Affaire "le petit Laurent, 14 ans, a voulu aller en Europe": Lettre Ouverte à Son Excellence le Président Allassane OUATTARA, Par Jean Yves ESSO ESSIS

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Affaire "le petit Laurent, 14 ans, a voulu aller en Europe". Lettre Ouverte à Son Excellence Monsieur Allassane OUATTARA, Président de la République de Côte d'Ivoire.

Jean Yves ESSO ESSIS.

Abidjan, le samedi 11 janvier 2020.
19h00

Excellence Monsieur le Président de la République,

Je viens par la présente vous parler du petit Laurent...Laurent Barthelemy Ani Guibahi.

A travers ce billet je veux dénoncer la légèreté avec laquelle la sécurité aéroportuaire est gérée dans notre pays. Je viens enfin par cette missive vous signifier ma désespérance absolue face à cette totale défaillance de notre système éducatif.

Le petit Laurent, 14 ans, a voulu rejoindre l'Europe...

Dans le lycée Simone Gbagbo de Yopougon où il faisait ses classes, 7000 élèves s'entassent dans des salles bondées où ils se retrouvent à 115 par classe avec trois ou quatre enfants assis sur des bancs de deux places.
En plein Abidjan en 2020...

Les réalités de notre éducation nationale sont celles là, Excellence Monsieur le Président...

Dans l'école du petit Laurent, comme dans plusieurs autres écoles, en raison du trop grand nombre d'élèves inscrits et du nombre beaucoup trop faible d'établissements scolaires, une moitié des élèves viennent le matin et l'autre moitié l'après-midi.
En plein Abidjan en 2020...

Laurent était en 4eme et faisait partie du groupe du matin. Ses camarades de 4eme de l'après-midi qui étaient en cours ne pouvaient pas s'imaginer que leur ami profiterait de cette "double vacation" forcée pour tenter une aventure suicidaire...passer de l'autre côté du miroir. Passer de l'autre côté de son horizon qu'il voyait trop sombre, si sombre.
En plein Abidjan en 2020...

L'aéroport se trouvant à une trentaine de kilomètres de son quartier, Laurent décide de traverser la ville en direction de Port Bouet puis d'escalader le mur de l'espace aéroportuaire au niveau de la piste d'atterrissage de l'aéroport Félix Houphouet Boigny d'Abidjan. Il se cachera dans les espaces verts en attendant le décollage du vol Air France prevu pour 22h55.
Comment cela est il possible en plein Abidjan en 2020...

Il s'agrippe alors au train d'atterrissage de l'avion au moment du decollage de celui-ci...pour embarquer vers son Eldorado rêvé. Une fois en l'air il a très vite déchanté...Il n'imaginait pas que le froid et l'altitude le tuerait à coup sûr.

Il est passé de manière tragique de l'autre côté du miroir, Excellence monsieur le Président.

Excellence Monsieur le Président,

Au-delà de cet événement bouleversant, je souhaite attirer votre attention sur l'insoutenable légèreté de notre système éducatif. Il est inadmissible et incompréhensible de constater qu'en 2020, dans un pays comme le notre, en plein Abidjan, nous puissions encore découvrir de telles énormités au niveau de nos établissements scolaires.

Vous auriez été bien inspiré de construire davantage d'écoles au cours de vos deux mandats. Vous préférez les échangeurs et les ponts. Pauvre de nous...

Je souhaite enfin également poser une question à votre ministre chargé des transports, monsieur Amadou KONE :

Comment se fait il qu'un enfant de 14 ans ait pu se retrouver dans le train d'atterrissage d'un avion stationné a l'intérieur du périmètre de l'aéroport international FHB sans que personne ne s'en soit aperçu? Et s'il s'était agit d'un terroriste muni d'une ceinture d'explosif ? Où en serions nous aujourdhui?

Sous d'autres cieux les responsables concernés vous auraient déjà présenté leurs démissions. Mais nous sommes en Côte d'Ivoire...pays de toutes les énormités acceptables. Tout ce qui s'y passe est à votre image, Excellence Monsieur le Président, car vous en êtes le patron et le guide.
Du moins jusqu'en octobre 2020...

Excellence Monsieur le Président ,

Je suis extrêmement peiné par ce drame inacceptable. Je ne trouve pas de mots assez forts pour exprimer mon desarroi face à cette tragédie. Rien ne pourra ramener le petit Laurent et je ne sais comment faire pour consoler cette famille endeuillée.

J'ose croire que vous saurez faire le nécessaire pour prendre totalement en charge les obsèques de notre enfant parti trop tôt en quête de son rêve.

Je vous prie d'agréer, Excellence Monsieur le Président, l'expression de mes salutations respectueuses.

Jean Yves ESSO ESSIS
Père de famille ivoirien