Après la chute du régime : Le FPI à l`épreuve de la cohésion • Mamadou Koulibaly va-t-il créer son parti ?

Publié le mercredi 15 juin 2011 | L'Inter - Quelqu`un a dit que « la politique, c`est la saine appréciation des réalités du moment ».

Mamadou Koulibaly venu rencontrer Alassane Ouattara, pour la première fois, à l'hôtel du Golf.

Publié le mercredi 15 juin 2011 | L'Inter - Quelqu`un a dit que « la politique, c`est la saine appréciation des réalités du moment ».

Mamadou Koulibaly, président de l`Assemblée nationale et 3è vice- président du Front populaire ivoirien (Fpi), ancien parti au pouvoir, semble avoir fait sien cet adage. Il tente de remettre à flot le navire frontiste qui a pris l`eau de toutes parts depuis la chute du régime de la Réfondation le 11 avril dernier. Le fait-il bien ? A-t-il la caution de tous ses camarades de parti ? Sa démarche est-elle appréciée du président Laurent Gbagbo, en résidence surveillée à Korhogo depuis sa capture ? Difficile de répondre. Toutefois, Mamadou Koulibaly, seul maître à bord actuellement, après `` l`emprisonnement `` de ses supérieurs hiérarchiques, a décidé de recoller les morceaux après le naufrage. Démarches auprès des nouvelles autorités, déclarations de reconnaissance du nouveau pouvoir, double réunions du comité central, refus de siéger au gouvernement de Ouattara, tout y passe pour signer le come-back du Fpi. Passe encore cette débauche d’énergie, même si au sein de la famille des socialistes, certains n`apprécient pas les démarches de Mamadou Koulibaly. Ces derniers trouvent que le député de Koumassi met la charrue avant les boeufs. Ils voudraient qu`il mette un point d`honneur à la libération « du grand patron » Laurent Gbagbo, de son épouse Simone, et des autres `` camarades `` emprisonnés dans des localités du pays, ou en exil à l`extérieur. Pour Koulibaly par contre, le Fpi doit vivre après Laurent Gbagbo. « La libération de Gbagbo n`est pas une priorité », avait-il lâché au cours d`un entretien. Le très libre tenant du perchoir ne s`arrête pas là. Il critique ouvertement la politique menée par le Fpi depuis la prise du pouvoir, il dénonce les abus de certains cadres du parti, et s`attaque parfois à la personne de Laurent Gbagbo. Sa récente interview dans le journal « Jeune Afrique » de la semaine dernière, a été diversement interprétée dans les milieux de La Majorité Présidentielle (Lmp). Elle est jugée trop osée par certains, quand d`autres trouvent que « c`est du Mamadou Koulibaly tout craché. Il est resté égal à lui-même ». Morceaux choisis: « Nous avons réalisé une très mauvaise campagne électorale, mal organisée. Il n`y avait pas de stratégie, pas de discours cohérent, et trop de personnes étaient en première ligne, avec des moyens colossaux mais mal utilisés. Certains cadres n`ont pas travaillé; ils ont détourné de l`argent pour acheter notamment des véhicules », « Lorsque nous étions dans l`opposition, on faisait mieux (…) On rêvait d`une nouvelle Côte d`Ivoire (…) On disait qu`on voulait ouvrir le marché ivoirien au monde entier mais, dans les faits, on a fait des deals avec les plus grosses entreprises françaises. Alassane Ouattara a proposé une vision plus cohérente ». De Laurent Gbagbo, il dira ceci : « Il est toujours resté maître de ses actes.

Mais tous, les militants, les cadres, se demandent pourquoi il s`est à ce point entêté, à la limite de l`irrationnel (...) Cinq ans plus tard, il avait toutes ses chances pour redevenir président ». Ces propos de Mamadou Koulibaly ont ouvert une vague de mécontentements dans le camp Gbagbo. La grogne serait plus forte du côté des militants du Fpi et de La Majorité Présidentielle qui se sont exilés du côté du Ghana ou qui se trouvent en France.

Un bloc d`anti-Koulibaly se forme

Ces militants, très remontés contre le président de l’Assemblée nationale, l`accusent de vouloir « sacrifier » Laurent Gbagbo sur l’autel de ses ambitions personnelles. Ils crient à la trahison de la part de celui-ci. Ces anti-Koulibaly se disent convaincus que l`ancien chef de l`Etat et les autres prisonniers du 11 avril dernier n`approuvent pas les critiques formulées par le natif d`Azaguié. D`autres, plus indulgents, estiment que la forme choisie (les journaux ndlr) n`est pas la mieux indiquée pendant cette traversée du désert du Fpi. « Il est libre de faire des critiques, de dénoncer mais pas dans les journaux, et pas au moment où les camarades sont en prison. Les débats ne sont pas interdits au Fpi, mais nous avons des tribunes pour le faire », s`indigne un haut membre du parti frontiste. A la réunion du Secrétariat général de l`ancien parti au pouvoir, tenu le jeudi 09 juin dernier, des sources bien introduites soulignent que Mamadou
Koulibaly a été appelé à s`expliquer sur ses sorties jugées « intempestives ». Par ailleurs, à en croire des proches du président de l`Assemblée nationale, « il a reçu beaucoup d`appels de protestation. Certains ne comprennent pas ce qu`il fait, d`autres pensent qu`il veut profiter de la situation pour se positionner comme le nouveau leader du Fpi ». Il ne fait en effet aucun doute que le violent et brutal changement intervenu à la tête de l`Etat, a complètement désagrégé le parti des refondateurs, et ouvert la guerre de leadership qui était encore latente au Fpi. Mamadou Koulibaly, selon des proches, n`entend pas se laisser faire. A ses détracteurs, le président intérimaire du parti des socialistes donne des coups et compte rester sur cette lancée. « Nous avons perdu, sortez de vos cachettes », avait-il répondu dans une interview accordée à Onuci Fm, faisant allusion aux cadres du Fpi ou de Lmp qui sont tapis dans l`ombre et qui tentent de saboter ses actions. Mieux, le député de Koumassi se convainc, jusqu`à preuve du contraire, que l`ancien chef de l`Etat Laurent Gbagbo approuve ses critiques et est d`avis avec lui que le train de la réfondation a déraillé par leur propre faute. Mamadou Koulibaly veut le remettre sur les rails, mais à partir des valeurs qui ont guidé leurs pas jusqu`à la prise du pouvoir en 2000.

« La priorité, c`est de refaire du Fpi un grand parti d`opposition. Cela veut dire qu`il faut dresser un bilan en profondeur, prendre des dispositions institutionnelles, remobiliser les militants et donner des signaux forts aux Ivoiriens, en modifiant complètement notre discours et nos méthodes (…) Ensuite, on pourra peut-être penser à organiser un grand congrès du parti », projette le 3è vice-président du Fpi. On devrait comprendre qu`un nouveau Fpi, préparé à la sauce Koulibaly, est au feu. Ce projet va-t-il emporter l`adhésion de toute la famille frontiste? Tente-t-il malicieusement et volontairement de se mettre à dos l’appareil du parti pour se chercher une porte de sortie ? En clair, Mamadou Koulibaly va-t-il créer son parti s’il a le net sentiment de prêcher dans le désert auprès de sa propre famille ? L`avenir nous situera.

Hamadou ZIAO