Attaque de Grand-Bassam : Des coïncidences troublantes et des déclarations gouvernementales contradictoires. Que nous cache-t-on ?

Par Ivoirebusiness - Attaque de Grand-Bassam. Des coïncidences troublantes et des déclarations gouvernementales contradictoires. Que nous cache-t-on ?

Alassane Ouattara et Hamed Bakayoko s'informant sur l'attaque de Bassam le 13 mars 2016, à travers les réseaux sociaux, en l'absence de couverture médiatique par la RTI1.

La station balnéaire de la ville de Grand-Bassam a été l’objet d’une attaque violente qui s’est soldée par plusieurs morts et blessés. Cette attaque barbare intervient dans un contexte où le gouvernement essuie de nombreuses difficultés. Il faut ajouter à cela, qu’il est de notoriété publique en Côte d’Ivoire et ailleurs - où des hommes et femmes ont un regard désintéressé sur la situation socio-politique en Côte d’Ivoire -, qu’Alassane Dramane Ouattara exerce le pouvoir de façon personnelle et autoritaire. Il ne respecte pas les lois de la République.
Mais il se trouve des personnes à travers le monde qui, alors qu’elles n’ont aucune connaissance du vécu des Ivoiriennes et Ivoiriens – ou du moins qui en font fi –, encensent Alassane Dramane Ouattara sur la croissance économique, sur la démocratie et sur la sécurité dans le pays. Pourtant la réalité est tout autre. Il s’agit donc d’opérations de communication pour soutenir un ami de réseau ou pour tromper l’opinion sur les réelles capacités de ce pouvoir – installé par la force – à tenir ce pays.
Les coïncidences que nous pointons, concernent la naturalisation de l’ex-Président Blaise Compaoré et la question de son extradition pour répondre des crimes à lui imputés ; l’affaire Guillaume Soro/Djibril Bassolé/Gilbert Diendéré ; les foudres des ONG relativement aux atteintes des droits de l’Homme et – cerise sur le gâteau – les difficultés qu’a l’accusation à la Cour pénale internationale, où la déposition d’un témoin du procureur va contre les prévisions de celui-là qui l’a cité à comparaître. Ce dernier fait était inattendu tant pour et par le pouvoir d’Abidjan que pour et par, naturellement l’accusation.
Encore une fois, nous nous inclinons sur la mémoire des victimes et sommes solidaires de leurs familles. Et c’est justement pour demander que la lumière soit faite sur cette affaire, pour le respect de la mémoire de ces victimes gratuites, que nous soulevons des interrogations qui ressortent de l’examen attentif des éléments qui nous sont communiqués.
En même temps que l’observation de la retenue est judicieuse, il convient d’oser, devant le cynisme des décideurs de ce monde, dont les agissements revêtent de plus en plus des logiques amorales et un cynisme sans précédent. Pour investir l’Afrique, des spécialistes improvisés de l’Afrique font fortune. Or, faire de temps en temps quelques jours ou semaines en Afrique ou s’édifier à partir de connaissances livresques ne peuvent suffire pour obtenir l’accréditation de descriptions ou de commentaires d’hommes et de femmes. Quand ceux-là abreuvent l’opinion de situations qu’ils méconnaissent pour ne les avoir pas vécues.
Des doutes subsistent après l’attaque de Grand-Bassam ?
Cette attaque a-t-elle surpris les autorités ivoiriennes ? Dans un article du journal le « Monde Afrique » il est dit « … un nouveau bilan des événements de la cité balnéaire a été rendu public avec des chiffres revus à la baisse. Ils font état de 21 personnes tuées, dont 15 civils – parmi lesquels quatre Français –, trois éléments des forces spéciales et trois terroristes. Un rétropédalage par rapport au bilan précédent, qui faisait état de 22 morts dont 14 civils, deux membres des forces spéciales et six terroristes… ».
Pourquoi le chef de l’Etat ivoirien a-t-il dit avoir neutralisé six assaillants ? Pouvaient-ils faire des déclarations sans avoir eu toutes les preuves afférentes ? Pourquoi ce rétropédalage après la revendication des prétendus commanditaires ? Un témoin s’interroge d’ailleurs : « AQMI, qui a envoyé ses hommes, parle de trois kamikazes pendant que nos autorités parlent tantôt de six, tantôt de trois… Pourquoi ? », Et ce n’est pas tout. D’autres éléments viennent jeter des troubles sur les déclarations du gouvernement ivoirien.
D’ailleurs, est-il suffisant de citer une revendication d’un groupe terroriste pour démontrer la nature terroriste réelle de cet acte ? Comment ces revendications qu’on met à la disposition du public sont-elles authentifiées ?
Le film fourni par la vidéo de surveillance de l’hôtel « Etoile du Sud » montre un individu avec une kalachnikov. Le profil de ce malfaiteur nous interroge sur son caractère djihadiste. La question de la sécurité des populations est suffisamment sérieuse pour que le chef de l’Etat ivoirien en fasse une variable d’ajustement.
Dans un pays où 9 militaires français et un humanitaire américain ont été tués pour des motivations qu’il reste encore à élucider, où l’instruction de l’affaire du journaliste Guy André Kieffer est au point mort, les conditions des tueries de Grand-Bassam ne doivent pas passer par pertes et profits avec la force de l’émotion.
Il importe donc de savoir l’origine des terroristes. Parce que ce genre d’affaire requiert un minimum de professionnalisme. On peut par ailleurs craindre un appel d’air au regard des méthodes du pouvoir en place. Et pourquoi Guillaume Soro est-il discret sur cette affaire ?
Alassane Dramane Ouattara a son pouvoir aux abois. Il y a eu un attentat présumé à Grand-Bassam. Et cela est le prétexte des autorités françaises à voler – sous couvert d’une coopération pour lutter contre le terrorisme – au secours pour renforcer le « tout sécuritaire » d’un pouvoir autoritaire qui est à l’agonie.
Les peuples ont besoin de respect. La France, en bombardant la Libye a déstabilisé toute la région nord-africaine. Les mails déclassifiés d’Hillary Clinton parlent d’une importante réserve d’or de Kadhafi. On lit aussi « …Les plans à long terme de Kadhafi de supplanter la France comme puissance dominante en Afrique de l’ouest… ».
« Sur ce dernier point, le mémorandum fait état de l’existence d’un trésor de Kadhafi de 143 tonnes d’or et presque autant d’argent… » . En d’autres termes, le projet de Kadhafi de battre une monnaie africaine a été contré par le trio, Sarkozy, BHL et Clinton par l’assassinat du leader libyen, outrepassant ainsi la résolution 1973 adoptée le 17 mars 2011 par les Nations unies.
Les peuples devront-ils subir les revers de comportements de dirigeants incontrôlables ? Il apparaît que la démarche des dirigeants politiques des pays impérialistes devient de plus en plus suspicieuse. C’est pourquoi, il urge d’ouvrir un réel débat sur la gouvernance mondiale. Car la fuite en avant face au terrorisme devient à terme un danger pour l’humanité.

Dr Claude KOUDOU
Enseignant-Ecrivain ; Directeur de la Collection « Afrique Liberté » chez les Editions L’Harmattan