Affaire Gbagbo : Quand la présomption de culpabilité devient un principe confiscatoire de droits élémentaires, Par Alain CAPPEAU

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Affaire Gbagbo. Quand la présomption de culpabilité devient un principe confiscatoire de droits élémentaires, Par Alain CAPPEAU.

Alain Cappeau conseiller spécial, en compagnie du Président Laurent Gbagbo au palais présidentiel d'Abidjan. Image d'archives.

Le 21 janvier 2020, un certain nombre de conseillers de la République de Côte d’Ivoire, présentait ses observations sur la requête faite par la défense de M. Laurent Gbagbo, aux fins d’obtenir que la chambre d’appel de la CPI restitue à celui-ci, l’intégralité de ses droits humains fondamentaux, en regard de l’acquittement de toutes les charges portées contre lui, le 15 janvier 2019.

Après avoir pris péniblement connaissance des arguments évoqués dans ces observations, après les avoir lues de gauche à droite puis relues de droite à gauche, nous en sommes arrivés à la conclusion, qu’au nom de la sacro-sainte jactance patricienne, cet abstract allongé, avec ses pleins, et ses déliés, n’était rien d’autre qu’un compilation de données lexicologiques qui n’amenait strictement rien au dossier.

A chacun son marronnier ! Tout n’est que remplissage, conjectures, allégations interprétatives et autres procédés sémantiques qui « renforcent l’onde sonore, dont le souvenir risque toujours, s’il n’est pas aidé, de s’évanouir à mesure même de sa progression ». Une explication de texte de ces observations n’est donc pas nécessaire, dans la mesure où, dans ce papier en 45 points, la forme prime le fond.

A nouveau, dans ce dossier les protagonistes, utilisent une technique éculée qui avance : des affirmations rebattues jusqu’à plus soif (point N° 13 L. Gbagbo a perdu les élections en décembre 2010), d’insipides refrains (point N° 15, le risque de fuite de Laurent Gbagbo), ou bien encore, des évidences affligeantes (point N° 29, le comportement de M. Gbagbo est imprévisible), que ces scripteurs transcendent jusqu’à tenter de les faire accepter comme des vérités bibliques.

Mais le droit est irréductible aux faits, et surtout aux faits allégués. Du reste, ce que ces conseillers de l’Etat de Côte d’Ivoire n’ont pas compris c’est qu’un artifice mensonger mille fois asséné n’a jamais fait une vérité, bien au contraire ! Mais qu’à cela ne tienne, car il est de notoriété publique qu’un avocat politique est un désabusé de la vérité.

L’objectif d’un tel laïus moralisateur étant uniquement de semer un trouble chez les magistrats de la CPI, nous conseillerons à ces juristes, avec beaucoup d’humilité et de commisération de s’imprégner de la harangue d’Oswald Baudot qui soulignait que la loi (et donc son utilisation) ne devait pas servir d’alibi, pour tout et pour rien.

De la même manière qu’on ne veut pas admettre que Laurent Gbagbo a gagné les élections présidentielles en Côte d’Ivoire en 2010, on ne veut pas intégrer le fait qu’il ait bel et bien été acquitté,(on rappellera que pas moins de 82 témoins de l’accusation sont passés à la barre, lors d’un procès marathon, sans apporter une moindre preuve de culpabilité à l’encontre de Laurent Gbagbo), justement par ces magistrats que l’on vient aujourd’hui sermonner à l’ancienne, en leur tapant sur les doigts avec une réglette et en les culpabilisant.

A l’évidence il est plus confortable de se tromper avec tout le monde que d’avoir raison tout seul. Mais ces gens-là messieurs, ces magistrats de 1er instance à la CPI qui ont acquitté Laurent Gbagbo ont aussi leur fierté ! Et si interjeter appel revient à dire, dans l’esprit de ceux qui ont formé ce recours, que ces magistrats ont mal fait leur boulot, les rodomontades qui suintent des observations évoquées par les conseillers de la République de Côte d’Ivoire ne font que jeter de l’huile sur le feu…attention cependant à ne pas se tromper de feu ! Soliloquer dans son coin, dans un galimatias abscons pour satisfaire aux termes d’un contrat entre un Etat et des prestataires, révèle la faiblesse de ceux qui s’y adonnent et produit l’effet inverse que celui souhaité par le donneur d’ordre.

Le primat de Laurent Gbagbo est d’avoir toujours compris que dans la procédure judiciaire initiée à son encontre, il évoluait dans un climat malsain de présomption de culpabilité, tout en étant viscéralement convaincu que tôt ou tard, sur le fondement de la superfluité des consciences, un revirement psychologique collectif s’opèrerait en sa faveur, et c’est bien ce qui est en train de se passer depuis son acquittement en janvier 2019.

Alors à quoi bon s’époumoner, au travers de répétitions incantatoires, à dire que Laurent Gbagbo pourrait se soustraire à ses responsabilités ou à ses devoirs. Pour lui, le devoir n’est pas une contrainte, bien au contraire et c’est ce qui le rend unique, troublant et agaçant pour ses contradicteurs qui eux pensent et disent que ce qu’ils doivent faire implique qu’ils puissent ne pas le faire. Pour Laurent Gbagbo le respect du devoir et de la vérité priment la liberté, ce qui est dur à concevoir pour ses conseillers, ses amis et sa famille, mais encore plus pour ses opposants, qui en arrivent à s’auto étrier, par dépit.

Messieurs de la chambre d’appel, vous qui allez, vous prononcer sur la restitution de l’intégralité des droits fondamentaux de Laurent Gbagbo le 6 février prochain, à vous d’apprécier ! Mais de grâce, ne soyez pas de ceux qui augmentent la somme des souffrances des autres, n’ostracisez pas Laurent Gbagbo simplement parce qu’il diffère de nous.

Le statut d’innocent et son corollaire qui en est la présomption existent bel et bien. Gardez en mémoire que la loi est fausse dès lors qu’elle ne tend qu’à punir et détestable dès qu’elle n’a pour objet que de pourfendre cette notion de présomption d’innocence au profit de celle de culpabilité.

Par Alain CAPPEAU

Conseiller spécial du Président Laurent Gbagbo