19 septembre 2002 - Rebellion armée de Guillaume Soro: Le témoignage exclusif du pasteur Koré Moise sur le 19 septembre 2002 "Comment Gbagbo et nous avons vécu cette nuit"

Par IVOIREBUSINESS - 19 septembre 2002 - Rébellion armée de Guillaume Soro. Le témoignage exclusif du pasteur Koré Moise.

Comme promis ce matin voilà comment j ai vécu cette terrible nuit qui a plongé notre pays dans la page noire de son histoire.
A cette date il y a 11 ans je me trouvais à Rome à ma demande je ne sais trop pourquoi, parce que ce n est pas dans mes habitudes. Le soir du 18 septembre, j avais demandé au Président s’ il voulait rencontrer une importante délégation d’hommes d’affaires qui souhaitaient investir au pays. Il m a donné son accord, mais il m a rappelé plus tard pour me dire qu’ il souhaitait rencontrer d’abord Robert Bourgi qui venait d’arriver, pour des raisons qui lui étaient propres. Donc nous avons mis le rendez vous au lendemain.
Cette délégation d’hommes d’affaires conduite par un ami arabe, m’ a donc convié à un dîner pas loin de notre hôtel, et chose curieuse pendant toute la soirée, ces hommes s’inquiétaient de la sécurité au pays, malgré mes assurances toute la soirée, il en a été question. Ils m’ont déposé à notre Hôtel aux environs de 3:30 du matin. Le temps de prendre une douche et mon téléphone s est mis a sonner . Lorsque j’ai décroché, c était un ami qui m’appelait d’Abidjan pour m’informer de ce qu’il y avait des coups de feux que du reste je pouvais entendre, a Abidjan. J ai passé quelques autres coups de fils à des amis ex enfants de troupes et militaires donc , qui m’ont confirmé le premier appel. Je suis donc allé réveiller le colonel Gléi, chef d’état major particulier du PR pour l’ informer et ensemble nous sommes allés dans la chambre de Mr Anoma Jacques qui était dejà reveillé et informé, pour passer d’ autres coups de fil de confirmation.C’est a la suite de tout cela que nous avons informé le PR et l’ensemble de la délégation. La suite présidentielle s’est transformée en QG et les coups de fil sont partis dans toutes les directions. De mon téléphone l’on a appelé une trentaine de fois le ministre Boda Doudou, son portable sonnait mais personne ne décrochait et nous allions comprendre par la suite, grâce à un appel dans la journée de Mon ami Kuyo Tea qu’il était décédé suite à l’assaut de sa maison et que son corps avait été transporté à la résidence dans un piteux état. Le ministre de la défense n’a pu être joint également. Seuls deux officiers supérieurs ont été joints, le Gnl Doué et le Gnl Bombet, à ce qui nous a été raconté par le premier c’était une manifestation de colère des fameux zinzins et bayefoués. Le second cherchait à rallier le camp d’akouedo pour organiser la riposte.D’heure en heure les nouvelles tombaient, l’école de Gendarmerie était sous le feu et Agban avait été infiltré par les assaillants. J’ai alors joint mon cadet Seka Seka qui m’a dit qu’il était hors du camp mais qu’il y allait pour participer aux combats. Plus tard il me dira en plein combat qu’ils avaient repoussé les assaillants et qu’ Agban avait été libéré.
Le PR fut très attristé par la mort de son compagnon, mais il est resté digne et a continué à prendre des nouvelles du terrain. Je me souviens que dans cette ambiance morose, notre premier porte parole fut le ministre Achi Patrick que j’avais connu à l’université. Il se plaignait du gâchis que c’était avec le boulot qui avait été accompli depuis 2000. C’est après que Mr Alain Toussaint est arrivé pour répondre a toutes les sollicitations journalistiques. Ce jour là je m’ amusais à détendre l’atmosphère en disant à tous qu’il fallait considérer que nous étions tous en exil surtout quand les nouvelles d’Abidjan était bonnes. L’ambiance était tendue et l’école de gendarmerie a reçu du secours que vers 10h du matin et Agban avait également desserré l’étau. Le lendemain nous avons reçu le coup de fil du ministre du ministre de la défense qui a fait le point de la situation et demandé au PR d’attendre jusqu’à ce que la situation soit clarifiée à Abidjan avant de revenir, mais le PR a dit : mon peuple est attaqué et ma place est auprès de lui, après avoir eu quelques entretiens privés avec certains d’entre nous, il m’a informé qu’il rentrait à Abidjan, mettant ainsi fin à sa visite officielle, avec quelques uns de ses gardes du corps. J ai admiré le courage de cet homme ce jour là car au moment où il partait rien n’était sécurisé à Abidjan, mais comme un chef il a décidé de rejoindre ses hommes. Nous qui sommes restés avons continué à prendre des nouvelles du pays jusqu’à ce qu’on nous confirme son atterrissage à l’aéroport d’Abidjan sécurisé par le vaillant Général Dogbo et ses hommes. Mes sentiments aujourd’hui sont multiples : tristesse pour mon pays au vu de ce qui s’y est déroulé pendant ces années, sentiment d’un énorme gâchis, je suis triste de la fracture sociale, je me demande si on a pas créé des problèmes plus graves que ceux qu’on disait exister avant cette fameuse nuit, et j’ai peur pour l’avenir de notre pays. La seule personne qui peut ressouder et corriger tous ces dérèglements est aujourd’hui à la Haye. Le président a toujours été concerné par son pays, il nous disait que c’est dommage ce qui vient d’arriver parce que nous étions sur le point d’engranger les bénéfices du bon travail gouvernemental . Mais il ne se résignait pas et disait qu’il fallait continuer à se battre pour remettre le pays sur la bonne voie. Qu’ensemble, fils de ce pays nous nous attelions à cette tâche.

Pasteur Kore Moise
Conseiller du Président Laurent Gbagbo