrés par Amnesty International a ainsi perdu trois fils dans ce massacre. L’un d’eux est mort sur le coup le 6 octobre au soir, deux de ses fils sont morts dans ses bras le lendemain :
« J’ai été arrêté avec trois de mes enfants, l’un âgé de vingt et un an, a été tué sur le coup le dimanche soir. Mes deux autres fils, âgés de dix-neuf ans et de vingttrois ans, ont été blessés. Je suis resté à côté d’eux tout le lundi mais ils sont morts ce jour-là des suites de leurs blessures. »
L’un des gendarmes survivants a raconté à la délégation d'Amnesty International que des gens venaient régulièrement regarder par le trou de la serrure. Ce n’est que le mardi 8 octobre vers 17.00 heures que les portes de la prison se sont ouvertes à nouveau et que les éléments du MPCI ont demandé à certains détenus de sortir les cadavres pour aller les enterrer. L’un des gendarmes chargés de cette tâche a raconté à Amnesty International :
« Certains cadavres étaient déjà en état de putréfaction, l’odeur était telle que les ‘mutins’ sont entrés dans la prison en se couvrant le nez et la bouche…Nous avons fait trois chargements et nous sommes allés les enterrer dans des fosses collectives près du quartier appelé ‘Dar es Salaam’ »
Les personnes qui ont enseveli les cadavres ce jour-là ont été ramenées en prison et les gardiens ont demandé aux survivants de laver les traces de sang qui maculaient les murs. Cependant, toute trace de ce massacre n’a pas été effacée puisque la délégation d'Amnesty International a pu voir de nombreux impacts de balles qui ont littéralement troué des pans de murs de la prison.
Dans la nuit du 8 au 9 octobre, sept autres blessés ont succombé à leurs blessures. Le mercredi 9 octobre, les gardes ont choisi quelques survivants pour aller.enterrer ces nouveaux morts. Mais contrairement au jour précédent, aucune de ces personnes n’est revenue en prison. Tous les survivants du massacre de Bouaké sont convaincus qu’elles ont été abattues sur les lieux du charnier après avoir été obligées d’enterrer leurs camarades.
« Ils ont choisi les plus costauds, notamment Séry Sogor, Doua Gbongue, Brou Koffi Raymond et Obo Boni pour emmener ces cadavres. Ils ont aussi emmené trois blessés sous prétexte qu’ils n’avaient pas de médicaments. Aucun d’eux n’est revenu. »
Parmi ces trois blessés emmenés figurait Alain Messolo, un des fils de l’Adjudant chef Dosso Messolo. (le voici dans l’image ci-dessous)

Ce dernier, qui avait déjà vu mourir sous ses yeux un fils, prénommé Ladji, le dimanche 6 octobre, n’a pas voulu laisser partir son fils, Alain, tout seul et a insisté pour l’accompagner. Personne ne les a plus jamais revus. Ce même mercredi 9 octobre, vers 17 heures, plusieurs véhicules sont venus chercher les derniers survivants qui étaient une quarantaine. L’un d’eux a raconté:« Dans le camion, ils se sont moqués de nous et nous ont forcés à chanter ‘Jésus est bon’, ‘Jésus est mauvais’, pour bien nous faire comprendre que nous allions être tués et nous faire comprendre que Jésus allait nous lâcher. Nous sommes arrivés sur les lieux où certains de nos camarades avaient enterré les morts les deux jours précédents. Nous avons vu des puisatiers qui venaient de creuser un nouveau trou. Avant qu’on ne descende des camions, l’un d’eux nous a dit qu’ils allaient tous nous tuer. Puis ils nous ont dit que si nous voulions courir, nous pouvions le faire et qu’ils allaient ‘s’exercer’. Soudain, quelqu’un est venu dire que ‘le colonel’ avait demandé de ramener les prisonniers et on est rentré dans la prison. »
Quelques jours plus tard, les vingt-six enfants de gendarmes qui avaient survécu au massacre et un gendarme ont été libérés. Mais ces libérations n’ont pas mis un terme aux exécutions sommaires. En effet, le 14 novembre 2002, deux gendarmes, l’adjudant Vléi Déhé Paul et le maréchal des logis chef, Koué Bi Zanli, ont été extraits de leur cellule en compagnie d’un membre du MPCI, nommé Sékou, qui avait apparemment été sanctionné pour une raison inconnue. L’un des gendarmes survivants a confié à Amnesty International : « Ces trois personnes ne sont jamais revenues. On a demandé plus tard à des détenus d’aller les ensevelir. Alors la peur est revenue parmi nous, nous avons compris que rien n’était fini. »
Voici la liste non exhaustive des victimes du massacre de Bouaké

