LES FRANCS-MAÇONS FONT-ILS LA GUERRE À LA CÔTE D'IVOIRE ?

Le 23 décembre 2010 par IvoireBusiness - Les francs-maçons font la guerre à la Côte d’Ivoire ? A première vue non. Mais certaines « coïncidences » donnent du grain à moudre aux tenants de cette thèse.

Hamed Bakayoko, proche parmi les proches d'ADO, parmi ses frères franc-maçons.

Le 23 décembre 2010 par IvoireBusiness - Les francs-maçons font la guerre à la Côte d’Ivoire ? A première vue non. Mais certaines « coïncidences » donnent du grain à moudre aux tenants de cette thèse.

Au plan africain, les ennemis les plus acharnés du régime de Laurent Gbagbo sont des francs-maçons très actifs. Ainsi d’Omar Bongo, chef des francs-maçons du Gabon et d’Afrique centrale, ardent défenseur de Marcoussis (qu’il ne veut pourtant pas appliquer chez lui, si on s’en tient à sa Constitution très « gabonitaire ») dont le pays est sous l’emprise entière de la « Grande loge nationale de France (GLNF) », tout en étant très tolérant envers les autres obédiences maçonnes. C’est d’ailleurs à Libreville que se tiendront du 4 au 6 février 2011 prochains les « rencontres humanistes et fraternelles africaines et malgaches (REHFRAM) », où se réuniront la plupart des francs-maçons du continent autour du thème « la solidarité maçonnique ». Blaise Compaoré est également franc-maçon affilié à la même « GLNF ». Moins actifs dans le combat contre Gbagbo, Sassou N’Guesso et Idriss Déby sont également de la même obédience, à laquelle ils ont converti François Bozizé après le coup d’Etat co-organisé par Libreville et N’Djaména avec la bienveillance de la France. Jacques Chirac, s’il n’a jamais revendiqué une quelconque appartenance maçonnique, se montre toujours dithyrambique à propos des « frères de lumière ». « Vous inscrivez votre engagement dans l’héritage des Lumières. Lumières de la raison, de la tolérance, de la solidarité humaine, lumières de la liberté, la liberté absolue de conscience, la liberté de douter, parce que le doute est moteur de progrès. Une liberté que résume bien le triptyque : + provoquer et non imposer, suggérer sans proclamer, interroger plutôt que répondre +. Bref, la vraie liberté de l'homme parvenu à s'affranchir tant des passions que des carcans sociaux. Alain Bauer, dont je salue l’initiative qui nous réunit aujourd’hui, a évoqué la naissance de la maçonnerie en France à l'aube du XVIIIe siècle, avec cette belle formule que je lui emprunte : + C'est le peuple de l'Encyclopédie qui essaie de devenir celui des Lumières +. Né dans les spasmes des guerres civiles et religieuses anglaises, l'idéal maçonnique, celui d'Isaac Newton, rêvait de substituer aux dogmatismes le débat sur le progrès scientifique, de desserrer l'étreinte, de casser les rigidités, pour instaurer un espace de liberté, hors des tabous et des index de l'époque. Cette histoire, ces convictions, la + franc-maçonnerie + peut les assumer avec fierté », disait-il lors du 275è anniversaire de l’ordre maçonnique en France. Cela ressemble fort bien à un argumentaire marketing !
Par ailleurs, depuis Marcoussis, certains itinéraires et prises de position de personnes traditionnellement proches du président Gbagbo ne manquent pas d’intriguer à tel point que certains observateurs lient l’attitude ambiguë du général Mathias Doué à son appartenance maçonnique ; la grande trahison de Dakoury-Tabley, habituel des temples maçonniques mais plus globalement attiré par le mysticisme est souvent interprétée de la même manière ; les « amis français » et francs-maçons de Gbagbo, dont fait partie Jean-Pierre Camoin, président du « Cercle d’amitié pour le renouveau franco-ivoirien (CARFI) », sont ainsi très silencieux depuis le début de la « guerre de six jours ». Parmi les socialistes français, l’on remarque par exemple que le premier à « casser du sucre sur le dos » de Gbagbo dès les premières semaines du conflit est Guy Penne, ancien conseiller aux affaires africaines de François Mitterrand. Ceci expliquerait-il cela ? En tout cas, l’expérience montre que les francs-maçons, même dans le camp présidentiel, osant se dresser contre le dogme marcoussiste sont très peu nombreux, pour ne pas dire qu’ils n’existent pas.
Certains analystes pensent qu’il est exagéré de penser que les francs-maçons sont les ennemis objectifs de la Côte d’Ivoire républicaine. Pour eux, le fait principal est qu’après la disparition des réseaux Foccart et l’atonie des réseaux Pasqua, le « club » le plus efficace utilisé par la « Françafrique » est celui de la « maçonnerie ». Ainsi, il n’est pas inutile de noter l’imbrication historique entre les services secrets français et les « frères de lumière » : deux patrons du « Grand Orient », ces dernières années, ont été des hommes du renseignement : Michel Baroin et Philippe Guglielmi. En Côte d’Ivoire aussi, des francs-maçons ont souvent été des « honorables correspondants »…Aujourd’hui même, de nombreux Messieurs Afrique du président Jacques Chirac, dont son conseiller Michel De Bonnecorse, sont francs-maçons.
En tout cas, le débat est ouvert dans la société ivoirienne. Il bat son plein sur le site du « Mouvement ivoirien pour la défense des institutions (MIDI) », où une sorte de Forum opposant des francs-maçons à leurs détracteurs a lieu (et dont le catalyseur est une série d’articles particulièrement hostiles aux porteurs de « tablier ») et où des noms bien connus sont cités (www.midici.com). Au-delà de la controverse ésotérico-spirituelle, une question se pose : un réseau international dirigé à 100% de l’extérieur, où la liberté de pensée semble limitée dès que les totems et les tabous ont déjà été fixés, où le secret est maître et dont les agents d’influence avancent masqués, est-il un danger ou une chance pour la démocratie ? L’heure est venue de s’interroger en profondeur…
Serge Sonan