Gendarmes

Enfants de gendarmes

La libération des derniers détenus au prix de très fortes rançons
Lorsque la délégation d'Amnesty International a pu avoir accès à la prison militaire du 3e bataillon d’infanterie, en décembre 2002, il restait dix gendarmes, un policier et un militaire détenus. Ces deux derniers avaient été arrêtés après les gendarmes.
Depuis lors, Amnesty International a obtenu confirmation que tous les gendarmes survivants de ce massacre ont été libérés après avoir payé de très lourdes rançons allant de 750.000 fr ancs CFA à un million de francs CFA (entre 1.100 et 1.500 euros). Des membres du MPCI en charge des prisonniers ont en effet soumis les familles des gendarmes à un chantage, menaçant de tuer leurs parents détenus s’ils ne payaient pas la rançon demandée. En dépit de la terrible crise économique qui touche l’ensemble du pays depuis le début de la crise en septembre 2002, les familles des détenus ont pu réunir ces sommes au prix d’une grande solidarité familiale.
L’un des gendarmes libérés a dit à Amnesty International : « Toute la famille s’est cotisée, on a emprunté pour me libérer et lorsque je suis revenu à Abidjan, on me regardait comme un revenant. »
Il semble que le militaire encore détenu n’ait pas été libéré parce qu’il n’a pas pu contacter sa famille et demander à ses parents de réunir l’argent de la rançon. Ce militaire n’a pas été témoin des exécutions des gendarmes et de certains de leurs enfants commises entre le 6 et le 9 octobre 2002 car il a été arrêté après. Amnesty International a insisté auprès des autorités du MPCI afin que ce détenu bénéficie de la protection prévue par les Conventions de Genève.
En outre, le MPCI a fait parvenir à Amnesty International un mémorandum daté du 10 févr ier 2003 dans lequel il tenait à marquer «sa surprise sur de nombreux points du rapport d'Amnesty International…notamment [les] exécutions extrajudiciaires… [et les] libérations de personnes détenues contre rançon. »
Amnesty International prend acte de cette prise de position mais estime, sur la base de son enquête, que plusieurs faits sont d’ores et déjà établis :
• L’organisation ne peut se prononcer sur une éventuelle implication des gendarmes arrêtés le 6 octobre à l’état-major de la 3e légion de gendarmerie de Bouaké dans l’attaque lancée par les troupes gouvernementales afin de reprendre la ville ce jour-là.
• Cependant, tous les témoignages concordent pour affirmer que plus d’une centaine de personnes (une soixantaine de gendarmes, une cinquantaine de leurs enfants et quelques civils) ont été conduits, après avoir été désarmés, à la prison militaire du 3e bataillon d’infanterie.
• De ce fait, ces personnes détenues étaient protégées par l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève qui s’applique aussi bien aux troupes gouvernementales qu’aux groupes d’opposition armés et qui précise notamment que : «Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité. »
• Amnesty International a pu établir, sur la base de témoignages, la liste d’une soixantaine de noms de personnes qui ont été tuées de manière sommaire et délibérée dans l’enceinte de la prison.
• Amnesty International craint que certains survivants y compris des blessés n’aient été tués sur les lieux mêmes du charnier. Tant qu’une enquête impartiale et indépendante n’aura pu identifier les corps enterrés dans les fosses collectives de Bouaké, l’organisation considère ces personnes comme des « disparus ».
• Amnesty International estime que ces faits constituent une infraction très grave aux Conventions de Genève qui lient le MPCI au même titre que toutes les autres parties au conflit.

De Action Concrète Communication et Cotedivoire-lavraie